Le ministre de l’Intérieur, Manuel Valls, a indiqué qu’il recevrait très prochainement les conclusions de l’enquête interne menée par l’Inspection générale de la police nationale au sujet d’éventuelles failles au sein de la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI) lors de l’affaire Merah, au cours de laquelle 7 personnes – dont 3 militaires – ont été froidement abattues par cet individu se réclamant d’al-Qaïda et qui a été neutralisé par le RAID, à Toulouse, en mars dernier.
En attendant, le mentor présumé de Mohamed Merah lorsque ce dernier a voyagé au Pakistan, un certain Moez Garsallaoui (photo), a été tué au cours d’un raid aérien mené par un drone américain dans les zones tribales pakistanaises, probablement dans les environs de Miransah, la capitale du Nord-Waziristan, où les groupes jihadistes ont établi leurs bases.
L’annonce de sa mort a été faite par Site, le centre américain de surveillance des réseaux islamistes sur Internet, qui a repéré un message y faisant référence posté le 15 octobre dernier sur un forum jihadiste. Plus précisément, il y est fait état du “martyr du commandant Abou Moez al-Tunisi, un militant utilisant les noms Jund al-Khilafah ou al-Qayrawani.”
Après les tueries de Montauban et de Toulouse, un groupe appellé “Jund al-Khilafah” (Armée du Califat) avait mis en avant ses liens avec Mohamed Merah, surnommé “Yusuf le français”, dans un communiqué signé du nom d’Abu Qaqaa Al Andalusi et diffusé sur le site Shamukh al-Islam.
“J’ai remarqué qu’il ne maîtrisait pas la langue arabe et il essayait difficilement de faire comprendre aux frères ce qu’il avait en tête” expliquait al-Andalusi dans ce texte au sujet de Merah. “Quand je l’ai interrogé sur sa langue maternelle et qu’il m’a répondu que c’était le français, je lui ai directement parlé dans sa langue que je connaissais… Les traits de son visage se sont illuminés”, poursuivait-il.
Est-ce que Garsallaoui, d’origine tunisienne, et al-Andalusi ne faisaient qu’un? Difficile à dire pour le moment. En revanche, il apparaîtrait que le “commandant Abou Moez al-Tunisi” était un membre clé du Jund al-Khilafah.
Cela étant, Moez Garsallaoui était un personnage très bien connu des services de renseignement européens. Né en Tunisie en 1968, et après un séjour en Syrie puis en Italie, où il fit une demande d’asile politique, et en Suisse, il avait épousé, à Bruxelles, Malika el-Aroud, une citoyenne belge d’origine marocaine, surnommée la “veuve noire” pour avoir été mariée à Abdessatar Dahmane (alias Abou Obeyda), l’un des “faux reporters” assassins du commandant Ahmed Chah Massoud, tué le 9 septembre 2001.
En 2004, le couple s’était installé à Fribourg en Suisse, où il animait un site Internet à vocation jihadiste, Minbar SOS, afin de faire la promotion d’al-Qaïda sur le Vieux Continent et de recruter des militaires. Cela leur valut des poursuites judiciaires.
Trois ans plus tard, de retour en Belgique, Malika el-Aroud fut arrêtée pour avoir préparé l’évasion de Nizar Trabelsi, un ancien footballeur tunisien passé par la case jihad et condamné par la justice belge pour sa participation à un complot devant viser des militaires américains affectés à Kleine Brogel. Mais, en raison d’une erreur de procédure, la veuve noire fut remise en liberté pendant que Moez Garsallaoui s’établissait au Pakistan.
En décembre 2008, Malika el-Aroud fut une nouvelle fois interpellée à la veille d’un sommet des chefs d’Etats européens, cette fois pour avoir contribué aux préparatifs d’un attentat devant être commis à Bruxelles, en relation avec son mari, toujours installé dans le Nord-Waziristan, d’où il prétendait combattre les forces de l’Otan en Afghanistan.
Par la suite, Moez Garsallaoui aurait pris la tête du Jund al-Khilafah, mouvement lié à al-Qaïda et proche du réseau Haqqani, très actif en Afghanistan. Pour les services américains, il faisait partie des 100 cadres de la mouvance islamiste à neutraliser en priorité. Ce qui, a priori, a été fait, après une tentative manquée en mars 2010.
La justice française s’est également intéressée à Moez Garsallaoui, étant donné qu’elle l’a condamné par contumace pour son rôle dans le recrutement de jihadistes franco-belges destinés à rejoindre le Pakistan et l’Afghanistan.