Le projet déjoué d'attentat contre un avion à destination des Etats-Unis a révélé un scénario digne d'Hollywood. Cette récente tentative de réédition de "l'attentat au slip piégé" de 2009 par Al-Qaida dans la péninsule arabique (AQPA), qui avait pour but de marquer le 1er anniversaire de la mort d'Oussama Ben Laden, a été dévoilée lundi 7 mai par une administration américaine avare de détails.
Les services antiterroristes, la Maison Blanche et le FBI s'étaient contentés d'affirmer que le projet portait la marque d'AQPA, que l'engin explosif était en possession du FBI et qu'aucun "avion de ligne" ni "aucun Américain ou allié" n'avaient été mis en danger.
ABC news, le New York Times et le Los Angeles Times ont levé un coin du voile sur ce complot déjoué par un agent infiltré depuis des semaines. Cet homme s'était porté volontaire pour conduire l'attentat-suicide avant de s'enfuir avec la bombe qu'il a par la suite remise à ses officiers traitants en Arabie saoudite. Ni la CIA ni la Maison Blanche n'ont fait de commentaires.
EXAMEN DE L'EXPLOSIF
De sources proches de l'administration américaine, on confirme seulement que ce prétendu kamikaze a infiltré le réseau grâce à une agence étrangère de renseignement ou qu'il a été "retourné" au tout début des préparatifs du complot, qui a été rendu public lundi par les autorités américaines. L'objectif était de mettre la main sur un nouveau type d'explosif, une bombe ne comprenant aucun matériau métallique mise au point par les djihadistes pour pouvoir franchir les portiques de sécurité, précise le Los Angeles Times.
L'engin explosif est en cours d'examen dans les laboratoires du FBI à Quantico, en Virginie. Ces tests permettront d'établir si ce type de bombe peut déjouer les dispositifs de sécurité dans les aéroports, et s'il convient par conséquent de réexaminer les moyens mis en œuvre pour assurer la protection du transport aérien. Mais dans l'administration Obama, on affirme que l'engin explosif aurait été détecté par les scanners corporels déjà installés dans plus de cent quatre-vingts des quatre cent cinquante aéroports américains soumis aux règles fédérales de sécurité. "Le FBI est en possession de cet engin et l'analyse", a confirmé la sénatrice républicaine Susan Collins, qui siège à la commission de la sécurité intérieure. "C'est d'un intérêt considérable pour le renseignement."
MYSTÈRE AUTOUR DE L'AGENT INFILTRÉ
La nationalité de l'agent n'a pas été rendue publique. Il s'agirait en fait d'un informateur des services de renseignement d'Arabie saoudite, qui travaillent en étroite collaboration avec la CIA, croit savoir le Los Angeles Times.
"Ce sont souvent les Saoudiens qui nous fournissent des informations cruciales sur AQPA", a expliqué l'expert antiterroriste Bruce Riedel. Cet ancien de la CIA a conseillé le ministère de la justice américain pour le procès contre le Nigérian Umar Farouk Abdulmuttalab, qui avait tenté de faire sauter le vol Amsterdam-Detroit à la Noël 2009 en cachant des explosifs dans son slip. Il a été condamné le 16 février à la prison à perpétuité.
Les renseignements fournis par les services secrets saoudiens avaient déjà permis d'intercepter en octobre 2010 au Royaume-Uni et à Dubaï des bombes dissimulées dans des imprimantes. AQPA les avait envoyées aux Etats-Unis par avion-cargo.
Selon le New York Times, l'agent infiltré a en outre livré des renseignements "cruciaux" qui ont permis aux services américains d'éliminer un des principaux responsables d'AQPA, le Yéménite Fahd Al-Quso, recherché pour l'attentat contre un navire américain, l'USS Cole, au large du Yémen en 2000, tué dans un raid aérien dimanche soir dans l'est du Yémen.
Lire : "Le responsable de l'attentat de l'USS 'Cole' tué par un raid américain"
Plus tôt mardi, le président de la commission de la sécurité intérieure à la Chambre de représentants, Peter King, avait concédé sur CNN que le raid aérien de dimanche et le projet d'attentat étaient liés. "La Maison Blanche m'a dit qu'ils font partie de la même opération", a-t-il confié. La présidente de la commission du renseignement au Sénat, Diane Feinstein, s'est de son côté insurgée contre des "fuites" dans la presse alors que l'opération était en cours et a indiqué qu'une enquête serait diligentée à ce sujet.
Le Monde