Au cours des trois ou quatre dernières années de la crise dépressionnaire économico-financière mondiale, Lyndon LaRouche[1] a prévenu que si la politique hyper-inflationniste de subvention des banques en faillite de Wall Street et de la City de Londres devait se poursuivre, cela conduirait à des conséquences de plus en plus graves, pouvant aller jusqu’à la panne du système mondial. Depuis environ 10 jours, il est devenu manifestement clair que certaines forces puissantes au sein de l’élite politique mondiale ont rejoint son point de vue.
L’arrestation du patron du FMI, Dominique Strauss-Kahn, à New York le 15 mai dernier, a porté un coup d’arrêt à l’ensemble du processus de plans de sauvetage financier mondiaux. Ce n’est pas un accident. Le « boulot sans bavures » qui a été dirigé contre Strauss-Kahn était en préparation depuis quelques temps, dans le but d’obtenir exactement les effets qui ont été produits. « Ce que ces effets auront comme résultat est incertain, mais ces effets… ne peuvent être évités », a commenté LaRouche dans une discussion avec des associés, le 21 mai.
LaRouche poursuit :
« Tout le système va maintenant s’effondrer d’une ou deux façons. Soit, par une chance improbable, les soutiens d’Obama, Geithner et Bernanke, y survivront, auquel cas le tapage a éclaté, soit il n’y survivent pas et la situation deviendra beaucoup plus intéressante. Et ce qui est arrivé à Strauss-Kahn est une partie absolument cruciale de ce tournant qui a été atteint au cours des deux dernières semaines. »
Il n’y a que deux options, a souligné LaRouche : soit c’est le système spéculatif international qui s’effondre, soit c’est l’économie mondiale. Strauss-Kahn (alias « DSK ») était non seulement un personnage clé dans le sauvetage de l’euro et de tout le système transatlantique, mais il était prévu qu’il devienne « l’Empereur de la Méditerranée ». Son arrestation a changé la donne. La faction des fous du sauvetage, en particulier les potes de DSK, le Secrétaire au Trésor Tim Geithner et le Président de la Réserve Fédérale Ben Bernanke, est à présent en plain désarroi.
Il y a au moins deux factions en Europe, qui craignent à juste titre que des nouvelles séries de mesures de sauvetage emportent le monde dans une vague hyper-inflationniste incontrôlée. L’une, l’Allemagne, agit visiblement par l’intermédiaire de son gouvernement qui insiste sur la restructuration de la dette de la Grèce. Une histoire qui fait maintenant le tour d’internet est que, avant même que le premier plan de sauvetage ne soit approuvé, le chef du BaFin[2], le fonds allemand dédié au sauvetage bancaire, Jochen Sanio, a exprimé son opposition devant une commission du Bundestag. Lorsqu’on lui a demandé pourquoi, il a répondu franchement : « Parce que les contribuables nous pendraient haut et court ! » L’autre faction est visiblement en train d’émerger en Grande-Bretagne, à travers le débat sur la question « trop gros pour faillir » et à travers l’attaque contre le noyau Blair-Famille Royale.
Aux Etats-Unis, aussi, certains cercles influents s’opposent à l’économie de casino hyper-inflationniste, dont un reflet se voit dans l’intervention du système judiciaire de New York contre Strauss-Kahn. De plus, le Procureur Général de New York, Eric Schneiderman, a ouvert une enquête sur les cinq grandes banques de Wall Street pour fraude à travers des activités sur le marché de l’immobilier secondaire (titres adossés aux crédits immobiliers). Goldman Sachs, Morgan Stanley, Bank of America et d’autres feront l’objet d’investigations en vertu du Martin Act de 1921 de l’Etat de New York, pour des crimes qui ont été documentés en détail dans les rapports Angelides et Levin.
Gel des plans de sauvetage
En attendant, le processus des plans de sauvetage dans la zone euro a été gelé. Avec le fauteuil de DSK désormais vide, les officiels européens sont incapables de parvenir à un accord sur un ensemble de mesures pour la Grèce. Strauss-Kahn s’était assuré que le FMI – qui comprend les Etats-Unis, la Russie et les pays émergents – serait un élément clé de tous les plans de sauvetage. A présent, le président de l’UE, Van Rompuy, s’est plaint que « nous ressentons l’absence de leadership pour résoudre la crise grecque », et il a appelé à trouver rapidement un remplaçant à Strauss-Kahn.
Pendant ce temps, la troïka FMI-BCE-UE a suspendu sa mission à Athènes, annonçant que tout est dans les limbes jusqu’à ce que le gouvernement [grec] prennent des mesures concrètes vers un programme de privatisation, que la population grecque considère comme un nouveau viol initié par Strauss-Kahn. Et si Athènes pleure, Dublin ne rigole pas. La vente d’un lot d’obligations de 5 milliards d’euros par la Facilité européenne de stabilité financière a été reportée à cause du refus irlandais d’accepter les conditions exorbitantes assorties à ce crédit. Autrement dit, c’est tout l’ensemble du mécanisme de subventions qui s’est arrêté et, à travers lui, l’ensemble du marché des dérivés spéculatifs se retrouve, par réaction en chaîne, face à un effondrement.
Voyez les troubles qui s’étendent dans toute l’Europe, de la Grèce au Portugal et à l’Espagne ! L’Italie est également touchée par la rétrogradation de sa note par les agences de notation financières, avec le potentiel de faire exploser l’instabilité financière et sociale à une échelle encore plus grande. Il est indéniable que les trillions de dette détenus par la Banque Centrale Européenne ne seront jamais payés – et certains banquiers refusent de laisser ce jeu se poursuivre. Un câble émis par l’agence de notation Moody’s le 24 mai était particulièrement éloquent sur la mort du système des plans de sauvetage. Ce câble annonçait que l’agence révisait deux des premières banques Inter-Alpha[3] – la Royal Bank of Scotland et Santander UK - pour les rétrograder. Pourquoi ? Parce que, dit Moody’s, il n’y aura aucun plan de sauvetage par les contribuables dans le futur !
Un tournant
En effet, la chute de Strauss-Kahn a ramené le monde dans une situation similaire où il se trouvait en automne 2008 – après, bien sûr, la destruction de millions de vies. Alors, les alternatives, ainsi que LaRouche l’a fait remarquer avec force, étaient soit de retourner au standard bancaire Glass-Steagall[4], comme première mesure pour restaurer le système du crédit, soit une politique de plans de sauvetage qui conduirait à la ruine. Londres et Wall Street, oeuvrant alors à travers l’administration Bush et le candidat Obama réussirent à forcer le Congrès des Etats-Unis à accepter les plans de sauvetage – qui ont coûté, selon Phil Angelides, le président de la Commission d’enquête sur la crise financière, des trillions de dollars.
Le résultat de cette action est clair : le système financier monétaire n’a jamais été autant en faillite.
Parmi ceux qui l’ont récemment fait remarquer, il y a Li Hong, un rédacteur du Quotidien du Peuple chinois. Voici ce que Li Hong a écrit dans son article du 24 mai :
« Ces derniers temps, tous les marchés financiers, de Wall Street à Londres et à jusqu’à Hong Kong, ont dégringolé suite à l’information selon laquelle l’endettement fiscal de la zone euro s’aggraverait, alors que les agences de notation réduisaient les notes de la Grèce et de l’Espagne et avertissaient sur les risques imminents de paralysie au Portugal, en Belgique, en Italie et dans beaucoup d’autres pays. Certains économistes ont annoncé que si l’Union Européenne, comme d’habitude l’Allemagne et la France, ne se dépêchaient pas de les subventionner, ces pays ne pourront faire autrement que de ne pas rembourser leurs emprunts prioritaires. Ce scénario européen en chute de dominos alimente de nouvelles craintes que le monde sera plongé dans une nouvelle crise financière sérieuse, après l’effondrement mondial de 2008-2009. Mais la démarcation n’est pas aussi nette puisque l’effondrement colossal n’a pas réellement disparu et que la détérioration des mésaventures budgétaires européennes arrive en complément de l’effondrement de 2008-2009. »
Li Hong a poursuivi en prévenant que certaines personnes aux Etats-Unis veulent toujours essayer de traiter la crise en faisant tourner encore plus vite la planche à billets, en particulier avec le glorifié Quantitative Easing III[5],. Cela entraînerait une hyper-inflation encore plus importante, conduisant à un Krach. Un véritable poison politique !
A présent, comme en 2007-2008, la solution à ce désastre global repose sur les Etats-Unis, où un retour au principe Glass-Steagall est une réelle option. Geithner et Bernanke, les partenaires de DSK dans les plans de sauvetage, se retrouvent désormais dans une position très affaiblie. Et donc, également, le Président Obama, dont le dédain pour le bien-être des Américains alimente de plus en plus la colère contre lui. Ainsi que LaRouche l’a souligné cette semaine, nous sommes à une période transitoire où l’ennemi britannique de l’humanité est déstabilisé. Il est temps d’agir.
Executive Intelligence Review
Notes :
[1] Lyndon LaRouche, (né en 1922, à Rochester, au New Hampshire) est un homme politique, économiste, essayiste et polémiste américain. Il est le fondateur des revues Fusion et Executive Intelligence Review. Il se présente comme spécialiste de l'« économie physique » et défend un programme de réorganisation complète du système financier international. Sur le plan politique, il se dit « dans le droit fil du Mouvement des droits civiques de Martin Luther King et dans la tradition du New Deal de Franklin D. Roosevelt et de Harry Hopkins ».
[2] En Allemagne, le Bundesanstalt für Finanzdienstleistungsaufsicht (BaFin) a été institué le 1er mai 2002 comme régulateur unique des banques, des assurances et des marchés financiers, sur le modèle de la Financial Services Authority(FSA) britannique. Le BaFin est organisé de manière décentralisée et dispose d'effectifs (1.500 agents) quatre fois plus élevés que ceux de l'AMF. Cette différence de taille ne s'explique pas seulement pas un champ d'activité plus large : la création du BaFin s'est accompagnée d'une augmentation d'un tiers des effectifs par rapport à ceux des autorités l'ayant précédé. Le BaFin a fait preuve d'une grande activité, suite notamment au dépôt de bilan du groupe Kirch Media et à des faillites sur le marché des valeurs technologiques (Neuer Markt). Il a en particulier étudié les pertes des compagnies d'assurance vie sur leurs placements ainsi que les pratiques des gérants de fonds, suite au scandale des transactions de fin de séance des mutual funds américains, pour s'assurer que des abus analogues n'étaient pas commis en Allemagne. L'AMF a récemment achevé une consultation sur le même sujet, ainsi qu'il a été précisé dans la quatrième partie du présent rapport d'information.
(source : sénat.fr)
[3] Le groupe bancaire Inter-Alpha représente environs 70% du système bancaire mondial. Il a été créé en 1971 par six banques de la Communauté Européenne afin de fournir une plate-forme pour l’échange régulier d’idées et explorer des domaines de coopération entre ses membres.
En 2011, Inter-Alpha regroupe :
· AIB Group, Irlande
· Banco Espírito Santo, Portugal
· Commerzbank, Allemagne
· ING Bank, Pays-Bas
· Intesa Sanpaolo, Italie
· KBC Bank, Belgique
· Nordea, Danemark, Finlande et Suède
· National Bank of Greece, Grèce
· The Royal Bank of Scotland Group, Royaume-Uni
· Santander, Espagne
· Société Générale, France
Aujourd’hui, Inter-Alpha fait face à une faillite dont l’ampleur aura des conséquences plus désastreuses, pour l’ensemble des populations du globe, que la faillite des banques Bardi et Peruzzi au milieu du XIVe siècle qui engendra un « nouvel âge des ténèbres » sur le continent européen.
[4] Le Glass-Steagall Act est le nom sous lequel est généralement connu le Banking Act de 1933 aux États-Unis. Celui-ci a instauré une incompatibilité entre les métiers de banque de dépôt et de banque d'investissement, créé le système fédéral d'assurance des dépôts bancaires et introduit le plafonnement des taux d'intérêt sur les dépôts bancaires.
Il tient son nom d'un sénateur démocrate de Virginie, Carter Glass, ancien secrétaire au Trésor, et d'un représentant démocrate de l'Alabama, Henry B. Steagall, président de la commission bancaire et monétaire de la chambre des représentants.
Battu en brèche depuis le milieu des années 1970 et largement contourné par l'ensemble de la profession bancaire, il a finalement été abrogé le 12 novembre 1999 par le Financial Services Modernization Act, dit Gramm-Leach-Bliley Act, juste à temps pour permettre la fusion constitutive de Citigroup.
« La Loi Bancaire de 1935 a également abrogé la clause Glass-Steagall de la Loi Bancaire de 1933, qui stipulait qu’une maison bancaire ne pouvait pas à la fois opérer à la Bourse et être impliquée dans la banque d’investissement. Cette clause était une bonne clause, puisqu’elle empêchait une maison bancaire de prêter de l’argent à une société qu’elle possédait. Il faut quand même se rappeler que cette clause couvrait quelques autres provisions de cette Loi, comme la création de la Société Fédérale d’Assurance des Dépôts, fournissant une assurance s’élevant à 150 millions de dollars pour garantir quinze milliards de dollars de dépôts. Cela accroissait le pouvoir des gros banquiers sur les petites banques et leur donnait une autre excuse pour mener des enquêtes sur ces dernières. La Loi Bancaire de 1933 avait également légiféré que tous les revenus des banques de la Réserve Fédérale devaient de par la loi revenir aux banques elles-mêmes. Enfin, la provision de cette loi, stipulant que le gouvernement partageait les profits, était annulée. Cette provision n’avait jamais été appliquée et l’augmentation des actifs des banques de la Réserve Fédérale, passant de 143 millions de dollars en 1913 à 45 milliards de dollars en 1949, alla en totalité aux actionnaires privés de ces banques. Donc, l’unique provision constructive de la Loi Bancaire de 1933 fut abrogée en 1935, et les banques de la Réserve Fédérale étaient désormais également autorisées à prêter directement à l’industrie, faisant concurrence aux banques membres du Système, qui ne pouvaient espérer égaler sa capacité d’arranger des prêts importants. »
(Extrait de : « Les Secrets de la Réserve Fédérale », de Eustace Mullins, édition française : Le retour aux sources)
[5] Voir : "Le dilemme infernal de la banque centrale américaine", Imen Hazqui, easybourse.com, le 26 avril 2011.