Des services secrets, nous ne savons que les échecs et rarement les succès. Si l'échec provoque l'anathème, l'ingratitude est fille de la victoire. Quand à la gloire, il faut l'oublier, elle est pour les autres...

mardi 13 octobre 2009

Un guide étonnant sur le Paris des espions

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C’est un bien curieux guide, fort instructif, que nous livre Roger Faligot, journaliste et écrivain spécialisé dans les affaires de renseignement. Il s’est penché sur les rues de Paris, arrondissement par arrondissement, et nous y offre un étonnant voyage. Toutes les étapes de cette excursion sont des adresses où des espions, des contre-espions, des demi-soldes ou des demi-mondaines, des assassins et leurs victimes, des ravisseurs ou des escrocs, ont exercé leurs talents, coupables ou non.

On reste saisi par la diversité des affaires évoquées, qu’elles remontent loin dans le temps, ou qu’elles soient plus récentes. Par exemple, on avait déjà oublié que devant l’hyperluxueux hôtel Meurice, rue de Rivoli, l’ancien procureur de Kiev et avocat ukrainien Yuri Gaysinski a été kidnappé voici moins d’un an, le 24 novembre 2008. Enlevé avec lui, l’homme d’affaires Vladimir Vorontsov a été libéré en même temps que Gaysinski, une semaine plus tard. Qui a fait le coup ? Pourquoi ? S’agissait-il d’un litige sur un trafic d’armes, ou sur un contrat gazier ? Eux seuls le savent... Mais faisons donc un petit détour par le 11 avenue George V, à l’ambassade de Chine. C’est de là que Song Jingwu, qualifié de "barbouze suprême du parti", organisa en mars 2008 le passage de la flamme olympique à travers Paris, en donnant ses ordres à la police française et aux gros bras chinois...

On ne se lasse pas de ces petites histoires parisiennes quand on croise la célèbre "Madame Claude", offrant les services de ses pensionnaires du 68 rue de Boulainvilliers, au service secret du SDECE et de sa fameuse base Bison. Pour la cause patriotique, cela va de soi... Et c’est encore le nº 4 de la rue Marie-Rose, où habita le révolutionnaire russe Lénine de 1909 à 1911, sous la surveillance constante de l’Okhrana, police du tsar. Non loin de là, 40 ans plus tard, les renseignements généraux enquêteront au nº 9 de l’impasse Florimond, sur un redoutable "militant anarchiste intellectuel" et gratteur de guitare, qui n’est autre que Georges Brassens.

Il y a ainsi des dizaines d’adresses, et la promenade parisienne que nous propose l’auteur est une merveille d’érudition et d’humour, d’histoire aussi. Celle dont on connaît le début, mais pas toujours la fin, quand il s’agit de Mehdi ben Barka, enlevé boulevard Saint-Germain, pour ne prendre que ce seul exemple... Pour les passionnés, mais aussi pour les néophytes et les simples curieux, l’auteur organisera deux visites-promenades le samedi 17 octobre, autour des hauts lieux du Paris des espions : La première partira à 11 heures de la librairie L’arbre à lettres, en bas de la rue Mouffetard (5e arrondissement), et emmènera les promeneurs dans le Quartier latin, autour des agents secrets issus de l’intelligentsia et des élites coloniales ; Et le second itinéraire, toujours conduit par l’auteur, partira de la librairie Galignani, 224 rue de Rivoli, et sera davantage axé sur la Guerre froide.
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Jean Guisnel
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Roger Faligot, Paris, nid d’espions.
Les services de l’ombre dans la ville-lumière ,
Parigramme, 190 pages, bibliographie et index,
190 pages,
ISBN : 9782840965770