Des services secrets, nous ne savons que les échecs et rarement les succès. Si l'échec provoque l'anathème, l'ingratitude est fille de la victoire. Quand à la gloire, il faut l'oublier, elle est pour les autres...

mercredi 30 septembre 2009

La « grande muette » a du vocabulaire...

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les militaires défilent. « Une ! Deux ! Une ! Deux ! » croyez-vous entendre. Vous n’y êtes pas du tout. Selon un petit document semi-confidentiel que nous nous sommes procuré à l’état-major, il faut dire « Ope, dé ! » « Il existe une variante sous la forme "Han, Deuuuu" ou encore "Han deyy". Au bout d’une centaine de mètres, il arrive que le premier borborygme soit estompé au profit du seul "Deuuu, Deuuu, Deuuu" ». Commentaire de l’auteur d’Apprenons à parler comme un militaire : « Le souci de concision (propre à la langue militaire) peut aller jusqu’à l’utilisation d’interjections, voire de sons monosyllabiques pour remplacer des phrases entières. » Ainsi « Garde-à-vous » se dit « Vouuuus ! » , « Vauuuuh ! » ou plus simplement « Huu ! » En suivant cette règle, « Repos » se dira « Pooo ! », et ainsi de suite.


Acronymes

Le « militaire » n’est pas qu’un langage primitif. Si sa syntaxe reste pauvre, son vocabulaire est d’une richesse déroutante. « Le militaire a l’habitude d’utiliser un grand nombre d’acronymes pour remplacer des expressions compliquées (comprenez plus de trois mots) qui, le plus souvent, désignent une réalité simple que l’on désignerait dans le civil en un seul mot », écrit l’auteur du texte, resté prudemment anonyme. Exemples : PMF = une femme (personnel militaire féminin). IAL = une paille (interface d’alimentation liquide). BAB = boules Quiès (bouchons antibruit). RCIR = ration (ration de combat individuelle réchauffable). VTLR = une brouette (véhicule de transport léger rural). « Ce procédé a pour utilité de rendre une conversation entre militaires impossible à comprendre pour un civil non entraîné », conclut l’officier. Comme toutes les professions, les militaires ont leurs idiotismes. Dans l’armée, on ne va pas quelque part, on « fait mouvement ». On ne dit pas « oui », mais « affirmatif ». Ni « allô », mais « a qui ai-je l’honneur ? » On ne prend pas de vacances, on « part en perm ». On ne possède pas un treillis, on l’a « en dotation ». Treillis qui n’existera forcément qu’en deux tailles : trop petit ou trop grand. Quoi qu’il en soit, ce sera l’équipement « qui va bien ». Cette expression est sans doute la plus utilisée dans les casernes : le document « qui va bien », la formation « qui va bien », la voiture « qui va bien », etc. Exercice : « Vous serez pris en compte par la féminine qui va bien. ». Comprenez : un militaire de sexe féminin s’occupera de vous.


Queue verte

Même en présence d’une PMF, le langage militaire peut être trivial. Les expressions « Sortez-vous les pouces du cul » ou « Affolez-vous le minou » inciteront les destinataires à accélérer le mouvement. La section n’est pas encore « disloquée » que l’adjudant bien « retaillé » (qui a une attitude exemplaire) annonce : « Vous êtes déjà en retard ! » Dans ce cas, le « crapahut » s’annonce « pêchu » (la marche s’annonce sportive). Le militaire a parfois besoin de se détendre. S’il sort boire un verre avec ses copains, ce sera un « dégagement » où l’on pourra « s’arsouiller le groin » (boire avec excès) au milieu des « pékins » (les civils). On parle volontiers de « tarlouses, blaireau, beatnik, taffiole, gonzesses, couille de loup ». Exemple tiré de l’esprit de saine compétition qui règne entre les unités : « La 3 (troisième compagnie) c’est des taffioles. » Un général est un « poireau », car il a la tête blanche mais la queue encore verte... Pour bien parler « militaire », certains mots sont enfin à éviter soigneusement, avertit l’auteur du document. « Excusez-moi, pardon » : « On ne s’excuse jamais dans l’armée », constate-t-il. « Pourquoi » : « Ce mot n’existe pas. » « Réfléchir » : « A utiliser avec modération. »

En guise d’exercice de synthèse, voici un passage « traduit » du Petit Chaperon rouge : « Le loup arriva à l’objectif à H + 1. Il frappe : Boum boum. Halte-là, qui va là ? C’est le PCR, dit le loup en camouflant sa voix. Je vous apporte une RCIR, avec le pain de combat qui va bien. La grand-mère, qui était consignée en chambre parce que consultante, hurla : utilise le percuteur et l’extracteur cherra. Le loup obéit. La porte s’ouvre. A l’issue, le loup se jette sur la PMF et la dévore. » Finex ! (Fin de l’exercice.) Pooo !
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Egger Ph.