Des services secrets, nous ne savons que les échecs et rarement les succès. Si l'échec provoque l'anathème, l'ingratitude est fille de la victoire. Quand à la gloire, il faut l'oublier, elle est pour les autres...

samedi 13 avril 2013

Un an après l'affaire Merah, le patron du Raid muté à l'Inspection générale de la police nationale



Le ministère de l'Intérieur a beau assurer que ce n'est "absolument pas une sanction", la décision fait déjà couler beaucoup d'encre. Le patron du RAID, Amaury de Hauteclocque, petit-neveu du maréchal Leclerc, ancien de la Crim' et proche de Frédéric Péchenard, patron de la police sous Nicolas Sarkozy, a été démis de ses fonctions. Après six années passées à la tête de l'unité d'élite, lui a été proposé un poste à l’Inspection générale de la police nationale (IGPN). Surnommée par certains le "cimetière des éléphants".

Le grand public a découvert le visage de cet homme de 46 ans au physique de cinéma avec l'affaire Merah. Il a en effet mené l'assaut le plus médiatique de ces dernières années. Une opération dans laquelle le tueur au scooter a été tué et le RAID, vivement critiqué. Ironie de l'histoire, c'est un rapport succinct de l'IGPN, son nouvel employeur, et commandé par Manuel Valls qui dédouanera le Raid à l'automne. Car si les auteurs du rapport regrettent que Merah ait pu sortir de son appartement et y revenir sans être repéré par les policiers, ils valident les "choix tactiques" de l'unité d'élite.

Amaury de Hauteclocque avait dirigé l'assaut contre Mohamed Merah à Toulouse



Michel Fauvergue désormais aux commandes

Place Beauvau, on explique qu'il s'agit du "patron du RAID qui est resté le plus longtemps en poste". Mais Eric Ciotti préfère dénoncer sur twitter une "éviction irresponsable, brutale et autoritaire du patron du RAID vers l'IGPN". "Est-ce une nouvelle chasse aux sorcières?" assène le député UMP. Le ministre de l'Intérieur de l'époque, Claude Guéant, contacté par Le Figaro, voit également dans cette mutation une sanction : "Bien sûr, nul n'est propriétaire de son poste. Mais ce policier courageux aurait pu se voir proposer des fonctions opérationnelles. Ce n'est pas faire injure à l'IGPN, très utile évidemment, que de le dire. Je regrette, pour ma part, cette mutation."

Amaury de Hauteclocque était un proche de Frédéric Péchenard, l'ancien patron de la police sous Nicolas Sarkozy. Le petit-neveu du maréchal Leclerc et ancien de la Crim', sera remplacé par Jean-Michel Fauvergue, l'actuel sous-directeur à la police aux frontières. Âgé de 56 ans, il a exercé dans la police judiciaire mais "connaît bien les missions d'intervention, métier de base du Raid" pour avoir été coordinateur des GIPN régionaux, fait valoir le ministère de l'Intérieur.

Jean-Michel Fauvergue, l'homme d'intervention


Jean-Michel Fauvergue, "connaît bien les missions d'intervention, métier de base du Raid", pour avoir été coordinateur des GIPN régionaux (groupes d'intervention de la police nationale). Il a été également en charge de la sécurité d'ambassades de France en Afrique (Bamako, Libreville). Il a travaillé aussi en police judiciaire et a dirigé l'Office central en charge de l'immigration clandestine (Ocriest).

Ce changement de poste est pour d'aucuns la conséquence de la gestion de l'affaire Merah. Le siège de l'appartement de Mohamed Merah, qui a abouti à la mort du tueur au scooter le 22 mars 2012, a parfois été critiquée, y compris par les familles des victimes des tueries. Mais un rapport de l'IGPN, commandé par le ministre de l'Intérieur Manuel Valls, avait épargné le Raid. S'ils regrettaient que juste avant le premier assaut donné à son appartement Mohamed Merah ait pu en sortir et y revenir sans être repéré, les auteurs du rapport validaient en revanche les "choix tactiques" du Raid qui "paraissent cohérents".

Un poste à l'Inspection générale de la police nationale (la police des polices, IGPN) a été proposé vendredi matin à Amaury de Hauteclocque par le Directeur général de la police nationale (DGPN) Claude Baland, a-t-on ajouté. "Après six ans à la tête du Raid, il peut légitimement se sentir maltraité" par une telle proposition, a jugé un de ses proches.

Cette affectation a été faite "à titre temporaire" et ce départ n'est "absolument pas une sanction" ni "une fin de mission prématurée", répond-on à l'Intérieur. "C'est le patron du Raid qui est resté le plus longtemps en poste. Il est en poste depuis le 1er novembre 2007, soit 5 ans et demi."

Le renouvellement de l'appareil sécuritaire français se poursuit. Après la Direction générale de la police nationale (DGPN) et la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI), c'est au tour des renseignements extérieurs, et de la Gendarmerie de changer de têtes pensantes. 

Denis Favier, la continuité militaire

Le gouvernement a choisi un homme d'élite pour diriger la gendarmerie. A la tête du GIGN à deux reprises, conseiller gendarmerie de Manuel Valls depuis le 21 mai 2012, le général Denis Favier a été nommé mercredi 10 avril en Conseil des ministres Directeur général de la gendarmerie nationale (DGGN). A l'âge de 53 ans, il a également été promu général d'armée (cinq étoiles) pour diriger les quelque 96.000 gendarmes français.

Il remplace le général d'armée Jacques Mignaux qui quitte son poste, atteint par la limite d'âge de son grade. Le général Mignaux avait été nommé il y a trois ans directeur de la gendarmerie où il a géré le rattachement, effectif depuis 2009, de la gendarmerie au ministère de l'Intérieur. Il a également eu la charge de conduire des réformes délicates sous contrainte budgétaire qui ont abouti à de nombreuses restructurations dans les gendarmeries départementale et mobile et dans les écoles.

Le général Favier est le quatrième officier général à occuper le poste de DGGN depuis décembre 2004, les précédents directeurs depuis 1947 étant traditionnellement issus de la magistrature ou du corps préfectoral. La confirmation d'un militaire à la tête de la gendarmerie devrait être bien accueillie par les gendarmes, très attachés dans leur très grande majorité à leur statut militaire.

La nomination du général Favier marque par ailleurs l'aboutissement d'un parcours complet au sein de la gendarmerie qu'il a rejointe il y a trente ans: commandements en gendarmerie mobile (maintien de l'ordre) et départementale (sécurité publique) ou en unité spécialisée (GIGN); responsabilités au sein de la DGGN (administration interne et conduite de réformes, comme celle du GIGN).


Bernard Bajolet, l'option de la diplomatie



Le plus important service de renseignements français sera désormais dirigé par un diplomate. Bernard Bajolet, ancien coordinateur national du renseignement et actuellement ambassadeur à Kaboul, a été nommé à la tête de la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE). Une décision qui a également été prise en Conseil des ministres mercredi 10 avril.

Bernard Bajolet, ambassadeur à Kaboul depuis février 2011, a été le premier coordonnateur du renseignement, poste créé par Nicolas Sarkozy, d'août 2008 à février 2011. Ce diplomate de carrière, énarque, est familier du monde arabe et habitué aux missions difficiles. Il a été ambassadeur en Jordanie, en Bosnie-Herzégovine, en Irak et en Algérie, son dernier poste avant de rejoindre l'Elysée puis l'Afghanistan. Ce diplomate de 63 ans remplace Erard Corbin de Mangoux, nommé préfet des Yvelines et qui avait été désigné par Nicolas Sarkozy en octobre 2008 pour diriger la DGSE.

Erard Corbin de Mangoux, un homme discret à l'allure débonnaire et au rire franc, aura dirigé "La Piscine" (surnom grand public de la DGSE, les agents préférant dire "La Boîte") pendant quatre ans et demi, une durée supérieure à la moyenne des mandats des directeurs depuis la Libération.

Pendant quatre ans et demi, ce proche de Nicolas Sarkozy dont il était auparavant conseiller pour les affaires intérieures à l'Elysée, a su gérer des crises lourdes (Afghanistan, Libye, Syrie, Sahel, Côte d'Ivoire, piraterie au large de la Somalie) et des dossiers délicats, comme celui des otages (Afghanistan, Sahel).

Erard Corbin de Mangoux, doté d'un des rares budgets de l'Etat en augmentation, a pu lancer des investissements notamment dans les domaines techniques et recruter des spécialistes de haut niveau dans l'informatique et les télécommunications. Il a même créé un poste de chargé de la communication.