Des services secrets, nous ne savons que les échecs et rarement les succès. Si l'échec provoque l'anathème, l'ingratitude est fille de la victoire. Quand à la gloire, il faut l'oublier, elle est pour les autres...

lundi 7 septembre 2009

Etre adversaire potentiel de l’Amérique est le sort inéluctable de la Russie

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En ce début de septembre, les experts se sont mis à parler d’une crise politique dans le "redémarrage des rapports" entre Moscou et Washington, lit-on lundi dans le quotidien Nezavissimaïa gazeta.

Ces déclarations ne peuvent remettre en question les résultats positifs du semestre précédent. Toutefois il y a lieu de s’inquiéter. En effet, dans les deux dernières décennies, maintes déclarations, venant des dirigeants russes et américains, ont fusé sur la nécessité de surmonter l’héritage de la guerre froide, néanmoins on a vu que chaque nouvelle déclaration s’est fait suivre d’un nouveau conflit. Le "redémarrage" actuel risque aussi d’être suivi d’une confrontation.

La Russie et les Etats-Unis vivent une série de contradictions stratégiques dans leurs rapports apparues bien avant le début de la guerre froide et qui existent jusqu’à nos jours.

La politique de sécurité nationale des Etats-Unis reposait toujours sur l’opposition au plus puissant Etat d’Eurasie. Depuis les guerres de Napoléon, les Américains jugent nécessaire d’établir quel pays du Vieux Monde peut accomplir théoriquement une expédition transatlantique et ils cherchent à diminuer d’avance ses ressources. Aujourd’hui, la Russie est le seul Etat au monde capable, du point de vue technique, de détruire les Etats-Unis et de mener une guerre contre eux en employant des types d’armements similaires. De ce point de vue, elle est vouée à être un adversaire potentiel de l’Amérique.

Les Américains affirment que la Russie viole les conditions tacites du "grand contrat" du début des années 1990. Les Etats-Unis ont reconnu que la Russie était l’unique successeur de l’URSS, l’ont aidée à retirer les armes nucléaires d’Ukraine, de Biélorussie et du Kazakhstan et pour cela, lui demandent, en signe de reconnaissance, de réduire unilatéralement et rapidement son arsenal nucléaire. Mais Moscou a rejeté les variantes américaines des traités START-2 et START-3. Et on se demande si ce n’est pas par hasard que, tout de suite après, les Etats-Unis se sont mis à parler de la "corruption" du système russe.

Moscou et Washington ont une vision différente de la lutte contre les menaces transnationales. Pour nous, la lutte contre le terrorisme suppose des actions des services secrets. Pour les Américains, c’est le désarmement forcé des régimes dangereux, à leur avis. La Maison Blanche considère l’Iran, l’Irak et la Corée du Nord comme des précédents permettant d’adopter cette approche dans le droit international. Jusqu’où les Etats-Unis, vont ils employer cette stratégie ?

Ces tendances n’impliquent pas qu’un dialogue stratégique constructif soit impossible entre la Russie et les Etats-Unis. Mais le dialogue et un partenariat à part entière ne signifient pas la même chose. Pendant une période prévisible, tout réchauffement des rapports russo-américains aura des limites objectives.
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Alexeï Fenenko
chercheur à l’Institut des problèmes de la sécurité internationale
de l’Académie des sciences de Russie