Le procès vient de s’ouvrir. Mais comment cela a-t-il commencé ? Comment des hauts serviteurs de l’Etat, Premier Ministre en tête, ont-ils pu tremper dans un tel marécage de sordidités dont on croyait seuls capables les crocodiles les plus pourris ?
Lettres anonymes, révélations, déclarations avariées, mouillages de personnalités politiques, mensonges d’un des vice-patrons du CAC 40 secondé par des malfrats spécialistes en bidouillages bancaires et informatiques. Tout ce beau linge subtilement décrit par un général des services secrets se retrouve aujourd’hui devant les juges. On a, durant ces quatre années d’enquête, beaucoup perquisitionné et fantasmé pour qu’enfin la vérité soit sinon révélée du moins esquissée. Le président de la République, directement mis en cause, de la façon la plus abjecte, ne lâchera pas le morceau, il y aura du spectacle.
A l’origine de l’affaire : un listing nominatif de comptes bancaires, un établissement fiduciaire luxembourgeois Clearstream, des dates, des transactions…
Lettres anonymes
2004, un corbeau envoie des lettres anonymes à un juge l’informant que des personnalités politiques et industrielles détiennent des comptes secrets auprès de Clearstream, un établissement financier luxembourgeois. Fort de ces informations matérialisées par le fameux listing, le juge se jette sur l’ancien vice-président d’Airbus, lui enlève aussitôt sa ceinture et le met en garde à vue. Le gardé à vue, Philippe Delmas, est rapidement relâché avec les excuses du juge une fois la fausseté du listing établie. Il porte plainte pour dénonciation calomnieuse.
Le corbeau est rapidement repéré, c’est Jean-Louis Gergorin, le vice-président d’EADS. Jusque là, « tout va bien » ce serait une affaire de grands pontes de l’industrie française dont les rivalités auraient mal tourné. Mais voilà que Nicolas Sarkozy – on imagine sa colère - découvre que son nom figure à deux reprises sur le fameux listing, il porte plainte (il est alors ministre de l’intérieur).
Les juges qui instruisent l’affaire tombent alors sur les fameux carnets du général Rondot, attaché au ministère de l’intérieur, et découvrent sa prose, telle un carnet de bord, chronologiquement ordonnée et fabuleusement renseignée de notes qui, aujourd’hui, constituent la base sinon le pilier du procès.
Le corbeau et le faussaire
Gergorin, le corbeau, et Lahoud, le faussaire-informaticien, auraient avisé, courant 2003, le ministre des affaires étrangères de l’époque, Dominique de Villepin, de l’existence des listings bidouillés. Le général Rondot, sur intervention élyséenne, aurait été chargé de poursuivre son enquête le plus discrètement possible. Si on en croit ses notes, Dominique de Villepin, sachant pertinemment que les listes étaient fausses, aurait demandé à Gergorin d’en informer la justice.
Dominique de Villepin est désormais impliqué, très impliqué…
Les relations entre Sarkozy et de Villepin se frigorifient. Leurs échanges verbaux chauffent. On peut penser, à ce moment, que de Villepin savonne la planche de la course à l’Elysée de son petit camarade, ce que le ministre de l’intérieur croit dur comme fer.
Dominique de Villepin, poursuivi pour « complicité de dénonciation calomnieuse », clame son innocence, ce que son ancien collègue de gouvernement devenu aujourd’hui président, réfute. Il sera sur le banc des accusés avec Gergorin, Lahoud et les voleurs de vrais listing de chez Clearstream, deux sombres complices, Florian Bourges et Denis Robert.
Triste affaire et tristes sires...
"Pendre le coupable à un croc de boucher"
(Sarkozy)
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Louis Pinou