Mis en examen pour « association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste », l’ingénieur franco-algérien est soupçonné d’échanges équivoques sur le Net avec des islamistes armés. Son avocate dénonce une « présomption de culpabilité ».
C’est au détour d’une autre enquête qu’est apparu son patronyme. Adlène Hicheur, 32 ans, a été interpellé, jeudi 8 octobre, à Vienne (Isère), pour des contacts présumés sur Internet avec al-Qaida au Maghreb islamique (Aqmi), la nébuleuse fondamentaliste ayant fait allégeance, en 2007, à la maison mère incarnée par Oussama Ben Laden. Il a aussitôt été transféré dans les locaux de la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI). A l’issue de quatre-vingt-seize heures de garde à vue, il a été présenté à un juge des libertés et de la détention (JLD) qui l’a placé en détention provisoire, conformément aux réquisitions du parquet. Le trentenaire a été mis en examen, lundi 12 octobre, pour « association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste » par Christophe Teissier, le juge antiterroriste saisi du dossier, avant de regagner sur-le-champ la maison d’arrêt de Fresnes (Val-de-Marne).
Employé par le Centre européen de recherche nucléaire à Genève (Cern), cet ingénieur franco-algérien, natif de Sétif (est de l’Algérie), décrit comme « brillant » par ses employeurs, a été appréhendé, en milieu de semaine dernière, en compagnie de son frère, 25 ans, remis en liberté, samedi 10 octobre, sans qu’aucune charge n’ait été retenue contre lui. De source policière, Adlène Hicheur aurait en outre manifesté son envie de commettre au moins un attentat. Il en aurait formulé le « souhait », voire l’« envie », sans toutefois « avoir commis d’actes matériels de préparation ».
Contactée, jeudi, par France-Soir, à l’issue d’une visite à son client incarcéré, Me Dominique Beyreuther s’indigne de ce que « les éléments objectifs » à l’encontre de son client « sont ténus ». Ironisant sur « une présomption de culpabilité », elle souligne en outre « les conditions particulièrement difficiles de sa garde à vue du fait d’une douloureuse sciatique ».
Détenteur de la double nationalité franco-algérienne, Adlène Hicheur collaborait, jusque-là, à l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL), en Suisse, ainsi qu’au Centre européen pour la recherche nucléaire (Cern). Outre l’obtention, en 2003, d’un doctorat au laboratoire de physique des particules (Lapp) d’Annecy-le-Vieux, le jeune homme a participé au projet « Babar », nom de code de travaux concernant un accélérateur de particules menés à Stanford, la prestigieuse université californienne. Avant d’accéder, en 2006, au statut de chargé de cours à l’EPFL où lui étaient allouées des installations du Cern.
Autant médusé qu’interloqué, le Cern a publié, le week-end dernier, un communiqué dans lequel il précise n’avoir « jamais été en contact avec quelque élément qui pourrait être utilisé à des fins terroristes ». Formel, le centre y indique notamment que le jeune homme est « un physicien qui travaillait sur des projets d’analyse de données de physique, depuis 2003, dans le cadre d’un contrat avec un institut extérieur. Aucune (de ses) recherches n’a d’application militaire potentielle. »
Renseignement américain
Comment le nom de ce chercheur, apparemment bien noté par ses supérieurs, est-il tombé dans l’escarcelle des enquêteurs ? D’après une source judiciaire, c’est dans le cadre d’une autre enquête sur une filière présumée de djihadistes envoyés vers l’Afghanistan, conjointement menées depuis un an avec la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE), que les limiers de la DCRI auraient débusqué les échanges incriminés entre le Franco-Algérien et des membres supposés de l’Aqmi alléchés par le profil et la nationalité de l’éventuelle recrue. La DCRI et la DGSE auraient préalablement bénéficié d’un renseignement émanant des services américains. Les envois de courriels litigieux auraient été repérés sur « Minbar » (Tribune), un site de propagande basé en Belgique.
Cependant, les conversations interceptées ne mentionneraient aucun fait précis répréhensible. De source proche du dossier, il apparaît que les enquêteurs avaient déjà « ciblé » l’ingénieur. Par le truchement de la « veille Internet », les policiers seraient en possession de plusieurs de ses textes, obtenant du parquet antiterroriste, dès septembre, l’ouverture d’une information judiciaire confiée au juge Teissier. Les policiers français avaient en outre saisi au Cern, dès le 3 octobre, le matériel informatique attribué au chercheur.
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Samy Mouhoubi