Le Service de renseignements de la Confédération (SRC) surveille les extrémistes en Suisse. Mais ses moyens actuels sont faibles.
Comment la Suisse peut-elle se prémunir d’actes terroristes violents ? Après la tuerie d’Oslo et d’Utoya, la question est plus que jamais d’actualité. Dans son manifeste de 1500 pages, l’auteur du carnage, Anders Behring Breivik, avait du reste mentionné comme cible pas moins de 498 noms de personnalités suisses ainsi que des objectifs stratégiques comme des centrales nucléaires.
Qui a la tâche de prévenir des dangers qui planeraient par exemple sur les conseillers fédéraux ? La prévention incombe au tout nouveau Service de renseignements de la Confédération (SRC) mis en place le 1er janvier 2010. Terrorisme, extrémisme violent et trafic d’armes constituent son pain quotidien. "Nous assurons un suivi de la situation en permanence et nous faisons une appréciation pour les autorités politiques", explique Felix Endrich, chef de la communication du SRC. "Le renforcement de la sécurité des hommes politiques, par exemple, incombe à l’Office fédéral de la police (Fedpol) en accord avec le Service de sécurité de la Confédération. Quant aux objectifs stratégiques, comme un aéroport, les mesures de protection à prendre sont du ressort de la Fedpol. En revanche, une gare relève de la compétence des CFF et des polices cantonales." Endroits publics
Le SRC doit assurer également la surveillance des réseaux sociaux sur internet. On l’a vu lors de la sortie du rapport 2010 sur la sécurité intérieure avec la mise en lumière des activités en Suisse des réseaux Takfiris, extrémistes islamistes.
Au niveau des moyens du SRC, force est de constater que les Suisses ont moins de libertés que leurs homologues français ou allemands. "Nous ne pouvons observer que les endroits publics", ajoute Felix Endrich. "On ne peut pas entrer dans des réseaux de communication ou informatiques en les infiltrant, par exemple. Nos possibilités légales sont nettement moins étendues que dans les pays voisins."
La nouvelle loi fait débat
Des moyens supplémentaires, notamment concernant les écoutes téléphoniques et la surveillance du courrier, devraient être introduits par les mesures de surveillance préventive contenues dans la Loi sur le maintien de la sécurité intérieure (LMSI), concoctée par les services du ministre de la Défense, Ueli Maurer. Mais en octobre dernier, le Conseil fédéral a préféré renvoyer la décision à fin 2012 car l’opposition au parlement est trop forte. Dans le cadre légal actuel, une personne suspectée d’actes violents ne peut par exemple pas être surveillée dans un lieu privé.
Au niveau des cantons, les polices cantonales attendent aussi davantage de latitude pour agir. "Avec la loi actuelle sur la sécurité intérieure, il faut presque que la bombe explose pour que nous puissions agir", constate Pierre Nidegger, président de la Conférence des commandants de police. "La révision de la LMSI permet de mieux protéger l’honnête citoyen. Si le risque est avéré, il faut avoir les moyens de lever les soupçons qui pèsent sur une personne ou un groupement."
En cas de soupçon, une police cantonale peut par son service de renseignement se livrer à la collecte d’information. "En cas d’espionnage industriel par exemple, si nous devons procéder à des écoutes, c’est le Ministère public de la Confédération (MPC) qui donne le feu vert après examen du dossier", ajoute le président. "Mais nous nous heurtons souvent aux restrictions légales de la loi sur la protection des données."
De la droite à la gauche
Concernant l’extémisme violent, le SRC confie souvent des tâches de renseignement aux polices cantonales. Cette surveillance s’étend à tout l’échiquier des tendances extrémistes, de la gauche à la droite. "Dans tous les cantons, il y a un service organisé pour cette tâche", ajoute Pierre Nidegger.
Voilà pour l’action en amont contre les actes violents. Mais qu’en serait-il en Suisse en cas d’attentat à la bombe et de tirs sur une foule par un forcené comme cela a été le cas en Norvège ? Comme l’a annoncé "Le Temps" hier, un rapport élaboré au niveau romand pour agir en cas de tuerie sera remis aux autorités politiques. Mais il concerne les écoles en particulier. "En cas d’attentat à la bombe, c’est la police du for juridique du lieu de l’attentat qui mène l’enquête en collaboration avec les services de la police scientifique de la ville de Zurich", explique Pierre Nidegger. "Ces derniers établissent le type d’explosif utilisé. Quant à la neutralisation du forcené, c’est l’affaire des policiers arrivés sur les lieux, parfois simultanément avec le groupe d’intervention." Le fédéralisme ne gêne-t-il pas un peu la manoeuvre lorsqu’il faut mobiliser des moyens extérieurs ? "Non, on l’a vu dans le cas du tireur de Bienne en septembre 2010", répond Pierre Nidegger. "Des renforts d’autres cantons avaient pu facilement être mobilisés grâce à l’accord qui régit la coopération intercantonale".
Pierre-André Sieber
la Liberté