Des services secrets, nous ne savons que les échecs et rarement les succès. Si l'échec provoque l'anathème, l'ingratitude est fille de la victoire. Quand à la gloire, il faut l'oublier, elle est pour les autres...

vendredi 2 octobre 2009

Nucléaire : Téhéran mis au pied du mur

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Un échec des négociations qui se déroulent jeudi à Genève ouvrirait la porte à d’autres sanctions contre l’Iran.

La réunion est qualifiée de « cruciale », même si les diplomates qui gèrent depuis cinq ans la crise nucléaire avec l’Iran ont appris à ne pas s’emballer. Javier Solana s’est lui-même montré plus que prudent à la veille du rendez-vous des Six (Chine, États-Unis, France, Grande-Bretagne, Russie et l’Allemagne), représentés par leurs directeurs politiques, avec l’émissaire iranien Saïd Jalili, jeudi près de Genève. « Il ne sera pas facile » d’obtenir de l’Iran qu’il garantisse le caractère pacifique de son programme nucléaire, a jugé le négociateur de l’UE. Téhéran, de son côté, a affirmé qu’il abordait la rencontre avec un esprit « positif » tout en récusant d’emblée toute discussion sur son programme nucléaire.

Derrière le jeu habituel des petites phrases, le feuilleton iranien arrive pourtant à un nouveau tournant. La mise au jour, la semaine dernière, d’un deuxième site clandestin d’enrichissement d’uranium, caché sous une montagne, près de Qom, a renforcé les soupçons sur les intentions de l’Iran de se doter de l’arme atomique.

Le site de Qom était connu des services de renseignement américains depuis plusieurs mois. C’est tout récemment, pourtant, qu’à Washington le curseur diplomatique, positionné jusqu’alors par Barack Obama sur une ligne plutôt favo­rable au dialogue, s’est déplacé vers une plus grande fermeté.

Un échec des pourparlers de Genève rouvrirait la porte à de nouvelles sanctions contre l’Iran. Depuis 2006, trois résolutions de l’ONU (1737, 1747 et 1803) ont déjà prévu une batterie de mesures restrictives à l’égard de Téhéran, une limitation des déplacements à l’étranger des responsables du programme nucléaire et balistique iranien, un embargo sur les armes en provenance d’Iran et une mise sous surveillance des activités financières du pays. Outre de nouvelles limites imposées aux banques iraniennes, un blocus sur l’essence est également envisagé, même si cette mesure ne fait pas l’unanimité.


Moscou traîne les pieds

Car le poids des sanctions, associé à la gestion économique calamiteuse de Mahmoud Ahmadinejad, se fait déjà sentir dans la vie quotidienne. L’Iran, qui tire des hydrocarbures 90 % de ses revenus d’exportation, doit importer plus d’un tiers de ses besoins en essence, faute d’infrastructures de raffinage. Une poli­tique de subvention massive a atteint ses limites, l’explosion des dépenses publiques (+ 40 % depuis 2005) provoquant une poussée d’inflation et exacerbant le mécontentement au moment où le pays est en proie aux vives tensions politiques consécutives à l’élection présidentielle du 12 juin. Certains experts considèrent que Téhéran n’aura d’autre choix à brève échéance que de relever le prix à la pompe, ce qui risquerait de susciter des troubles, comme ce fut le cas en 2007 lorsque fut mis en place un plan de rationnement de l’essence.

Si l’option de nouvelles sanctions est retenue, les Six devront se concerter sur leur urgence et leur contenu. Deux volets sur lesquels l’unité des grandes puissances est loin d’être acquise. Instruits par le précédent irakien, les services secrets américains restent relativement prudents sur l’évaluation de la menace iranienne, plus en tout cas que leurs homologues européens et israéliens. Selon la CIA, l’Iran aurait cessé en 2003 ses efforts pour doter ses missiles de têtes nucléaires.

La Chine et surtout la Russie continuent de traîner les pieds. Moscou n’est pas près de lâcher la carte « iranienne » dans son dialogue stratégique avec les États-Unis, malgré la récente révision par Washington du système antimissile prévu en Europe centrale. Selon les services de renseignements américains, Moscou aurait même un « plan B » pour soutenir son partenaire iranien en cas d’embargo pétrolier : l’approvisionner en essence via l’Azerbaïdjan et le Turkménistan.
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Alain Barluet