Des services secrets, nous ne savons que les échecs et rarement les succès. Si l'échec provoque l'anathème, l'ingratitude est fille de la victoire. Quand à la gloire, il faut l'oublier, elle est pour les autres...

dimanche 4 mai 2003

Les hauts lieux du IIIème Reich

.
Eben Emaël, une forteresse inexpugnable

Construit entre 1932 et 1935 par l’Armée belge pour verrouiller la frontière entre Liège et Maastricht face à la menace allemande, le fort d’Eben Emaël contrôle directement le confluent de la Meuse et du canal Albert dont il interdit le franchissement. Sa conception, ultra moderne pour l’époque, est un modèle du genre et il est cité en exemple à travers toute l’Europe durant les années 1930. La forteresse, qui s’étend sur plus de 700 m d’est en ouest et sur 900 m du nord au sud, occupe une éminence rocheuse qui domine la partie la plus importante du canal Albert . Une imposante carapace de béton armé protège les organes de combat affleurant en surface, mais la partie vitale est constituée par des installations et des galeries souterraines qui courent sur plus de 66 hectares sous le plateau. A l’est, la position est défendue par un à-pic de 40 m qui surplombe la profonde saignée du canal Albert, interdisant toute escalade. Au nord-ouest, les ingénieurs ont surélevé le lit de la rivière Jeker et renforcé la défense par une tranchée aux remblais abrupts. Les approches sont barrées par un large fossé inondé flanqué par une casemate. Au sud et à l’ouest, le terrain, moins exposé car tourné vers la Belgique, se trouve au même niveau que la plaine environnante, si bien que les Belges ont élevé un mur de 4 m de haut et creusé une large tranchée antichar ceinturant la position. Etablie sur plusieurs niveaux, la forteresse comporte pas moins de 64 positions renforcées disposant d’un armement très varié. L’artillerie de l’ouvrage comprend quatre casemates triples, armées chacune de trois pièces de 75mm, qui couvrent un secteur de feu différent. A cela s’ajoutent deux tourelles à éclipse équipées chacune de 2 pièces de 75 mm, capables de tirer tout azimut pour défendre notamment le canal et les ponts sur la Meuse. Et comme si cela ne suffisait pas, les Belges ont installé au milieu du vaste plateau sommital une énorme coupole cuirassée armée de 2 pièces de 210 mm qui permet de battre la région sur 360°. Des casemates armées de canons antichars et de mitrailleuses protègent le périmètre de l’ouvrage, auxquelles s’ajoutent de nombreuses cloches blindées permettant le tir ou l’observation. Toute les pièces sont protégées par de lourds cuirassements en acier et par d’épaisses masses couvrantes en béton armé, avec des secteurs de feu préparés. Certains des cuirassements atteignent 300 mm d’épaisseur. Des champs de mines et de longs réseaux de fils de fer barbelés complètent la défense du périmètre, pour canaliser tout assaillant vers des blockhaus hérissés de canons antichars et de mitrailleuses. L’entrée principale, au nord-ouest, s’ouvre à contrepente, au point le plus éloigné du canal. La garnison, qui comprend en théorie un effectif de 1200 hommes, est commandée par le major Jottrand. L’ensemble est si bien conçu et si puissamment armé que le fort est jugé inexpugnable par les militaires et les spécialistes de l’époque. Toutefois, si l’ouvrage semble parfaitement en mesure de résister aux bombardements les plus violents et à des assauts terrestres massifs, la possibilité d’une attaque aéroportée semble avoir été totalement oubliée.

Les concepteurs ont notamment négligé la défense rapprochée des installations de surface. Les mines, les tranchées et les réseaux de barbelés sont inexistants sur le plateau sommital qui forme la superstructure de l’ouvrage. Quant à la défense antiaérienne, elle est réduite à sa plus simple expression avec seulement trois affûts doubles. Les Allemands, qui connaissant cette faiblesse, décident de l’exploiter pour neutraliser le fort par une attaque aérotransportée destinée à surprendre et à paralyser les défenseurs. L’opération, dont dépend le déroulement de la campagne à l’ouest, est vitale pour la réussite du Fall Gelb. Elle doit intervenir dans les premières heures de l’attaque, de façon à ouvrir la voie pour les troupes terrestres traversant les Pays-Bas. Etant donné son caractère délicat, elle est confiée aux célèbres Fallschirmjägerkorps du général Kurt Student. Mais cela est une autre histoire que vous pourrez découvrir sur ce site dans le sujet intitulé « 10 mai 1940 : l'assaut d'Eben Emaël»…


Wewelsburg - Ordensburg SS

Dès son arrivée à la tête de la S.S, Heinrich Himmler caressa le projet de doter l’Ordre Noir d’un centre digne de ce nom, d’où l’ordre pourrait rayonner sur le futur Reich millénaire et étendre progressivement son ombre sinistre sur la « nouvelle Europe ». Féru de culture nordique, de traditions germaniques, de mystique païenne et d’occultisme, le Reichsführer se mit donc à la recherche d’un lieu mystique qui soit digne de rivaliser avec la forteresse de Marienburg, l’ancien « Ordensburg » des Chevaliers Teutoniques, situé en Prusse orientale. Cet ancien ordre religieux de moines guerriers, qui vivait l’épée à la main et s’enfermait derrière de lourdes forteresses au milieu des sombres forêts de l’est, fascinait littéralement le Reichsführer S.S. Au Moyen Age, les chevaliers Teutoniques avaient en effet conquis d’immenses territoires sur les Slaves et les Baltes, alors païens, repoussant d’autant les frontières du monde germanique. Ils avaient conquis la Poméranie, germanisé la Prusse, exterminé les peuplades baltes, repoussé ou assujetti les Slaves… Le parallèle était évident avec les projets du Führer visant à conquérir d’immenses territoires jusqu’à l’Oural pour doter l’Allemagne nazies d’un espace vital (« Lebensraum ») qui en ferait la première puissance mondiale...

Pour Himmler, l’ordre S.S. était donc appelé à marcher dans les pas des Teutoniques et à reprendre en quelque sorte la tâche laissée inachevée par les moines guerriers un demi-millénaire plus tôt… Il envisageait pour l’Ordre Noir un avenir radieux dans le futur Reich millénaire promis par le Führer, sous le symbole du « soleil noir » de la svastika…
Les anciens Teutoniques arboraient comme signe de reconnaissance une croix noire pattée sur fond blanc, symbole repris au 20e siècle par l’armée allemande sous le nom de « croix balkanique ». Les S.S., pour leur part, arboraient deux runes nordiques blanches sur fond noir, par référence à la mythologie scandinave et à la prétendue pureté « germanique » de leur sang « aryen »… Quant au IIIe Reich, Hitler avait choisi le symbole solaire de la Svastika (ou croix gammée), vieux symbole païen dont la diffusion très large, de la façade Atlantique au lointain et mystérieux Tibet, était tenue par les idéologues S.S. pour une preuve de l’ancienne migration des « Aryens ».

Le château du nouvel « Ordre Noir »

La quête d’un haut lieu mystique destiné à abriter le futur Ordensburg du nouvel Ordre Noir du IIIe Reich débuta dans la première moitié des années 1930, après la prise du pouvoir par les Nazis. Cette mission fut confié par Himmler au S.S. Gruppenführer Karl Maria Wiligut, le conseiller personnel du Reichsführer pour les questions ésotérique. Wiligut se mit donc à arpenter le territoire du Reich à la recherche de l’endroit idéal. Après de nombreuses discussions avec le Reichsführer der S.S., le choix se porta finalement sur le Wewelsburg, un ancien château-fort ruiné situés près de Paderborn (Westphalie) que Wiligut avait découvert au cours de sa prospection. Non seulement le château occupait une position centrale par rapport au territoire du IIIe Reich, mais il présentait en outre un plan très particulier et unique en son genre en Allemagne, en forme de triangle (les angles correspondant à de fortes tours rondes).

Himmler, toujours avide de mysticisme, y voyait un symbole. Mais ce qui emporta l’adhésion du Reichsführer fut la révélation, par les idéologues de la S.S., que l’origine du Wewelsburg remontait à l’époque de Heinrich Ier, roi de Franconie, considéré dans l’historiographie allemande comme le véritable fondateur du premier empire germanique (Ier Reich). Le symbole était lourd de sens et tenait d’autant plus à cœur à Himmler que le Reichsführer vouait un véritable culte au roi Heinrich Ier qui portait le même prénom que lui. Il voyait dans ce fait un signe du destin et la preuve que lui-même était appelé à jouer un rôle primordial aux côtés du Führer dans la consolidation du IIIe Reich allemand et dans l’avènement d’un nouvel ordre mondial… En 1934, Himmler ordonna d’acquérir le Wewelsburg pour 100 ans auprès du district de Büren, afin de le rénover et de le transformer. Des fonds importants furent aussitôt débloqués par le bureau central de la S.S., à Berlin. Dès 1935, le Reichsführer imposa un moratoire sur les divers projets prévus pour le Wewelsburg et décida d’en faire le futur centre politique, militaire et religieux du pouvoir de l’Ordre Noir…En conséquence, le château fut incorporé dans la compétence personnelle exclusive du « Reichsführer der S.S »… Himmler était pressé, car il souhaitait pouvoir célébrer dès 1936 dans son nouvel « Ordensburg » le jubilé du millénaire de la mort du roi Heinrich Ier (919-936). La date des festivités fut officiellement fixée au 2 juillet 1936 et Himmler débloqua de nouveaux crédits pour financer la cérémonie, conjointement avec la ville de Quedlinsburg.

L'« Ordensburg » du S.S. Führerkorps

D’importants travaux furent entrepris au Wewelsburg dont la ruine fut entièrement remise en état et passablement transformée. Sur ordre de Himmler, le château fut littéralement truffé de symboles païens ou prétendument aryens, et la décoration incorpora de nombreux éléments ou tableaux ésotériques évoquant le mythologie nordique, la quête du Graal ou encore les vieilles légendes germaniques du cycle des Nibelungen (Siegfried). Car le château était appelé, après la victoire finale, à devenir le centre névralgique de l’ « Ordre Nouveau », du nouveau monde germanique et du IIIe Reich triomphant.. De là, le « soleil noir » de la S.S. était appelé à rayonner non seulement sur le futur Reich millénaire, mais sur l’ensemble de la « Festung Europa », voire sur le monde entier… C’est dans les murs du Wewelsburg que Himmler réunit tous les hauts gradés de la S.S. du 11 au 15 juin 1941, pour leur annoncer, en primeur et sous le sceau du secret, le déclenchement prochain de l’opération « Barbarossa » : l’invasion de l’Union soviétique par les troupes allemandes. C’est également durant ce « Gruppenführertagung » devant l’élite suprême de l’ordre S.S., que le Reichsführer développa les projets du Führer pour le futur du Grand Reich et qu’il dévoila le véritable but de l’opération à l’Est : asservir et exterminer la population des pays slaves, soit environ 30 millions de personnes qualifiés de « Untermenschen », afin de permettre au nouveau Reich de s’étendre vers l’Est jusqu’à l’Oural pour exploiter et coloniser ces vastes territoires à son profit… C’est au Wewelsburg qu’ont été évoqués pour la première fois en public, devant une assistance triée sur le volet, les camps de la mort, les chambres à gaz et les sinistres fours crématoires qui allaient malheureusement devenir une réalité dès l’année suivante… En tant qu’ « Ordensburg » officiel de l’ordre S.S., le Wewelsburg peut donc être considéré comme le point de départ de la sinistre politique d’extermination pratiquée par le régime nazi, qui fut mise en œuvre par les S.S. dans les camps de la mort…Le château était également appelé à devenir le centre spirituel de la nouvelle religion païenne et germanique prônée par Himmler. Il devait également servir de représentation pour le S.S. Führerkorps et de lieu de réunion pour les grandes manifestations de l’Ordre Noir du Reichsführer. Ses sous-sols abritaient également divers services de l’Ahnenerbe » (société pour les Ancêtres »).

Himmler ordonne la destruction du Wewelsburg

En mars 1945, lorsqu’il devint évident que le IIIe Reich et le régime nazi allaient disparaître sous les coups des Russes et des Alliés occidentaux, Himmler ordonna au S.S. Hauptsturmführer Heinz Macher de raser le Wewelsburg : il ne fallait à aucun prix que le château de l’Ordre Noir tombe pas intact aux mains des troupes américaines qui progressaient rapidement vers l’Elbe. Des charges de destruction explosives furent installées par les S.S. en divers endroits et mises à feu, mais seules certaines parties du château furent détruites, notamment dans la tour nord. En revanche, le dynamitage transforma l’ « Ordensburg » en un gigantesque brasier qui ravagea l’ensemble du château, détruisant la majeure partie de la bâtisse et tous les trésors qu’il contenait.

Le Wewelsburg aujourd'hui

Aujourd’hui, le château a été entièrement restauré et a retrouvé tout son éclat d’antan. Une aile du bâtiment abrite l’une des plus belles auberges de jeunesse d’Allemagne tandis qu’une autre a été transformée en musée régional du territoire de Paderborn. De la période sombre où il servait d’ « Ordensburg » du S.S. Führerkorps, le bâtiment ne conserve que peu de choses. La plupart ont été détruites dans l’incendie ou enlevées après-guerre.

Scaramouche…