Des services secrets, nous ne savons que les échecs et rarement les succès. Si l'échec provoque l'anathème, l'ingratitude est fille de la victoire. Quand à la gloire, il faut l'oublier, elle est pour les autres...

samedi 11 septembre 2010

Les données biométriques, trésor de guerre de l’armée américaine

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Les dernières troupes de combat ont quitté l’Irak fin août, mais l’armée américaine n’est pas partie les mains vides. Tout au long du conflit, des millions de données biométriques ont été collectées, dont l’utilisation future est incertaine. "Le discours du président Obama sur la fin des missions de combat laisse la question ouverte sur ces masses de données biométriques", déplorait l’Electronic Privacy Information Center (EPIC), au début du mois de septembre.

Iris de l’oeil, empreintes digitales, photo du visage, données nominatives et personnelles... Depuis le milieu des années 2000, l’armée américaine a collecté les informations de milliers d’Irakiens, au niveau des check-points, à proximité des lieux d’attentats ou de certaines zones dites sensibles. Pour réunir ces données, les soldats utilisent un scanner portatif, qui ressemble à un appareil photo numérique.

Ces données alimentent une vaste base, nommée "ABIS" pour "Automated Biometric Identification System" gérée à Arlington en Virgine aux Etats-Unis. "Chaque jour, des milliers d’enregistrements sont collectés et envoyés au département de la défense américain (DoD)", indique la documentation officielle. En 2004, le dispositif comptait 2 millions d’enregistrements ; la nouvelle version mise à jour en 2009 peut en contenir plus de 4 millions.

La réactualisation des données est presque instantanée, et permet aux soldats de vérifier à la seconde si les suspects qu’ils arrêtent sont déjà fichés. Le département de la défense "utilise les données biométriques pour vérifier les identités des individus connus sur les terrains irakien et afghan et permettre de trouver et de capturer ceux qui réalisent des engins explosifs improvisés et les insurgés", fait aussi valoir le Pentagone.

De fait, toutes les branches du DoD utilisent la biométrie : l’armée scanne les détenus, les marines vérifient l’identité des postulants dans les missions de sécurité, tout comme la Navy et l’Air Force... La défense a commencé à s’intéresser à la biométrie dans les années 2000. C’était alors un moyen de fournir un accès sécurisé aux réseaux informatiques. Mais après le 11 septembre 2001, le discours a changé, et la biométrie a été conçue comme une manière de mettre au jour l’identité des terrroristes.

C’est l’entreprise Lockheed Martin qui a, en 2004, remporté l’appel d’offres pour construire la base de données ABIS, qui équivaut à un dispositif similaire déjà élaboré pour le FBI. Et dès 2007, la collecte de données biométriques pouvait être effectuée à grande échelle, avec la généralisation des scanners portatifs, facturés 6 500 dollars (5 092 euros) pièce, selon USA Today.

PLUS DE 200 000 SCANS EN AFGHANISTAN


Les troupes américaines utilisent aussi leurs dispositifs pour obtenir les données biométriques d’éventuels suspects afghans. En 2009, 200 000 informations ont été ajoutées, et à l’été 2010, le chiffre de 210 000 est déjà dépassé.

Mais pour les associations, la constitution d’une telle base de données, avec des identifiants stockés pour 100 ans, pose d’abord des questions de respect de la vie privée. D’autant plus que certains Irakiens ou Afghans utilisent sciemment de faux documents pour leur propre sécurité : cela leur permet d’éviter d’être pris à partie en raison de leur origine géographique ou ethnique.

Mais l’EPIC s’inquiète aussi de l’usage qui pourrait être fait de tels systèmes. En Irak comme en Afghanistan, le contrôle des données pourrait être transféré aux autorités des deux pays pour créer les documents officiels des citoyens, d’après les autorités américaines. Mais le risque de détournement, dans des Etats affaiblis, n’est pas à exclure.

Laurent Checola