Des services secrets, nous ne savons que les échecs et rarement les succès. Si l'échec provoque l'anathème, l'ingratitude est fille de la victoire. Quand à la gloire, il faut l'oublier, elle est pour les autres...

dimanche 13 mai 2012

La Grèce devrait suivre l'exemple de l'Argentine


Ainsi que l'expérience de l'Argentine après 2002 le montre, lorsqu'une crise économique frappe, il est souvent préférable de faire cavalier seul.

Le chômage en Grèce a atteint un taux record de 21,7%. Plus d'un jeune sur deux, dans la tranche d'âge des 18-24 ans, est sans emploi. L'économie se sera contractée de 20% d'ici fin 2012, par rapport à son niveau d'il y a cinq ans, et montre peu de signe de sortie de sa descente aux enfers.

Par conséquent, lorsque des cris se lèvent pour dire que sortir de la zone euro serait une calamité pour la Grèce, la réponse évidente fuse : à quel point cela pourrait-il être pire ? Les Grecs comprennent que la vie en dehors de la monnaie commune serait difficile. Ils savent qu'un défaut de paiement sur la dette et une dévaluation de la monnaie auraient des coûts, incluant un plongeon probable de la production, un nouveau tassement du niveau de vie et le risque d'une inflation plus élevée. Mais l'alternative - après des années de récession économique, alors que la Grèce essaye d'être plus compétitive - ne semble pas plus rose.

Idéalement, la Grèce aimerait rester dans l'euro sans le niveau actuel d'austérité, mais si ces objectifs s'avèrent incompatibles, elle devra finir par choisir entre les deux. L'argument pour sortir de l'euro repose sur quatre piliers : cela a du sens économique, la souffrance prendra fin plus vite, les coûts actuels sont exagérés et ce serait mieux pour l'Europe.

Actuellement, la Grèce peine sous une forme bâtarde de programme d'ajustement structurel que le FMI (Fonds Monétaire International) impose aux pays en développement. La différence est que le remède classique du FMI est une dévaluation couplée à une austérité intérieure, afin de s'assurer que les gains générés par une devise moins chère ne soient gaspillés par une inflation plus élevée. On attend de la Grèce (et des autres pays de la zone euro sous perfusion) de faire tout cela au moyen d'une dévaluation interne - des réductions de salaires et des dépenses publiques destinées à réduire les coûts et à stimuler la compétitivité. Pourtant, cela prend infiniment plus de temps et peut s'avérer être autodestructeur si l'économie intérieure se contracte plus rapidement que les exportations ne progressent. Si cela se produit, comme c'est le cas en Grèce, le problème de la dette s'aggrave.

C'est pourquoi ceux qui critiquent le plan de sauvetage actuel soutiennent que même si la Grèce subira des coûts de transition sévères dus à une stratégie consistant à faire cavalier seul, le choix est entre une récession profonde en V et une décennie de dépression plus ou moins permanente.

L'Argentine fournit le modèle d'un pays qui a défié les catastrophistes et qui a réussi à revivre après avoir dévalué et s'être déclaré en cessation de paiement. La situation de l'Argentine dans les années 90 est largement comparable à celle de la Grèce après son entrée dans l'union monétaire. L'Argentine avait indexé le peso sur le dollar, une politique qui l'avait conduite, de 1990 à 1995, à connaître une inflation beaucoup plus faible, mais au cours des cinq années suivantes, c'est la croissance qui s'est tassée. Dès la fin des années 90, l'indexation de la devise a commencé à subir des tensions et, à l'instar de la Grèce, l'Argentine essaya de s'en sortir en mêlant austérité, plans de sauvetage du FMI et rééchelonnement de sa dette,et elle échoua. Lorsque ce pays, début 2002, décida de faire à sa manière, on lui prédisait un Armageddon économique, mais à partir de 2003-2007, la croissance a été en moyenne de 9% par an.

Il est impossible de faire une comparaison précise entre la Grèce et l'Argentine, parce que l'Argentine est un gros producteur de denrées alimentaires et a dévalué lorsque l'économie mondiale explosait. En contraste, la Grèce fait partie d'une zone euro embourbée dans la récession, et les turbulences que provoquerait sa sortie de la monnaie unique pourraient aggraver les choses.

Toutefois, et on peut en débattre, puisque l'Europe vacille de crise en crise depuis que le problème de la dette grecque a pris une place prépondérante, il y a deux ans et demi. Sous réserve que sa sortie soit planifiée et se fasse en douceur, plutôt que de façon brutale avec un risque de contagion (une condition gigantesque, il faut l'admettre), le reste de la zone euro pourrait au moins avancer.


Larry Elliott
The Guardian