Des services secrets, nous ne savons que les échecs et rarement les succès. Si l'échec provoque l'anathème, l'ingratitude est fille de la victoire. Quand à la gloire, il faut l'oublier, elle est pour les autres...

mercredi 21 novembre 2012

Exclusif : ce que le COS a vraiment fait en Libye... et ce qu'il n'a pas fait


70 hommes maximum, des raids de commandos-marine, mais pas de guidage des frappes aériennes...

On ne prête qu'aux riches et les forces spéciales françaises n'y échappent pas. Partout, ou presque, on lit qu'elles ont été à l'action sur le terrain lors de la guerre de Libye (mars-octobre 2011). La réalité est beaucoup plus prosaïque, mais correspond plus à ce à quoi servent vraiment le Commandement des opérations spéciales (COS), loin des fantasmes.

Voici donc  les faits, tels que nous avons pu les établir à la suite d'une longue enquête. Elle confirme les conclusions de Jean-Christophe Notin, auteur de "La vérité sur notre guerre en Libye" (Fayard 2012), sur lequel nous reviendrons.

Voici les principaux élements de mon enquête sur les effectifs déployés, le guidage des frappes et les raids de commandos-marine.

1) A moins de cinq reprises, les commandos marine, embarqués sur des frégates croisant au large, ont mené des raids contre des objectifs au sol. Ils l'ont fait à leur manière traditonnelle, c'est-à-dire en arrivant à bord de Zodiac et en repartant dès la mission accomplie, ne restant que quelques courtes heures sur le sol libyen. Ces raids, dont l'existence n'avait jamais été révélée, bien qu'évoquée par Notin, visaient les flux logistiques des forces kadhafistes et se déroulaient au même moment que les frappes des hélicoptères de l'Alat autour de Bréga. Il y en a eu peu, car les consignes de sécurité étaient extrêmement strictes et qu'il ne fallait habituer l'ennemi à ce risque. Ils se sont déroulés, contre des objectifs logistiques, sur la frange côtière.

2) A aucun moment, les forces spéciales françaises du COS n'ont participé au guidage des bombardiers de l'Otan contre des objectifs au sol, même si cela a été beaucoup écrit et raconté... Elles ont essentiellement transmis des demandes de frappes de la part des insurgés vers les centres de commandement de l'Otan, même si elles disposaient d'un système de liaison direct avec les avions. Mais imaginer des hommes du COS en première ligne désignant avec leur laser des cibles pour les bombes guidées de l'aviation, comme te font les J-TAC, relève de la fiction.

3) Au maximum, 70 personnels du COS ont été déployés en Libye. Les premiers sont arrivés le 9 avril, à Benghazi, soit trois semaines après le début de la guerre, même si la décision de les y envoyer a été prise à l'Elysée dès les premiers jours. Fin avril, un autre détachement s'est installé à Misrata, puis début aout un troisième dans le djebel Nefussa;

4) Ces détachements du COS - qui n'étaient pas composés uniquement de personnels en provenance des unités des forces spéciales - avaient pour mission essentielle un travail d'état-major. Pas de faire le coup de feu ! Ils ne se sont rendus à proximité des lignes qu'accompagnés des membres des katibas insurgées. Leur mission consistait pour l'essentiel à : 1- aider les Libyens à mettre en place des centres opérationnels coordonnant l'activité des insurgés. 2- Fournir des renseignements à Paris. 3 - permettre un contact fiable et sécurisé entre les insurgés et l'OTAN, sans jamais aller jusqu'à une véritable coordination.

5) Les forces spéciales françaises opéraient en civil, aux côtés de leurs homologues britanniques, italiennes, qataries et émiraties. Elles étaient commandées par un officier de marine. Il n'est pas pas certain que l'opération spéciale en question ait reçu un nom spécifigique. En revanche les commandos-marine qui ont mené les raids côtiers opéraient en tenue.

6) D'autres "forces spéciales" ont été engagées en Libye, mais dans un cadre différent et ne relevant pas du COS. Il s'agit des hommes du GIGN qui assuraient la protection de l'ambassadeur français et des hommes du Service Action de la DGSE, sur l'activité desquelles aucune information n'est à ce jour disponible ou fiable. Les hommes du COS, du GIGN et du SA ont parfois cohabité, par exemple à Benghazi, où ils partageaient le même compound.

Jean-Dominique Merchet