Des services secrets, nous ne savons que les échecs et rarement les succès. Si l'échec provoque l'anathème, l'ingratitude est fille de la victoire. Quand à la gloire, il faut l'oublier, elle est pour les autres...

mardi 18 juillet 2006

LE PROJET HARVEY

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Le "Projet Harvey", un programme d'étude pour la conception d'un nouvel avion de combat, indétectable au radar.

Cela a commencé à la fin de 1974, lorsque la "DARPA" ("Defense Advanced Research Projects Agency"), un organisme du Pentagone qui travaille pour la Défense dans la recherche sur les technologies de pointe, a démarré le "Projet Harvey", pour construire un avion furtif.(1)

Ce n'était pas réellement la première fois que l'ont voulu incorporé de la "furtivité" dans un avion. Au début des années 1960, les engins-cibles "Firebee" avait été modifié pour être plus perfomant pour la reconnaissance, comme les "Lightning Bugs" ou "Fireflies". Ils avaient été amélioré avec des fonctionnalités, pour en faire des avions militaires furtifs, y compris les blocs de "matériau absorbant radar" (RAM) sur les côtés du fuselage, et d'un treillis métallique sur la prise d'air pour masquer les lames du compresseur du moteur, ce qui tend à "briller" ou se "refléter" sur le radar pendant qu'il tourne, l'écho devient plus repérable. A la même époque, l'avion SR-71 "Blackbird" était un avion de reconnaissance qui avait été conçu pour être furtif un peu selon les mêmes procédés, mais il comptait en général, plus sur sa très grande vitesse (Mach 3,5), que sur sa "non-détection radar", pour éviter d'être abattu (d'autant plus qu'il ne disposait d'aucun armement).

La "DARPA" choisit qui seront les concepteurs du futur avion furtif.

L'objectif du Projet Harvey était plus ambitieux que les projets précédents, c'était celui de créer un avion capable de survivre seul et uniquement par l'avantage de sa furtivité.
DARPA avait au départ obtenu des contrats d'étude pour les firmes McDonnell Douglas et Northrop en Janvier 1975. Mais les fonctionnaires de Lockheed avaient eu vent du projet Harvey, et avaient insisté pour que sa participation soit retenu auprès de DARPA, en indiquant que les efforts de conception seraient payé sur les fonds de la société Lockheed. C'était un pari, mais cela a payé: Northrop et Lockheed ont été sélectionnés par la DARPA pour concevoir un démonstrateur furtif, le "XST" ("prototype d'essai expérimental survivable"), tandis que McDonnell Douglas avait été éliminé de la compétition.

Mais il faut bien préciser que les objectifs du programme n'incluaient pas la construction d'un démonstrateur de vol. Northrop et Lockheed étaient chargé de construire des maquettes à grandes échelles, qui seraient ensuite montées sur un poteau à la base de Holloman, au Nouveau-Mexique et soumis à des tests afin de déterminer l'efficacité de la "furtivité" de sa "signature radar" (RCS).

Les travaux sur le modèle prototype de Northrop (nom de code: "Senior Ice") ont été menée par une équipe de John Cashen, qui était venu à Northrop après avoir travaillé chez Hughes sur la façon dont les objectifs radar sont captés et sur les capteurs infrarouges, et Irv Waaland, un designer qui était venu de Grumman à Northrop. Bien que l'équipe de Lockheed pensait pouvoir utiliser un programme informatique, qui serait créer exprès, pour leur conception du "XST", il leur fallu faire autrement. Et Cashen avouera plus tard que Northrop n'avait en fait pas les moyens de concevoir un tel programme et avait alors travaillé jusqu'à la conception, en utilisant une combinaison d'analyses théoriques et de tentatives d'essais rudimentaires, par des expériences de base. La conception élaborée par Lockheed (nom de code: "Senior Peg"), se trouvait mieux répondre aux exigences demandées par un avion furtif. Lockheed avait également l'avantage de posséder une bonne connaissance de la technologie de la "furtivité", cette société ayant mis au point le SR-71. L'équipe de Lockheed avait donc réussit l'élaboration du "XST" en mars 1976, et a ainsi pût continuer son travail en construisant les deux maquettes prototypes.

Un modèle initial de prototype avait été testé à l'été 1977, avec des résultats décrit plus tard par Waaland, comme "désastreux". Un des membres de l'équipe de conception, Fred Oshira, repensa la conception trouva une solution, une nouvelle forme et un nouveau design qui a donné très peu d'écho, pour qu'un faisceau radar puisse l'accrocher. En avril 1978, la DARPA accorda finalement un contrat à Northrop pour la conception d'un seul demonstrateur de vol, ce projet prit le nom de "Tacite Blue".(2)

C'est donc le modèle proposé par Lockheed qui fût choisi. Mais sa construction se trouva dévolue à Northrop. Sans doute jugé plus apte à fabriquer un bombardier, que l'autre constructeur.(3)

Où l'US Air Force demande alors qu'il y est deux avions furtifs.

Un groupe de réflexion de l'US Air Force, après étude des possibilités d'exploitation des deux projets d'avions, recommanda alors que deux avions de combat furtifs devraient être construit. Il y aurait désormais une voie de développement rapide pour le démonstrateur de Lockheed, qui serait un chasseur-bombardier (le futur "F-117") et un développement de l'avion "B" (le futur "B-2") qui serait un bombardier, plus grand et avec plus de possibilités que prévue au départ, mais qui prendrait aussi plus de temps à développer.

Donc, les deux firmes furent misent à contribution, non plus pour mettre au point le prototype d'un même appareil, mais bien de concevoir deux avions différents.

La conception du B-2 a donc changé, avec pour objectif de développer une gamme bombardier lourds. Le Pentagone s'intéressa au projet de Northrop, qui leur amena deux propositions, dont l'une, concoctée par le designer Hal Markarian, qui les intéressa beaucoup (4). C'est ainsi que Lockheed se trouva retenu pour l'élaboration d'un autre avion furtif, ce projet reçu le nom de "Senior Trend" et il aboutira au futur "F-117 NightHawk".(5)

Les choix de la DARPA, du Pentagone ou encore de l'US Air Force peuvent paraitre quelques fois étranges. Enfin, les firmes y gagnèrent toutes les deux un nouveau contrat, avec un nouvel avion à construire et y trouvèrent finalement chacune leur compte.

Le bombardier B-2 accompagné par deux F-117





(1) Du nom d'un personnage de dessin animé, un gros lapin blanc qui était invisible.

(2) Pour plus de renseignements sur le développement du B-2, voyez "Les Black Program: Le Projet Tacite Blue".

(3) Lockheed, de son côté, avait tout de même tenté quelques propositions, l'une étant une étude de prototype, qui ressemblait un peu au F-117, mais alors en beaucoup plus grand.

(4) Qui, après plusieurs modifications, finira par donner le premier prototype, désigné par le nom de code de "Have Blue".

(5) Pour plus de renseignements sur le développement du F-117, voyez "Les Black Program: Le Projet Senior Trend".

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