Des services secrets, nous ne savons que les échecs et rarement les succès. Si l'échec provoque l'anathème, l'ingratitude est fille de la victoire. Quand à la gloire, il faut l'oublier, elle est pour les autres...

vendredi 27 avril 2012

Attentat de Lockerbie : le brouillard se dissipe enfin


Assiste-t-on à une levée de rideau sur presque 25 ans de désinformation généralisée à propos de l’attentat meurtrier de Lockerbie attribué à feu le Colonel Kadhafi ? Ce drame épouvantable qui fit 270 morts en 1988 en Ecosse est désormais indissociable de l’ex-dirigeant libyen dans l’imaginaire collectif occidental. Pourtant, le rapport dévoilé récemment par la justice écossaise montre toutes sortes de malversations de la part des autorités britanniques et américaines, du soudoiement de témoins à charge à la fabrication de preuves, et aux procès biaisés. Vous êtes-vous jamais posé la question de savoir si les services secrets occidentaux étaient capables de commettre de tels attentats sous fausse-bannière (false-flag) avec des centaines de morts d’innocents à la clef ? La réponse est : malheureusement, c’est tout à fait possible.




21 décembre 1988 : un avion de la PanAm s’écrase à Lockerbie, en Ecosse.
Bilan : 270 morts. La Libye du colonel Kadhafi est pointée du doigt.



Tenu secret 5 ans durant, un rapport de la justice écossaise dévoile le rôle trouble des services anglais et américains dans l’enquête sur l’attentat de 1988, attribué à la Libye, qui avait fait 270 morts.

Dans une précédente livraison (« Kadhafi ne rime pas avec Lockerbie » du 8/1/2012) nous évoquions le mystère qui entoure l’attentat ayant provoqué le 21 décembre 1988, la destruction en vol au dessus du village écossais de Lockerbie, du Boeing 747 de la Pan Am reliant Londres à New York.

Le crime, attribué par la justice écossaise à des terroristes Libyens, s’est soldé le 31 janvier 2001 par la condamnation à perpétuité assortie d’une peine de sûreté de 27 ans, d’Ali Al-Megrahi (ci-contre), membre présumé des services secrets de feu le Colonel Kadhafi qui, tout en niant avec force la responsabilité de son pays dans l’attentat, a néanmoins indemnisé les victimes sous la pression de la communauté internationale…

En échange d’une renonciation à former appel de sa condamnation, Al-Megrahi a été libéré le 20 août 2009 pour raison médicale. L’affaire aurait pu en rester là. Il se trouve que ses avocats avaient saisi le 23 septembre 2003, la Scottish Criminal Cases Review Commission (SCCRC), passage obligé en droit écossais avant que l’appel du requérant soit pris en considération.

« Tribunal déraisonnable »

Dans la législation locale, seuls les jugements de première instance entachés de « justice miscarriage » (erreurs de procédures) sont susceptibles d’un appel. Le miscarriage en question, concept juridique complexe, consiste à considérer que le jugement de première instance rendu à l’encontre du justiciable est frappé de fautes de procédures suffisamment graves pour qu’un « tribunal raisonnable » auquel l’affaire aurait été soumise en l’absence des dites fautes, rende en sa faveur, une décision plus favorable.

Le 28 juin 2007, confirmant les doutes émis par les médias anglo-saxons ayant enquêté sur l’affaire quant à la culpabilité d’Al-Megrahi, la SCCRC annonçait au terme d’une enquête d’une ampleur impressionnante, qu’elle transmettait le dossier à la Court of Criminal Appeal.

Toutefois en vertu du Data Protection Act britannique et des implications internationales de l’affaire, le rapport de la SCCRC devait rester secret, notamment du fait de l’existence de 2 documents top-secret détenus par l’accusation et dont la Commission avait découvert l’existence. Elle souhaitait les consulter pour les besoins de l’enquête et les divulguer afin qu’Al-Megrahi puisse en prendre connaissance.

C’est finalement le 27 avril 2007 que le représentant de l’accusation a répondu à la Commission que l’autorisation de divulgation était « subordonnée à l’accord des autorités du pays dont provient le document », accord que le pays considéré, invoquant sa « sécurité nationale », n’a jamais donné.

S’appuyant sur l’article 32 du Data Protection Act qui autorise les journalistes à publier toute information d’intérêt général, le site Internet du quotidien écossais Herald Scotland a pris la décision de publier le rapport de la SCCRC le 25 mars 2012. Un pensum de 800 pages, accompagné dans sa version originale de 13 volumes d’annexes, dont les lecteurs anglicistes les plus courageux de Bakchich pourront prendre connaissance.

Les Etats-Unis récompensent le principal témoin à charge

On ne sait si l’indignation l’emporte sur la stupéfaction. Prêtant aux thèses soutenues par l’accusation, une oreille plus que bienveillante, la SCCRC va néanmoins examiner avec un soin extrême, la quarantaine d’arguments invoqués par les avocats d’Al-Megrahi pour interjeter appel de sa condamnation à perpet’. Elle en retiendra finalement 6 :
  • Un verdict qualifié de déraisonnable (page 555) sachant que l’enquête, initialement engagée du côté des terroristes palestiniens, de l’Iran et de la Syrie, a été réorientée vers la Libye à la suite de la découverte dans des conditions très controversées, dans les restes d’une chemise supposée provenir de la valise ayant contenu l’explosif, de fragments d’un minuteur MST13 fabriqué par la société suisse MEBO notamment à destination de la Libye et dont la provenance réelle reste inconnue à ce jour,
  • La non-communication à la défense des conditions irrégulières voire surréalistes dans lesquelles le témoin principal, Anthony Gauci a identifié Al-Megrahi lors d’une séance de « tapissage » comme étant l’homme qui lui aurait acheté dans son magasin Mary’s House à Malte, les vêtements retrouvés dans la valise ayant contenu l’explosif (page 611)
  • La non-communication à la défense des compensations financières conséquentes attribuées par l’Oncle Sam audit témoin et à son frère Paul Gauci (page 644)
  • Un doute raisonnable sur la date à laquelle ont effectivement été achetés les vêtements chez Mary’s House. La date du 7 décembre 1988 retenue par le tribunal de manière très discutable sur le fondement de déclarations contradictoires d’Anthony Gauci, étant la seule susceptible d’impliquer Al-Megrahi (page 664)
  • La non-communication à la défense des 2 documents top-secrets évoqués plus haut (page 709)
  • Diverses anomalies de procédure pouvant collectivement constituer un "miscarriage of justice" (une erreur de procédure judiciaire) (page 711).
Le badge fantôme de la CIA

Digne des meilleurs romans de John Le Carré, le rapport met en lumière des faits troublants qui, s’ils ne contribuent pas franchement à faire la lumière sur les véritables auteurs du carnage, démontrent le rôle trouble des autorités britanniques et américaines, comme en atteste ces quelques extraits :

« … to cast suspicion upon the conduct of US authorities »…paragraphe 8-130, (en français : "fait peser des soupçons sur le comportement des autorités US")

« … even assuming that there was some conspiracy to conceal the true sequence of events, it is difficult to envisage why the police would wish to portray DS Armstrong as present at Yorkie Clothing when he was not… » – paragraphe 10-48, (en français : "… même en admettant l’existence d’un certain niveau de complot pour dissimuler la séquence réelle d’événements, il est difficile de comprendre les raisons pour lesquelles la police voulait absolument faire croire que DS Armstrong était présent à Yorkie Clothing alors que c’est faux.")

«… is that US authorities were not only behind the scene but often in control… » – paragraphe 12-9, (en français : "… est que les autorités US n’étaient pas seulement en coulisse, elles contrôlaient la situation.")

interview de Mary Boylan qui a affirmé avoir trouvé dans les débris, un badge de la CIA dont il n’a été retrouvé aucune trace dans l’inventaire des éléments récupérés sur le site de l’accident et dont on lui a demandé de ne jamais faire état, le chef de l’enquête Sir John Orr prétendant que les affirmations de Miss Boylan « are centered in the realm of fantasy and were absolute non-sense… » – paragraphe 12-26, (en français : "sont centrées sur un univers imaginaire et n’ont absolument aucun sens…")

le fait que la valise de McKEE, officier de la DIA présent dans l’avion avec plusieurs collègues, a été forcée, ouverte et fouillée avant d’être examinée par les enquêteurs – paragraphe 12-42…

Autant d’éléments qui ne peuvent que renforcer la conviction du lecteur selon laquelle, tout comme son coaccusé Al Amin Khalifa Fimah, Al-Megrahi aurait du sortir libre du tribunal le 31 janvier 2001. Sa mauvaise étoile et la raison d’État en ont décidé autrement…

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