Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu et le ministre de la Défense Ehud Barak veulent envoyer un «message clair» au Hamas
Les responsables israéliens avaient prévenu. Devant la flambée de violence le long de la frontière avec la bande de Gaza, marquée par des dizaines de tirs de roquettes contre le secteur de la ville de Sderot (sud), le Premier ministre de l’Etat hébreu, Benjamin Netanyahu, s’était dit prêt à “l’escalade” avec les groupes armés palestiniens, au cours de la réunion hebdomadaire du conseil des ministres.
“Le monde doit comprendre qu’Israël ne restera pas sans rien faire face aux tentatives de nous attaquer” avait affirmé Benjamin Netanyahu, qui est en campagne pour les élections législatives prévues pour janvier 2013. “Si cela continue, nous envisagerons des représailles beaucoup plus fortes et massives afin de protéger nos citoyens” avait renchéri, le même jour, Youval Steinitz, le ministre israélien des Finances.
“Le Hamas est responsable des tirs de roquettes et de toutes les autres tentatives à partir de Gaza visant à blesser nos soldats et nos civils, même si d’autres groupes y participent. Et c’est le Hamas qui va payer le prix fort, un prix qui sera douloureux” avait, pour sa part, prévenu Ehud Barak, le ministre israélien de la Défense.
“Ces deux derniers jours, Tsahal, sur mon ordre, a évalué une série d’options pour des réponses plus dures contre le Hamas et les autres organisations terroristes à Gaza” avait-il poursuivi. Et d’ajouter : “Nous frapperons avec une intensité toujours plus grande.”
Pour le gouvernement israélien, le Hamas est tenu pour responsable des tirs de roquettes et de missiles (dont l’un a touché un blindé de Tsahal le 10 novembre) étant donné que ce mouvement inspiré par les Frères musulmans a pris le contrôle la bande de Gaza après en avoir évincé le Fatah en 2007.
C’est pourquoi Ahmad Jaabari, le chef de la branche armée du Hamas, c’est à dire les Brigades Ezzedine al-Qassam, a été la cible d’un raid ciblé mené par un drone israélien qui lui a été fatal, le 14 novembre.
Jaabari, apparu en public le 18 octobre 2011 lors de la remise du soldat israélien Gilad Shalit aux médiateurs égyptiens, a rejoint le Hamas lors de sa détention par Israël après son arrestation en 1982 pour planification d'opérations anti-israéliennes.
La mort d’Ahmad Jaabari, alias Abou Mohammed, est un rude coup porté au Hamas. Âgé de 52 ans, ce chef des opérations militaires des Brigades Ezzedine al-Qassam était depuis longtemps dans le collimateur des services de sécurité israéliens pour avoir organisé plusieurs attentats meurtriers en Israël et l’enlèvement du soldat Gilad Shalit, en 2006.
En outre, il était tenu pour responsable du renforcement du potentiel militaire de l’organisation paslestinienne, grâce à ses réseaux en Iran, au Liban et au Soudan. Suite à l’annonce de sa mort, le Hamas a estimé qu’Israël avait “ouvert les portes de l’enfer.”
Quoi qu’il en soit, cette frappe ciblée a marqué le lancement par Tsahal d’une vaste opération militaire, qui, appelée “Pilier de Défense”, a deux objectifs : protéger les habitants du sud d’Israël exposés aux tirs de roquettes et “porter un coup sévère aux infrastructures terroristes” dans la bande de Gaza.
En moins de 24 heures, plus de “156 sites aux activités terroristes” de la bande de Gaza ont ainsi fait l’objet d’une frappe aérienne. De leur côté, les groupes armés palestiniens ont tiré près de 200 roquettes vers Israël. Pour le moment, seule l’aviation israélienne est impliquée. Mais Tsahal a indiqué que “toutes les options sont sur la table” est que, “si nécessaire”, elle est “prête à lancer une opération terrestre.”
Cette opération militaire vient trois ans après celle appelée “Plomb Durci”, également menée en décembre 2008 contre le Hamas et à l’issue de laquelle une trève avait fini par s’imposer. Mais, depuis, cet équilibre, fragile, a souvent été mis en péril par des poussées ponctuelles de violence et une hausse des incidents contre les patrouilles de Tsahal le long de la frontière.
Mais son déclenchement s’explique aussi par le contexte. D’une part, il s’agit pour Israël de calmer les ardeurs du Hamas, alors que ce dernier se sent désormais politiquement renforcé avec la récente visite, à Gaza, de l’émir du Qatar mais aussi avec l’élection en Egypte du président Mohamed Morsi, issu des rangs de Frères musulmans. D’ailleurs, Le Caire a rappelé son ambassadeur en Israël depuis le début de l’opération, évoquant une “brutale agression [...] dans laquelle un certain nombre de martyrs et de fils du peuple palestinien ont été tués.”
D’autre part, il y a aussi la question de l’autorité palestinienne, dont le président, Mahmoud Abbas, entend demander qu’elle devienne un Etat non-membre aux Nations unies, ce qu’Israël refuse.
“Cette attaque israélienne à Gaza est un moyen de détourner l’attention portée sur de nos efforts pour obtenir le 29 novembre prochain la reconnaissance du statut d’observateur pour notre Etat par l’Assemblée générale. C’est un pas très important dans la lutte du peuple palestinien “, a ainsi expliqué l’ambassadeur palestinien aux Nations unies.
Israël est parvenu à éliminer le chef militaire du Hamas grâce à un effet de surprise total, mais le doute subsistait sur la volonté et la capacité de riposte du mouvement islamiste palestinien.
«Dilemme pour le Hamas»
«Il semble que Jaabari ait décidé de sortir, croyant qu'Israël était engagé au cessez-le-feu», remarque Moukhaïmer Abou Saada, professeur de science politique à l'Université Al-Azhar de Gaza. «Israël a tendu un piège au Hamas en faisant savoir qu'il respecterait le cessez-le-feu». «Jaabari était très prudent dans tous ses déplacements et tenait à ne pas apparaître en public et à rester à l'écart des médias», rappelle Ghazi Hammad, vice-ministre des Affaires étrangères du Hamas, notant qu'«Israël a sciemment fait passer un message de calme et de sécurité». Selon Alex Fishman «l'audace du choix de la cible visait à placer immédiatement le Hamas face au dilemme ultime: riposter ou se replier».
«Israël n'a aucun intérêt à renverser le Hamas», ajoute-t-il, indiquant que son objectif est de faire cesser les tirs de Gaza mais qu'il passera à l'offensive terrestre si nécessaire. «Israël a réussi à créer un dilemme pour le Hamas: soit une confrontation totale, soit une trêve sur des bases nouvelles», confirme Naji Charab, professeur de science politique à Gaza. «Le Hamas aurait beaucoup à perdre dans une guerre totale, ce qui explique sa réponse limitée», estime-t-il, en référence aux 250 tirs de roquettes sur Israël, qui ont fait trois tués israéliens. Moukhaïmer Abou Saada doute également d'une «riposte massive qui provoquerait une opération terrestre israélienne et risquerait de lui coûter son régime à Gaza».
«Le Hamas pourrait encaisser cet assassinat comme il l'a souvent fait par le passé», poursuit-il. «Il pourrait se satisfaire de pouvoir dire à sa base qu'il a tiré des missiles et tué des Israéliens». Dans une tribune, Ephraïm Halévy, un ancien chef du Mossad, le service de renseignements israélien, affirme que si «l'armée israélienne sort victorieuse et le Hamas vaincu et affaibli» Israël devra «tenter d'engager des pourparlers afin de ramener le calme des deux côtés». Autrement, prévient-il, «nous n'aurons gagné qu'une augmentation temporaire dans les répits entre les cycles de violence».