mardi 5 mars 2013
"L'affaire Merah n'est pas une affaire de corbeaux"
Me Jean-Marie Viala, l'avocat du frère du militaire assassiné par Mohamed Merah à Toulouse, analyse le comportement de certains de ses confrères dans le dossier.
Lassé d'entendre tout et son contraire à propos de l'affaire Merah, Me Jean-Marie Viala, l'avocat du frère du militaire assassiné par Mohamed Merah à Toulouse, a décidé de prendre la plume. Voici sa mise au point.
"Il doit être fait une mise au point du rôle des avocats, notamment des avocats des parties civiles, dans cette affaire. À quoi servons-nous ? Quel est notre véritable pouvoir ? Et, de manière générale, que pouvons-nous faire ? Les citoyens français sont souvent, trop souvent, mal informés des rouages de la justice. Il est vrai que le sensationnel recherché par les médias trouve parfois des accueils un peu trop favorables auprès de divers intervenants, ce qui éloigne des problèmes de fond, ne fait qu'esquisser la réalité judiciaire et, parfois, n'a pour seule conséquence que de polluer le dossier.
Contrairement à ce qui a été écrit dans un certain journal, nous ne sommes pas des corbeaux à l'affût d'une affaire juteuse, tant sur le plan de la publicité que l'on pourrait en retirer que sur le plan financier, et alors même que, dans ce cas, il s'agit des deniers de l'État. Nous sommes des femmes et des hommes qui travaillent et apportent leur concours à leurs clients, et à la justice. Nous ne défendons pas notre intérêt, mais celui de nos clients. Et nous avons le devoir du secret professionnel, et celui de l'instruction. Cela est sacré.
Notre pouvoir, actuellement, est soumis à l'autorisation des magistrats à qui nous faisons des demandes. Ce sont eux, et eux seuls, qui jugent de la recevabilité de nos demandes. Nous n'avons que notre talent, notre pugnacité, pour convaincre du bien-fondé de nos actions. Mais n'avons aucun pouvoir d'imposer. Dès lors, comment ne pas comprendre que nous soyons attentifs à ce que nos déclarations aux médias ne soient pas provocatrices de disqualifications auprès des magistrats instructeurs.
Mais que l'on se rassure, il nous reste un pouvoir important, et dans ce cas, nous avons besoin des médias. Celui de dénoncer tout dysfonctionnement, toute injustice, qui pourrait se faire jour. Mais toujours en tenant compte, d'abord et avant tout, de l'intérêt de nos clients, et dans le respect le plus absolu du secret de l'instruction.
L'affaire Merah n'est pas, et ne doit pas être une affaire de corbeaux, quelle que soit leur fonction, c'est une affaire dramatique, cruelle, insupportable, inacceptable, qui doit trouver une juste fin. Les magistrats actuellement saisis du dossier, ainsi que les policiers, doivent faire leur travail pour cela, et ils le font. Notre devoir est d'être attentifs à tout ce qui sera fait et, s'il le fallait, d'exposer alors ce qui ne l'aurait pas été."