Des services secrets, nous ne savons que les échecs et rarement les succès. Si l'échec provoque l'anathème, l'ingratitude est fille de la victoire. Quand à la gloire, il faut l'oublier, elle est pour les autres...

samedi 11 juin 2011

Des câbles secrets montrent le plan de bataille d’Israël contre la déclaration palestinienne à l’ONU

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Israël a commencé à mobiliser ses ambassades pour la bataille contre la reconnaissance à l’ONU, en septembre prochain, d’un Etat palestinien, en ordonnant à ses diplomates de faire savoir que cela délégitimerait Israël et ruinerait toute chance de futures négociations de paix.

Il est demandé aux envoyés de faire pression sur les plus hauts fonctionnaires possibles dans leurs pays de service, de rallier le soutien des communautés juives locales, d’assaillir les médias avec des articles argumentant contre la reconnaissance et même de demander qu’un haut responsable israélien appelle ou rende une visite éclair s’ils pensent que cela pourrait aider.

Le directeur général du ministère [israélien] des affaires étrangères, Rafael Barak, et les chefs des divers départements du ministère ont envoyé, au cours de la semaine dernière, des câbles classés secrets, exposant brièvement aux ambassades le plan de bataille, après avoir ordonné auparavant à tous les diplomates du pays d’annuler les vacances qu’ils auraient prévues de prendre pour septembre. Le contenu de ces câbles est parvenu à Haaretz et sont rapportés en intégralité dans cet article.

« L’objectif que nous avons fixé est d’avoir un maximum de pays qui s’opposent au processus de reconnaissance d’un Etat palestinien à l’ONU », a écrit Barak aux ambassadeurs israéliens dans ce câble, qui a été envoyé le 2 juin. « L’effort palestinien doit être assimilé à un processus qui érode la légitimité de l’Etat d’Israël…

« L’argument de base est qu’en poursuivant ce processus à l’ONU, les Palestiniens essayent de réaliser leurs objectifs d’une manière autre que des négociations avec Israël, et cela viole le principe selon lequel la seule voie pour résoudre ce conflit passe par des négociations bilatérales ».

Chaque envoyé a reçu l’ordre de mettre au point un plan pour le pays dans lequel il ou elle est en service et de le présenter au ministère des affaires étrangères dès le 10 juin.

« Le but est d’obtenir que le pays dans lequel vous êtes en service vote contre un Etat palestinien », a écrit Barak. « Votre plan doit inclure d’approcher les politiciens les plus importants, de mobiliser les multiplicateurs de force appropriés [comme les communautés juives locales, les organisations non-gouvernementales], de se servir des médias, d’influencer l’opinion publique locale et utiliser la diplomatie publique a destination de toutes les communautés appropriées ».

Barak a également informé ces émissaires que le ministère avait établi un « Forum de Septembre », dirigé par le directeur de son Département pour le Proche-Orient, Yaakov Hadas.

« Cette équipe analyse les manœuvres possibles des Palestiniens et les options ouvertes pour Israël de ruiner ce processus, et elle assemble un plan médiatique, [un plan] de diplomatie publique et [un plan] diplomatique », a écrit Barak. « Vous devez rapporter vos activités au Forum de Septembre une fois par semaine ».

« Cette mission qui nous a été assignée n’est pas une mission facile », concluait ce câble. « Mais je suis sûr qu’en additionnant nos forces, nous ferons de notre mieux pour atteindre le but que nous nous sommes fixé. »

Une source au ministère des affaires étrangères a dit que cette directive envoyée aux ambassadeurs, à la fois par le ministre des affaires étrangères Avigdor Lieberman et le directeur général du ministère, est de ne pas renoncer à l’avance à quelque pays que ce soit et de travailler à obtenir une audience avec les plus hauts fonctionnaires possibles dans chaque pays.

Dimanche dernier, le 5 juin, le chef du département Europe Occidentale du ministère, Naor Gilon, a envoyé un câble de suivi aux ambassades dans tous les pays de l’Union Européenne. Un câble similaire a été envoyé par le chef du département Eurasie, Pinhas Avivi, aux représentants des pays de l’UE d’Europe de l’Est et de l’ancienne Union Soviétique.

Dans ce câble, Gilon demandait aux ambassadeurs de préparer des plans « qui conduiront le pays dans lequel vous servez à s’opposer ou à s’abstenir durant le vote à l’ONU ».

Il divisait les pays de l’UE en trois groupes :

· Les pays qui ont déjà exprimé leurs objections à une action palestinienne unilatérale. Une source du ministère des affaires étrangères à placé l’Allemagne et l’Italie dans cette catégorie.

· Les pays dont la position n’est pas claire, en particulier les membres de l’ancien bloc de l’Est qui avaient déjà reconnu un Etat palestinien en 1988. Ils comprennent la République Tchèque, la Slovaquie, la Pologne, la Hongrie, la Roumanie et la Bulgarie. Dans deux semaines, Lieberman et le Premier ministre Benjamin Netanyahou, ont prévu de se rendre séparément dans ces pays, dans un effort pour les persuader de voter contre un Etat palestinien.

· Les pays qui tendent à se mettre automatiquement du côté des Palestiniens et dont l’on s’attend à ce qu’ils soutiennent un Etat palestinien, parmi ceux-ci, la Suède, l’Irlande, la Belgique et le Portugal.

Gilon a écrit que le ministère des affaires étrangères pense que les 27 membres de l’UE « auront des difficultés à parvenir à une décision consensuelle sur la reconnaissance d’un Etat palestinien, comme cela s’est produit au regard [de la reconnaissance] du Kosovo. Il est quand même clair que la bureaucratie européenne à Bruxelles essayera d’engager le dialogue avec les Palestiniens dans un effort de modérer la résolution [onusienne], afin que les membres de l’UE puissent la soutenir.

« Chacun connaît la position du pays dans lequel il est en service », a écrit Gilon. « Notre but est de créer un élan contre la reconnaissance d’un Etat palestinien en septembre, en créant un bloc significatif d’Etats européens qui exprime sa opposition aussitôt que possible à une action palestinienne unilatérale ». Un autre objectif est d’essayer de persuader ces pays qui ont déjà dit qu’ils voteraient en faveur de la manœuvre palestinienne de se retenir de déclarer publiquement leur position.

Gilon a fixé aux ambassadeurs la tâche d’essayer d’inciter autant de politiciens et de décideurs politiques que possible à, soit faire des déclarations publiques , soit émettre des déclarations s’opposant à la reconnaissance unilatérale d’un Etat palestinien. Il leur a également donné pour instruction d’occasionner des reportages médiatiques et des éditoriaux négatifs s’opposant aux manœuvres palestiniennes.

Il a été demandé aux ambassadeurs d’informer le Forum de Septembre de toutes les demandes qu’ils reçoivent des dirigeants de leurs pays respectifs de s’entretenir au téléphone avec le Président Shimon Peres, Netanyahou ou Lieberman, et d’indiquer si une visite diplomatique de hauts responsables israéliens avant septembre pouvait aider à persuader les hauts responsables dans les pays où ils servent.

Mais un haut fonctionnaire du ministère des affaires étrangères a dit que malgré les efforts qui seront déployés, seuls quelques pays, dont les Etats-Unis, le Canada et quelques pays européens, voteront contre la reconnaissance d’un Etat palestinien lors du vote de l’Assemblée Générale,. L’estimation du ministère est que la plupart des pays asiatiques, africains et sud-américains voteront pour.

Barak Ravid