Des services secrets, nous ne savons que les échecs et rarement les succès. Si l'échec provoque l'anathème, l'ingratitude est fille de la victoire. Quand à la gloire, il faut l'oublier, elle est pour les autres...

lundi 21 janvier 2013

Algérie : Comment résoudre une prise d’otages massive ?


La prise d’otages à In Amenas en Algérie s’est achevée dans un bilan dramatique. Selon un dernier bilan provisoire officiel, 48 otages ont été tués, dont 7 au cours de l’assaut final, 32 ravisseurs ont été neutralisés depuis le début de la crise mercredi. Le ministère de l’Intérieur algérien a précisé dans un communiqué que 685 employés algériens et 107 étrangers ont pu être libérés. Du jamais vu dans le nombre d’otages concernés sur deux sites différents aussi étendus (le site d’exploitation pétrolier et la base vie). De plus, « six fusils-mitrailleurs, 21 fusils, deux fusils à lunettes, deux mortiers 60 mm avec roquettes, 6 missiles avec rampes de lancement, deux RPG7 avec huit roquettes, 10 grenades disposées en ceintures explosives, ainsi que des tenues militaires étrangères ont été trouvés ». Ce dont on est sûr, c’est que les islamistes sont entrés grâce à des complices qui leur ont offert des renseignements précieux sur la configuration des lieux. Leur apparence militaire leur a permis de se mêler à la confusion dans les premiers instants de la prise d’otages. Pire qu’une prise d’otages, ce fut un véritable acte de guerre selon les mots du ministre de la Défense Jean-Yves Le Drian qui s’est exprimé aujourd’hui sur la question déclarant que « ce qui me frappe le plus, on dit « prise d’otages », mais quand il y a autant de monde concerné, je pense que c’est un acte de guerre ».

Selon les premiers éléments disponibles, les choses se sont accélérées samedi matin lorsque les preneurs d’otages ont réalisé qu’aucune de leurs revendications ne sera satisfaite. Des otages occidentaux, ceinturés d’explosifs, ont commencé à être sacrifié. Les forces armées algériennes, composées selon toute vraisemblance de nombreux hommes du Groupe d’Intervention Spécial (GIS) et appuyés par de nombreux blindés et hélicoptères aperçus dans la zone, ont alors tenté un assaut pour sauver des otages. C’est au cours de cette opération qu’un français a été tué par les ravisseurs, Yann Desjeux était un ancien militaire du 1er RPIMa qui continuait à effectuer des missions de sécurité privée sur ce site pétrolier. D’après les premiers témoignages, l’homme se serait sacrifié pour sauver la vie d’autres otages.

Comment résoudre une prise d’otages massive (POM) ? 

Tous les moyens ont été mobilisés en très peu de temps, on est pourtant en droit de s’interroger sur la tactique adoptée par l’armée algérienne pour résoudre cette crise exceptionnelle par le nombre d’otages concernés, la configuration du site et ses difficultés d’accès en plein désert. Aucun pays n’est vraiment préparé à une telle crise, mis à part quelques Etats dont la France qui bénéficie d’unités d’intervention qui se préparent à de tels scénarios catastrophes depuis les attaques à Bombay en 2008. La prise d’otages d’In Amenas risque d’ailleurs de figurer bientôt au menu des scénarios à étudier.

Une POM demande des moyens techniques et mobiles (blindés, hélicoptères, avions) d’envergure, des hommes préparés à une action très ciblée et formés à des procédures très particulières. Sans entrer dans des détails confidentiels, point trop n’en faut, imperméabiliser la zone constitue une première étape afin de « geler l’ensemble et éviter une propagation de la crise », nous explique un spécialiste. Vient ensuite une phase d’observation humaine et technique pour identifier les otages, les preneurs d’otages ainsi que les interactions  entre eux. Si possible, une négociation est engagée, ce n’est pas un point fort des algériens répétant de toute façon au cours de la crise « qu’on ne négocie pas avec les terroristes ». Dans certains cas, elle peut permettre de gagner du temps et d’obtenir d’éventuelles libérations d’otages en échange d’eau ou de nourriture. Des cas de figure déjà rencontrées lors de plusieurs prises d’otages dans le passé. « Il ne faut pas rêver, cette phase peut aussi permettre de bluffer et duper l’adversaire pour détourner son attention, comme cela a déjà pu se produire sur des forcenés ou des preneurs d’otages », précise un autre spécialiste de cette question souhaitant conserver l’anonymat. Dans le cas extrême où une action de vive force est nécessaire pour préserver la vie des otages, l’assaut est configuré selon les renseignements obtenus au cours des phases précédentes (négociation, renseignement humain, etc). Une phase critique consiste aussi à s’assurer de la présence d’aucun ravisseur parmi les otages libérés.

 « Un tel engagement demande beaucoup de mois de préparation pour les hommes entraînés sur ces crises de très haute intensité qui ont fatalement très peu de chances de se produire », confie ce même spécialiste. Une prise d’otages en France comme celle en Algérie nécessiterait un déploiement inédit d’unités spécialisées, décidée par les plus hautes autorités de l’Etats, de la police (RAID, GIPN), de la gendarmerie (GIGN, PI2G) et de Forces Spéciales pouvant être coordonnées notamment autour de l’Unité de coordination des forces d’intervention (UCOFI) dédiée à apporter des conseils et des arbitrages au ministère de l’Intérieur. Un scénario tout à fait crédible face à une menace terroriste élevée permanente et un plan vigipirate au bord de l’écarlate. Cet évènement à In Amenas demandera à s’adapter à une nouvelle forme de menace de prises d’otages géantes sur des sites sensibles pouvant frapper les intérêts d’un Etat sur son sol ou, plus facilement, à l’étranger. Un retour d’expérience qui s’annonce plus qu’instructif.