Des services secrets, nous ne savons que les échecs et rarement les succès. Si l'échec provoque l'anathème, l'ingratitude est fille de la victoire. Quand à la gloire, il faut l'oublier, elle est pour les autres...

jeudi 4 avril 2013

Cahuzac : les dessous d'une confession tardive


En grande difficulté depuis la fin décembre, il avait réussi à survivre en s'entêtant dans le mensonge. Retour sur une stratégie perdante.

Jérôme Cahuzac quitte Bercy le 20 mars dernier. © Chesnot / Sipa 


C'est un coup de tonnerre dans le ciel politique français. Le 2 avril, au lendemain de Pâques, Jérôme Cahuzac a publié sur son blog un mea culpa sidérant. "J'ai mené une lutte intérieure taraudante pour tenter de résoudre le conflit entre le devoir de vérité auquel j'ai manqué et le souci de remplir les missions qui m'ont été confiées. J'ai été pris dans une spirale du mensonge et je m'y suis fourvoyé." Au sortir de son audition par les juges Le Loire et Van Ruymbeke, l'ancien ministre du Budget, mis en examen pour blanchiment de fraude fiscale, avoue avoir possédé un compte en Suisse crédité de 600 000 euros. Depuis la révélation par le site Mediapart de l'existence de ce compte ouvert à Genève auprès de la banque UBS, Jérôme Cahuzac s'était entêté à nier les faits. Dans l'hémicycle, devant les députés, le 5 décembre 2012, celui qui était encore ministre avait lancé : "Je n'ai pas et je n'ai jamais eu de compte à l'étranger, ni maintenant ni avant." Une vérité qu'il avait, comme un leitmotiv, réaffirmée au Premier ministre et au président de la République lui-même.

Une note blanche confirmait les accusations de Mediapart

Malgré ces dénégations, un doute s'était insinué au sommet de l'État. Plusieurs ministres avaient alerté François Hollande sur la mauvaise tournure que risquait de prendre l'affaire Cahuzac, sur fond de divorce houleux. D'après nos informations, dès la fin décembre, le Château avait été destinataire d'une note blanche confirmant les accusations de Mediapart sur l'existence d'un compte en Suisse. Une note dont l'entourage du président de la République dément l'existence. De son côté, le ministère de l'Intérieur précise qu'"aucune enquête parallèle n'a été initiée".

Il y a plusieurs années, le cas Cahuzac avait déjà été discrètement ausculté à Bercy. Conseiller du ministre de la Santé Claude Évin de 1988 à 1991 sous la présidence de François Mitterrand, l'élu du Lot avait fait l'objet d'une enquête approfondie mobilisant jusqu'en Suisse les services de renseignements douaniers. Cahuzac, fidèle rocardien, était alors dans le viseur du président, qui le soupçonnait de participer au financement de sa bête noire au PS. L'enquête sur le financement n'avait officiellement rien donné, mais la rumeur d'un compte suisse ne s'était jamais éteinte depuis...

Ce sont finalement des expertises techniques qui ont fait vaciller le ministre. Le 19 mars, le parquet, se basant sur des analyses vocales menées sur l'enregistrement d'un appel téléphonique révélé par Mediapart dans le cadre de son enquête, ouvrait une information judiciaire pour "blanchiment de fraude fiscale". "Le résultat de notre analyse renforce l'hypothèse que Jérôme Cahuzac est le locuteur inconnu", annonçait le communiqué. Dans la foulée, Jérôme Cahuzac démissionnait. Ce n'est que deux semaines plus tard, acculé, qu'il admettait avoir menti à tous...

Melanie Delattre
Christophe labbé