Les méthodes du service fédéral de sécurité de la Fédération de Russie (FSB) seraient encore pires que celles employées par le KGB à l’époque soviétique, selon les journalistes russes Andrei Soldatov et Irina Borogan.
De passage à Londres mercredi pour le lancement de leur livre intitulé « La nouvelle noblesse », les deux journalistes ont expliqué à l’agence Reuters que les choses se sont détériorées dans les rangs des services de sécurité avec la chute du communisme.
« Le KGB était une organisation redoutable, mais elle était sous le contrôle strict du Parti communiste », expliquent les auteurs. « Mais avec le FSB, il n’y a plus aucun contrôle politique ni aucun contrôle du Parlement sur l’organisation. Nous avons créé des services secrets totalement hors de contrôle. »
Au nom de la lutte contre les terroristes islamistes
Selon Andrei Soldatov et Irina Borogan, les méthodes des services de sécurité sont particulièrement brutales. Dénonçant un manque flagrant d’imputabilité au sein du FSB, les auteurs ajoutent que la guerre au terrorisme islamique est devenue « l’excuse officielle » pour justifier des abus.
Pour Irina Borogan, les méthodes du FSB russe s’apparentent davantage à celles des polices secrètes arabes, les moukhabarâts, qu’à celles de l’ancienne agence de contre-espionnage soviétique.
Dans leur livre, Andrei Soldatov et Irina Borogan retracent l’ascension d’ex-agents et dirigeants du KGB, dont Vladimir Poutine, dans l’appareil d’État de la Russie postsoviétique. Les auteurs se demandent par ailleurs ce qui a amené Boris Eltsine à choisir Vladimir Poutine comme successeur.
Selon eux, les services secrets se sont réapproprié le contrôle des leviers de l’État depuis l’arrivée au pouvoir de Vladimir Poutine. L’ex-dirigeant du KGB a placé nombre d’anciens collaborateurs dans les postes clés du Kremlin, de l’armée et des grandes corporations.
Le livre, qui n’a pas été distribué en Russie, cite l’exemple d’un terrain de 99 acres situé au coeur de Moscou, dans l’un des secteurs les plus chers, qui a été offert pour une somme dérisoire à un dirigeant du FSB en remerciement de services rendus.
Avènement d’une nouvelle puissance au Kremlin
Il s’est créé, selon les deux journalistes, une « énorme et nouvelle puissance » à la tête de l’État russe destinée à protéger et à servir les intérêts d’une poignée d’individus demeurés loyaux à leurs anciens patrons du KGB. Il en résulte un service de sécurité beaucoup plus dangereux et plus imprévisible que le KGB de l’ère soviétique.
Un point de vue que partage la militante russe pour les droits de la personne Lyudmila Alexeyeva. « Le KGB était répressif, mais moins dangereux que le FSB. Il y avait certes des prisons, des hôpitaux psychiatriques, mais il [le KGB] n’assassinait pas systématiquement les gens comme ils le font maintenant », déclarait récemment Mme Alexeyeva dans une entrevue accordée à Reuters.
Ces dernières années, des agents du FSB ont été soupçonnés d’avoir commis plusieurs assassinats, dont celui de la journaliste Anna Politkovskaïa et d’Alexander Litvinenko, un détracteur de Vladimir Poutine, empoisonné par une substance radioactive en Grande-Bretagne en 2006.
The Guardian