La drogue sud-américaine se fraye un nouveau couloir
Deux membres présumés de l’organisation terroriste AQMI ont été capturés, il y a une vingtaine de jours, par des ex-rebelles tchadiens et remis aux services de sécurité de leur pays.
Selon des sources au fait du dossier, il s’agirait de deux Algériens arrêtés le 12 octobre dernier par d’anciens rebelles du Mouvement pour la démocratie et la justice au Tchad, alors qu’ils se rendaient au Soudan pour «une mission» dont ils auraient été chargés par Abou Zeid, leur chef. Ils auraient été transférés de la ville de Bardal, dans la région de Bordou Ennedi Tibesti (BET), au nord du Tchad, vers la capitale où ils ont été remis aux services de sécurité.
Jusqu’à présent, aucune information sur leur identité n’a été révélée et l’on ne sait pas si l’Algérie a été saisie. Mais il est important de rappeler qu’il s’agit de la deuxième opération du genre que les membres de l’ancienne rébellion mènent, après l’interception de Abderrazak le Para, en 2005, moins d’une année après la libération de 14 otages allemands en contrepartie d’une rançon de 5 millions d’euros payée par le gouvernement allemand.
Situé sur la bande sahélo-saharienne, le Tchad est tout aussi concerné par l’activité des terroristes puisqu’une grande partie de l’armement acquis avec l’argent des rançons vient du Tchad. C’est dire à quel point la région du Sahel est devenue aujourd’hui le terrain de prédilection d’Al Qaîda, qui ne cesse de s’élargir. La situation devient alarmante avec l’intensification du trafic de drogue dont les parrains s’offrent les services – payants – des terroristes pour assurer la sécurité de leurs convois. Dans une déclaration à la radio Chaîne III, le directeur général de l’Office national de lutte contre la drogue et la toxicomanie, Abdelmalek Sayeh, a rappelé hier cet état de fait : «Nous savons que des avions ont atterri au Mali et en Mauritanie plusieurs fois, transportant, à chaque voyage, jusqu’à quatre tonnes de cocaïne.» Et de préciser qu’en 2009, plus 20 tonnes de drogue ont transité par ces deux pays, alors qu’en 2008, 240 tonnes de cocaïne provenant du Brésil, du Pérou et de Colombie sont passées par le continent africain. «Une grande partie de cette drogue a été acheminée par le couloir du Sahel où la connexion entre narcotrafiquants et terroristes est avérée.»
Abdelmalek Sayah a révélé que cette connexion a été confirmée par les services de sécurité de la région, mais également par ceux des pays latino-américains. Ces informations ont été révélées par un responsable de l’Office des Nations unies de lutte contre la drogue (ONUDC), qui avait affirmé qu’un Boeing bourré de cocaïne s’était crashé au nord du Mali, sur une piste, non loin de Gao, précisant que l’équipage et la drogue avaient disparu. Les témoignages de Touareg ayant assisté à l’atterrissage du 727, fin novembre 2009, dont de larges extraits avaient été publiés par la presse malienne, évoquaient le maire de Tarkint qui avait «accueilli» l’avion. Le personnage est un parfait connaisseur du désert qui a joué un rôle important dans les négociations avec AQMI pour la libération des otages allemands, autrichiens, canadiens et bien d’autres. La presse avait affirmé que l’équipage de ce «coke 727» avait disparu de l’aéroport de Bamako. Ce qui laisse suspecter des complicités à un très haut niveau des autorités maliennes. Le 6 février dernier, un autre appareil transportant 4 tonnes de cocaïne, piloté par quatre Sud-Américains, s’est posé sur une piste à Kayes, à quelques centaines de kilomètres à l’ouest de Tombouctou.
Il était attendu par des officiels locaux ; la presse a cité Baba Ould Cheikh, Cherif Ould Tahar, Hanouni Ould Labiadh, Ould Lagwinate, mais aussi des militaires maliens de la caserne de Nampala (région de Ségou), lesquels avaient procédé au balisage du terrain avant l’atterrissage. Trois jours plus tard, un autre avion a atterri à Aïn In Esséri, au sud-est de Tinzaouatin (non loin de la frontière avec le Niger) et ce sont les mêmes notables de Tarkinte et de Gao qui sont venus l’attendre. Tous seraient des Arabes proches du régime de Bamako et de Niamey qui auraient joué un rôle important dans la répression de la rébellion touareg au Niger et au Mali, mais qui, aujourd’hui, se retrouvent sous-traitants des terroristes. Autant de révélations qui font craindre le pire.
Devenue une poudrière, la région, où sept otages (cinq Français, un Togolais et un Malgache) sont encore en captivité, ressemble aujourd’hui à un immense no man’s land où terroristes et narcotrafiquants trouvent leur compte…
Salima Tlemçani