Des services secrets, nous ne savons que les échecs et rarement les succès. Si l'échec provoque l'anathème, l'ingratitude est fille de la victoire. Quand à la gloire, il faut l'oublier, elle est pour les autres...

lundi 5 mai 2003

Les armes "V" du IIIème Reich

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Dans leur arsenal secret d'« armes miracles », les Nazis ne se contentèrent pas de développer des avions à réaction et des intercepteurs-fusées. Les ingénieurs et techniciens du IIIe Reich furent également les premiers à mettre au point les premiers missiles opérationnels de l'histoire, ancêtres lointains des fusées balistiques intercontinentales, des missiles de croisière actuels et des lanceurs spatiaux modernes.

Bien que paraissant primitives en regard de la technologie d'aujourd'hui, ces armes autoguidées étaient redoutables et à juste titre fort redoutées. Il convient de ne pas les sous-estimer si l'on veut réellement prendre la mesure de l'avance que les Allemands avaient acquis dans ce domaine de pointe.

Une fois lancées, il n'était plus possible de les rappeler ou de les détourner de leurs objectifs et encore moins de les intercepter. Elles étaient capables de se diriger toute seules vers leur cible et de frapper l'ennemi à grande distance, selon une trajectoire prédéfinie, avec une marge de précision et une force destructrice considérable pour l'époque.

Mais le plus terrifiant était qu'elles frappaient aveuglément et sans discernement, n'épargnant ni les enfants, ni les vieillards, ni les nouveaux nés, semant la mort, le chaos et la destruction… Elles tombaient sans prévenir et frappaient comme l'éclair, au hasard, sans qu'aucun indice n'annonce la mort imminente qui fondait du ciel. L'instant précédent, tout était normal. L'instant suivant, un quartier entier avait été rasé et des centaines de civils tués ou blessés. Seuls subsistaient un énorme amas de décombres fumants et un monstrueux cratère à l'endroit où le missile avait percuté la surface du globe.

En pilonnant massivement les Alliés au cœur de leur territoire et en frappant aveuglément les grandes agglomérations urbaines où se concentraient la plus forte densité de la population, l'effet recherché par Hitler était avant tout moral et psychologique. Le but avoué était de terrifier les populations, de frapper d'épouvante les esprits, de désorganiser progressivement la machine de guerre anglo-américaine. L'objectif était de paralyser les gouvernements alliés pour les obliger, à terme et sous la pression de l'opinion publique, à traiter avec l'Allemagne dans la perspective d'obtenir une paix séparée... Dès lors, le IIIe Reich aurait eu tout le loisir de retourner ses forces contre les troupes russes pour écraser l'Union soviétique dans les steppes asiatiques. Du moins était-ce ce qu'espérait et croyait Hitler.

En réponse au « V » pour Victory proclamé par le premier ministre britannique Winston Churchill, Hitler décida, par bravade et sur proposition du Dr. Joseph Goebbels (ministre de la propagande du Reich) de baptiser ces armes terrifiantes Vergeltungswaffen. Ce terme signifie « armes de représailles ». Elles étaient désignées officiellement par le sigle « V », abréviation de l'initiale du nom, conformément au code adopté par la nomenclature allemande.

Parmi ces armes spéciales, les plus élaborées furent le V1, le V2 et le V3.

Le V1 (ou Fi-103) est sans doute la plus célèbre et la mieux connue. Il s'agissait d'une bombe volante autoguidée, propulsée par un pulsoréacteur. Le V2 (ou A4) était une véritable fusée balistique à carburant liquide, d'une conception très sophistiquée et dont le développement, après-guerre, donna naissance aux lanceurs spatiaux américains (Apollo), soviétiques (Soyouz) et européens (Ariane). Quant au V3, de son vrai nom « Hochdruckpumpe » ou « Tausendfüssen » (mille pattes), il s'agissait d'un gigantesque canon à très longue portée pointé sur le cœur de la capitale londonienne et qui recourait à une technologie absolument révolutionnaire. Lui aussi eut une lointaine descendance, puisque le dictateur Saddam Hussein tenta, à la fin des années 1980, de construire un canon inspiré des travaux allemands pour pilonner depuis l'Irak la capitale honnie de l'Etat d'Israël. L'affaire fut éventée et les sections du canon interceptées par les douanes européennes.

L'apparition soudaine et inopinée de ces armes « V » sur le champ de bataille, à partir de juin 1944, frappa de stupeur les Alliés et causa pas mal de souci aux stratèges britanniques et américains. Elle bouleversa la guerre et provoqua, en réaction, la mise sur pied de la plus grande opération de la seconde guerre mondiale, baptisée « Crossbow », visant à détecter, frapper et détruire tout ce qui avait un rapport quelconque avec ces armes révolutionnaires.

Engagées plus tôt, en plus grand nombre et massivement, elles auraient pu changer le sort des armes, modifier l'issue de la seconde guerre mondiale et bouleverser le devenir de la planète… Par chance pour l'humanité, elles arrivèrent trop tard et en trop petit nombre, alors que le IIIe Reich était déjà au bord de l'écroulement et que la chute du Führer était irrémédiable… On n'ose imaginer ce qui aurait pu se passer si Hitler n'avait pas rechigné si longtemps à accorder la priorité absolue à ces armes.


Le V1

La première et sans doute la plus célèbre des armes « V » fut le V1 : une bombe volante sans pilote, catapultée au moyen d'une rampe de lancement et qui se dirigeait en ligne droite et à moyenne altitude vers sa cible.

Contrairement au V2 qui était une véritable fusée balistique à carburant liquide, le V1 était un missile plus rustique, propulsé par un simple pulsoréacteur. La charge emportée était plus ou moins équivalente à celle du V2, à savoir près d'une tonne d'explosifs à haut pouvoir brisant. Une fois le V1 parvenu au-dessus de son objectif, une impulsion électrique commandait sa mise en piqué et l'arrêt brutal du réacteur, provoquant ainsi la chute du missile qui plongeait silencieusement vers sa cible et explosait au moment de l'impact. L'effet était dévastateur et les dégâts considérables vu l'incroyable puissance destructrice de l'effet de souffle. Le bruit pétaradant du V1, comparable à celui d'une motocyclette mal réglée, en vint rapidement à terrifier les populations de l'Angleterre, de la Belgique et du nord de la France qui payèrent un très lourd tribut à cette arme de représailles.

Hitler avait prévu d'utiliser le V1 massivement et à grande échelle, en combinaison avec d'autres armes miracles, notamment le « V2 » et le « V3 ». L'offensive V1, prévue initialement pour la fin de l'année 1943, fut ajournée plusieurs fois. Elle débuta finalement dans la nuit du 12 au 13 juin 1944 et se poursuivit sans interruption jusque en avril 1945. On estime qu'elle fit au total plus d'un millier de victimes, causant de graves dégâts aux bâtiments et aux agglomérations urbaines. Les principales cibles visées furent Londres, Anvers et Liège, mais l'offensive V1 affecta également un grand nombre d'agglomérations du sud de l'Angleterre, du nord de la France et de la Belgique, comme Paris, Bruxelles ou encore Lille.

Si le V2 fut la première fusée balistique à voler au monde, on peut affirmer que le V1 fut le premier véritable missile de croisière de l'histoire. C'est son histoire que nous vous proposons dans cette rubrique. Les différents aspects techniques du V1 et de sa mise en œuvre opérationnelle seront abordés progressivement au fil du temps, au fur et à mesure que de nouveaux sujets seront mis en ligne. Cela prendra évidemment du temps. C'est pourquoi nous vous incitons à revenir régulièrement consulter cette rubrique pour découvrir de nouveaux aspects de cette « arme miracle ».


Le V1 - Concept général

Parmi les armes miracles (Wunderwaffen), le V1 occupe une place spécifique du fait de sa sinistre renommée et de sa forme caractéristique. Son étrange silhouette s’explique par le fait qu’il a été impossible d’intégrer le système de propulsion dans le corps de la cellule, faute de place. Les concepteurs se sont donc contentés d'installer le pulsoréacteur au-dessus du corps de la bombe volante, en le décalant fortement vers l’arrière, ce qui confère au V1 un aspect insolite, à nul autre comparable. Le corps de la cellule, construits en tôles d'aciers, est compartimenté en plusieurs parties que nous détaillerons par la suite. Il se présente sous la forme d’un long fuseau cylindrique effilé aux deux extrémités, terminé à l'avant par un cône. Ce cône abrite une sphère de bois renfermant le compas magnétique chargé de fournir les indications de cap aux instruments de vol. A l’avant du nez se trouve une petite hélice actionnée par le vent relatif engendré par le déplacement du missile: le Loch. Il sert à mesurer la distance parcourue par la bombe volante.

Le deuxième compartiment du corps de la bombe renferme l'ogive tactique, constituée d’un explosif brisant de forte puissance. Pour éviter qu'un V1 ne tombe intact aux mains des Alliés, le système d'amorçage de la charge est triplé: il comprend 3 détonateurs à fusées distincts. Cette redondance garantit une explosion dans tous les cas de figure, y compris en cas de crash prématuré sur le ventre ou d’une défaillance des détonateurs à percussion.

Le compartiment central abrite le réservoir de carburant. Il est traversé de part en part par un montant vertical sur lequel est soudé un manchon horizontal servant à emboîter les ailes. Ce montant vertical est terminé à sa partie supérieure par un té de levage qui facilite la manutention du missile. Sa base est prolongée par le sabot ventral renforcé, servant à accrocher le V1 sur le berceau de lancement de la catapulte.

La voilure du V1 est démontable pour faciliter son transport jusqu'au front et sa manutention sur les bases de lancement. Elle est constituée par deux ailes droites qui viennent s’emboîter dans un manchon horizontal traversant le réservoir.

Le compartiment situé directement en arrière des ailes renferme deux réservoirs sphériques contenant de l’air comprimé. Celui-ci est non seulement nécessaire au bon fonctionnement des instruments de vol et de guidage, mais sert également à relayer les ordres du pilote automatique aux gouvernes de vol, par le biais de servocommandes.

Derrière ces 2 sphères se trouvent les batteries alimentant les circuits électriques, la pompe d’injection du carburant et la tubulure renfermant le système d’alimentation du pulsoréacteur.
Les instruments de vol et de guidage, comprenant le pilote automatique, sont regroupés dans le compartiment arrière du fuselage, ainsi que le compteur électrique chargé de déclencher la chute du V1 sur sa cible.

La queue de la cellule abrite les servocommandes relayant les ordres du pilote automatique aux gouvernes.

L’empennage comprend une dérive verticale équipée d’un gouvernail de direction et un stabilisateur horizontal muni de deux volets de profondeur.

Le pulsoréacteur, perché au-dessus de la cellule, se présente sous la forme d’un long tube cylindrique de forme convergente-divergente. De l’avant vers l’arrière, il comprend une entrée d’air frontale, une grille d’admission munie de clapets de venturi et d’injecteurs, une chambre de combustion, un propulseur et une longue tuyère faisant office de détendeur, qui permet l’éjection brutale des gaz de combustion engendrant la poussée.

Cet ensemble disparate compose le V1 qui constitue le premier missile de croisière à guidage automatique de l’histoire…


Le V1 - Les précurseurs

Le concept du pulsoréacteur utilisé pour propulser le V1 n'a pas été inventé par les Allemands. Son principe de fonctionnement théorique avait déjà été énoncé au début du 20ème siècle et plusieurs brevets déposés dans différents pays européens :

1907 : Viktor de Karavodine dépose un brevet français pour un pulsoréacteur à clapets très similaire à celui qui sera développé 35 ans plus tard par la firme allemande ARGUS pour propulser le V1.

1909 : Le Belge George Marconnet dépose un brevet pour un système de propulsion très semblable, basé également sur le concept vibratoire d'un pulsoréacteur à clapets. Un second brevet sera déposé une année plus tard en France.

1913 : René Lorin, officier d'artillerie français, publie dans la revue L'aérophile un article intitulé « Propulseur par réaction directe » qui fait grand bruit en Allemagne et qui servira de base de départ aux futurs chercheurs allemands.

1919 : Lorin, publie un ouvrage de référence intitulé « L'air et la vitesse » où il résume ses recherches. Dans ce livre, il développe ses idées élaborées durant la première guerre mondiale au sujet d'un avion sans pilote, stabilisé par un gyroscope, guidé par avion et propulsé par un pulsoréacteur. C'est, à quelques différences près, le concept même du futur V1

L'idée de propulser un missile guidé au moyen d'un pulsoréacteur existait donc en germe depuis au moins une trentaine d'années. Si la théorie était connue, il restait à la concrétiser dans les faits, en résolvant les nombreux problèmes techniques inhérents à toute nouvelle invention. Le mérite en revint aux ingénieurs et techniciens allemands qui surent relever avec succès ce défi technologique. Leurs recherches furent favorisées et soutenues en secret par les milieux proches de l'armée allemande et par la grande industrie, qui cherchaient par tous les moyen à « contourner » les clauses du « Diktat de Versailles », notamment en favorisant toute innovation technique qui permettrait de propulser un obus sans canon.

En Allemagne, la première impulsion fut donnée par l'ingénieur allemand Paul Schmidt, spécialiste de la dynamique des fluides, qui commença dès 1920 à travailler à Munich sur le projet d'un pulsoréacteur baptisé SR 500, développant 450 kg de poussée. Il fut suivi par Eugen Sänger qui étudia dès juillet 1930 un projet assez proche baptisé Lorin-Triebwerk, fortement inspiré des travaux du Français Robert Lorin, correspondant en fait à un statoréacteur.
Il en résulta, vingt ans plus tard, le « V1 » qui fut – on l'oublie trop souvent - le premier missile de croisière de l'histoire…


Les origines du V1

Le projet « ERFURT »

24 avril 1930 L'Allemand Paul Schmidt, ingénieur en dynamique des fluides, dépose un brevet pour un pulsoréacteur baptisé SR 500, développant 450 kg de poussée. Il obtient aussitôt l'aide financière du DEUTSCHE VERSUCHSANSTALT FÜR LUFTFAHRT (DVL) pour développer un projet de torpille volante de 7,15 m de longueur, 3,12 m d'envergure, capable de voler à 800 km/h.

1930 - 1939 Les recherches de Paul Schmidt sur le pulsoréacteur progressent à grands pas mais son projet de torpille volante n'aboutit pas. L'idée est reprise par l'équipe de recherches de ARGUS MOTOREN Gmbh de Berlin, qui travaille elle aussi au développement d'un pulsoréacteur susceptible d'atteindre 700 km/h, sous la direction des ingénieurs Fritz Gossau et Günther Diedrich.

1939 Pour résoudre l'épineux problème de la maîtrise et de la canalisation de l'énorme puissance fournie par leur pulsoréacteur, ARGUS décide finalement d'intégrer le professeur Schmidt à l'équipe de recherches de Fritz Gossau et Günther Diedrich.

9 sept. 1939 ARGUS présente au Reichsluftfahrtministerium (RLM) un projet de torpille volante dans le cadre du programme ARGUS FERNFEUER (tir à distance). L'engin, baptisé simplement LUFTTORPEDO, est prévu avec 3 variantes: Les versions 1 et 2 projetées devraient être équipées d'une hélice développant 500 ch à 5 000 mètres, capable d'emporter une charge de 1 tonne à une vitesse de croisière espérée de 700 km/h. La version 3 serait munie d'un pulsoréacteur type As 410 fournissant 150 kg de poussée pour une vitesse espérée de 750 km/h. Le guidage de la bombe se ferait, pour les 3 versions, à partir d'un avion d'accompagnement développé dans ce but par la firme ARADO. Le déclenchement de la guerre en mai 1940 mit un terme à ce projet, vu les nouvelles priorités.

Mai 1940 Le déclenchement de la seconde guerre mondiale entraîne l'abandon du projet « ERFURT », vu les nouvelles priorités dictées par les nécessités militaires.

Le projet « ERFURT P.35»

Mai 1940 Abandon du projet « ERFURT », vu les nouvelles priorités dictées par le déclenchement de la seconde guerre mondiale. La société ARGUS décide néanmoins de poursuivre le développement du pulsoréacteur prévu pour la torpille volante, afin d'en augmenter la puissance.

28 avril 1941 Fonctionnement avec succès d'un premier pulsoréacteur de 120 kgp sous le ventre d'un biplan Gotha Go-145.

été 1941 Les premières tentatives d'essai pour propulser des planeurs DFS 230 avec 2 pulsoéracteurs installés en tandem se heurtent au problème des vibrations causées à la cellule par le fonctionnement des pulsoréacteurs.

1941 Pour concrétiser ses efforts, la société ARGUS MOTORWERKE décide de s'associer avec la firme FIESELER FLUGZEUGENBAU, de Kassel, en vue de proposer une version viable du projet avorté « ERFURT ». Le nouveau concept, baptisé projet « ERFURT P.35 » vise à concevoir une bombe volante capable d'emporter à 700 km/h une charge tactique de 1 tonne d'explosifs à 300 km de distance. Le dessin de la cellule et la conception de l'engin sont confié à l'ingénieur Robet Lusser, du bureau des projets de la société FIESELER. Il est prévu de tirer le missile au moyen d'une rampe de 25 mètres équipée d'une catapulte fournissant une accélération brutale de 15 G. Le projet initial prévoit une bombe radioguidée (la conception des instruments de radioguidage sont confiés à la firme LORENZ), mais devant les difficultés rencontrées, le projet est simplifié: au lieu d'être radioguidée, la bombe sera simplement équipée d'un pilote automatique, donc autoguidée.

27 juin 1941 Un document du Reichsluftfahrtministerium, frappée du sceau du secret et signé par le maréchal Udet, présente une première ébauche de la bombe volante. Cette esquisse du projet « ERFURT P.35 » se distingue du futur V1 par des ailes fortement relevées en V et par un empennage doté de deux dérives verticales.

mars 1942 ARGUS intensifie ses recherches commencée en 1940 pour parvenir à finaliser le pulsoréacteur destiné à propulser la torpille volante développée par FIESELER.

27 avril 1942 Aboutissement final du projet « ERFURT P.35 » . Le concept définitif est propulsé par un pulsoréacteur As 109-014 développant une poussée de 350 kgp. L'engin est officiellement baptisé FIESELER Fi-103, d'après le nom du constructeur aéronautique de la cellule de la bombe volante, conformément au code de nomenclature pratiqué par la Luftwaffe. Il ne prendra le nom de V1 qu'en 1944, sur ordre direct de Hitler, après avoir été rebaptisé FLAKZIELGERÄT-76 (FZG-76) en 1943


Le V1 - Développement

27 avril 1942 : Après avoir subi plusieurs modifications, le projet de bombe volante « ERFURT P.35 », développé en commun par FIESELER (ing. Robert Lüsser) et ARGUS (ing. Günther Diedrich, Fritz Gosslau et Manfred Christian), aboutit enfin à une solution viable et réalisable. L’engin est officiellement baptisé FIESELER 103 (Fi-103), conformément à la nomenclature aéronautique allemande (nom du constructeur + numéro d’ordre).

10 juin 1942 : Les représentants des firmes FIESELER et ARGUS sont convoqués à Berlin au Reichsluftfahrtministerium pour présenter le concept de la bombe volante Fieseler Fi-103 au Generalfeldmarschall Erhard Milch, inspecteur général de la Luftwaffe et Secrétaire d’Etat à l’Aviation.

19 juin 1942 : La décision de développer sans tarder le Fi-103 au centre de recherches de La Luftwaffe de Peenemünde-West est officiellement entérinée à Berlin par le Generalfeldmarschall Milch. Le projet, utlra secret, est classé prioritaire sous le nom de code « KIRSCHKERN » (noyau de cerise), dans le cadre du programme global d'armes spéciales « VULKANSPROGRAMM ». On décide d'associer deux nouvelles firmes au développement de la bombe volante: ASKANIA pour la conception du pilote automatique (Ingénieurs Hermann Pöschl et Kurt Wilde) et HANS WALTER KIEL pour la conception de la catapulte pneumatique.
27 août 1942 : Pour des raisons de préservation du secret, la poursuite du développement du missile Fi-103 est officiellement transférée au centre de recherches secret de La Luftwaffe de Peenemünde-West (ERPROBUNSTELLE DER LUFTWAFFE KARLSHAGEN), sous la supervision de l'ingénieur en aéronautique Rudolph Bree. Le Generalleutnant Walther von Axthelm, commandant en chef de la FLAK allemande, est nommé responsable en chef du projet « KIRSCHKERN ».

30 août 1942 : Robert Lüsser, ingénieur de la société FIESELER FLUGZEUGENBAU, achève la construction de la cellule du premier prototype pour pouvoir procéder à une première évaluation du pulsoréacteur ARGUS As 109-014 développé par ARGUS MOTORWERKE et fournissant 350 kgp de poussée.

1er sept. 1942 : 1ère évaluation de la cellule équipée d’une tuyère expérimentale sous le ventre d’un Messerschmitt Me-109, puis d’un Me-110. Elle révèle que l’aérodynamisme de la tuyère expérimentale pose de graves problèmes à grande vitesse et doit être modifiée.
28 octobre 1942 : A Peenemünde, on procède au premier essai en vol plané d’un Fi-103 non motorisé, largué en altitude par un quadrimoteur Focke-Wulf Fw-200 « Kondor ». La cellule se comporte parfaitement et répond aux attentes du constructeur. Durant l’automne, on procède parallèlement à un essai de catapultage d’une cellule dépourvue d’aile mais avec moteur allumé.

10 déc. 1942 : Un Fzg-76 est suspendu sous un quadrimoteur Focke-Wulf Fw-200 « Kondor » pour procéder en vol à un premier test de la cellule avec pulsoréacteur allumé. L’engin n’est pas largué mais le résultat est concluant. Parallèlement, la firme RHEINMETALL BORSIG est chargée de construire une première catapulte expérimentale sur le Prüfstand 1 de Peenemünde. Elle comporte un chemin de roulement de 80 m de longueur, installé sur un talus incliné à 3,5°, sur lequel circule un chariot entraînant le berceau supportant le Fi-103 propulsé à 360 km/h. L’angle d’incidence est calculé pour que la bombe soit arrachée automatiquement du berceau par la simple portance de l’air. Les 20 derniers mètres de la rampe sont utilisés pour freiner le chariot.

24 déc. 1942 : Premier essai de catapultage d’un Fi-103 avec pulsoréacteur allumé depuis la rampe expérimentale du Prüfstand 1 de Peenemünde-West. L’engin lancé parcourt avec succès une distance de 3 km en ligne droite avant de s’abîmer dans les flots de la Baltique. Le concept fonctionne !

28 déc. 1942 : 1er largage en vol d’un Fi-103 avec pulsoréacteur allumé depuis un avion porteur. L’engin largué atteint une vitesse maximale de 500 km/h au lieu des 725 km/h espérés, avant de plonger dans les eaux de la Baltique. La réussite est totale, validant ainsi le concept de la bombe volante. Le début des essais en vol est programmé pour février 1943.
Pour des raisons de dissimulation vu le caractère ultra secret du projet « KIRSHKERN », le Generalleutnant von Axthelm décide de rebaptiser l’engin FLAKZIELGERÄT 76 (« engin-cible n°76 »), abrégé FZG 76 dans la documentation allemande.


Le V1 - Mise au point

Suite aux premiers essais concluants effectués en décembre 1942, l’année 1943 est entièrement consacrée à la mise au point du Fi-103 et à l’élimination progressive des nombreux défauts de jeunesse inhérents à tout nouveau projet. La multiplication des catapultages au centre de recherches de Peenemünde révèle en effet rapidement qu’il demeure une foule de problèmes techniques à résoudre. A l’évidence, les ingénieurs maîtrisent les divers éléments composant le missile, mais leur combinaison et leur synchronisation posent encore de nombreuses difficultés. On choisit donc de multiplier les tirs d’essais et de procéder à des tests de fiabilité. Ce n’est qu’une fois cette étape franchie que l’arme pourra réellement être déclarée opérationnelle…
mai-juin 1943 : Construction de deux nouvelles catapultes sur le pas de tir de Peenemünde pour procéder aux essais destinés à la mise au point de la rampe de lancement définitive. En tout 5 catapultes seront finalement construites au centre de recherches de Peenemünde.
26 mai 1943 : La Kommission für Fernschiessen ( commission pour le tir à longue portée ), chargée de superviser le développement et la production en série des nouvelles armes stratégiques, se réunit à Peenemünde sous la présidence du Prof. Waldemar Petersen pour effectuer des tests comparatifs entre la fusée balistique A4 (futur V2) et le missile de croisière FzG-76 (futur V1). Outre le Pr. Petersen, la commission comprend le Generalfeldmarschall Erhard Milch, le Grossadmiral Karl Dönitz, le General Olbricht, l’Oberst Graff von Stauffenberg, le Generaloberst Fromm, ainsi que le ministre de l’armement et des munitions Albert Speer et son collaborateur Otto Saur. Le but est de comparer les caractéristiques et les performances des deux engins, de juger l’état d’avancement des deux projets et de déterminer leur potentiel militaire respectif en vue d’une mise en œuvre opérationnelle. L’enjeu est de taille car il s’agit de déterminer le degré de priorité à accorder au développement des deux projets concurrents, l’un étant soutenu par l’armée de terre (A4 / V2), l’autre par la Luftwaffe (FzG-76 / V1). Après diverses explications techniques en présence du général Walter Dornberger, de Werner von Braun et des principaux ingénieurs et techniciens des deux groupes de recherches de Peenemünde, on procède au tir de 2 fusées A4 puis au catapultage de 2 bombes volantes FzG-76 au-dessus de la Baltique. Le lancement des A4 (V2) de l'armée de terre est un succès total tandis que les deux FzG-76 de la Luftwaffe retombent lamentablement dans les flots à quelques centaines de mètres du rivage. Les partisans du FzG-76 sont consternés et croient le projet « KIRSCHKERN » définitivement condamné. Mais la commission décide finalement d’accorder la plus haute priorité au développement parallèle des deux 2 armes vu leur complémentarité et leur différence, les avantages de l’une compensant les désavantages de l’autre. La Heer aura donc son V2 et la Luftwaffe son V1…
1er juin 1943 : Le Generalleutnant Von Axthelm, chef du projet KIRSHKERN, décide de créer le LEHR UND ERPROBUNGSKOMMANDO « E8 ». Cette unité spéciale, de l'ordre d'une compagnie, est chargée de mettre au point les méthodes et les protocoles de tir du futur V1 et de servir d'école au feu pour former le personnel destiné à servir l'« arme miracle ».
16 juin 1943 : Sur cinq FzG-76 catapultés de Peenemünde, quatre s’écrasent au sol dès le départ suite aux nombreux problèmes techniques dont souffre encore le nouveau missile.
18 juin 1943 : A Berlin, le Reichsmarschall Göring, le Feldmarschall Milch et le generalleutnant von Axthelm établissent un programme de production du futur V1. Ce programme prévoit la sortie d’usine de 100 engins FzG-76 dès le mois d’août 1943, puis un accroissement régulier de la production pour atteindre 5000 FzG-76 par mois à partir de mai-juin 1944. La construction devrait ensuite se stabiliser à ce chiffre.

19 juin 1943 : A Peenemünde, réussite du premier lancement d'un FzG-76 en configuration opérationnelle, avec une catapulte inclinée à 45°. L'engin frôle les côtes de l'île de Greifswalder Oïe et parcourt une distance de 120 km à une altitude moyenne de 1000 mètres, avant de chuter dans les flots de la Baltique au large de l'île de Bornholm.

26 juin 1943 : Catapultage avec succès du 65ème FzG-76 qui parcourt sans problème 234 km au-dessus de la Baltique, prouvant ainsi que l’élimination des défauts de jeunesse progresse rapidement. La nouvelle « arme miracle » de la Luftwaffe (Wunderwaffe) est jugée suffisamment proche du stade final de développement pour envisager de lancer la première étape de la production en série, conformément au programme établi en juin. Le but avoué est de permettre un déploiement opérationnel sur le front le plus rapidement possible.

1er juin 1943 : L'Oberst Max Wachtel, est nommé Kommandeur du LEHR UND ERPROBUNGSKOMMANDO « E8 » par le général von Axthelm.

Juillet 1943 : Un FzG-76 catapulté de Peenemünde parcourt 240 km en ligne droite au-dessus de la Baltique et percute les flots à moins de 800 m du point prévu, au large de l'île de Bornholm. La mise au point arrive à terme, la majorité des défauts de jeunesse ayant enfin été résolus.
29 juillet 1943 : Premier bilan de l’état d’avancement de la mise au point de l’engin. A cette date, 16 FzG-76 ont été largués par avions et 68 autres catapultés du sol. Sur les 68 engins lancés de Peenemünde, environ un tiers est resté sur la catapulte suite à une défaillance technique, une partie est retombée aux environs immédiats de la rampe de lancement et 28 ont effectués un vol avec succès, conformément au programme établi. Sur ces 28 engins, 90% sont tombés dans un cercle de 10 km de rayon autour de la cible désignée et 50% à l'intérieur d'un cercle de seulement 5,7 km de rayon. L'un a même parcouru 225 km à 625 km/h et à une altitude de vol de 1300 mètres. Sur la base de ces résultats, la portée opérationnelle du futur V1 est fixée par les ingénieurs de Peenemünde à 250 km, avec une précision d'environ 6 km à cette distance.

16 Août 1943 : Le taux de réussite des lancements par catapultage grimpe progressivement à 60%, suite aux corrections opérées sur la base des données récoltées durant les premiers essais. En prévision du futur déploiement tactique du FZG-76, le Général von Axthelm, responsable du projet « KIRSCHKERN », ordonne de constituer et d’entraîner une unité spécifiquement chargée de la mise en œuvre opérationnelle du missile : le 155. FLAK REGIMENT. Il nomme à sa tête l'Oberst Max Wachtel, parallèlement à ses fonctions premières de Kommandeur des Luftwaffenversuchplatzes Peenemünde (commandant du centre d’essais de la Luftwaffe de Peenemünde).

9 novembre 1943 : Dans la perspective de leur déploiement tactique dans le cadre d'une offensive de grande ampleur, Hilter décide de regrouper tout ce qui touche au V1, au V2 et au V3 sous un seul commandement. A cet effet est créé le LXV. Armee Korps (LXV A.K.) placé sous l'autorité suprême du général Erich Heinemannn, chargé de la mise en œuvre opérationnelle des « Wunderwaffen » (armes miracles).

1er déc. 1943 : Achèvement de la mise au point de la bombe volante FZG-76 qui est officiellement déclarée opérationnelle par la Luftwaffe. Le déploiement tactique du FzG76 et le déclenchement de l’offensive des « armes miracles » est théoriquement prévu pour la fin de l’année 1943. En réalité, il faudra encore attendre 6 mois pour assister au premier tir d’un V1 sur le front, dans la nuit du 12 au 13 juin 1944... Les prévisions de production doivent être revues à la baisse car les engins qui sortent des chaînes d’assemblage représentent environ 100 unités par mois. Cela ne représente que le dixième du chiffre prévu et les officiels réalisent que la constitution d’un stock de missiles suffisant prendra du temps. L’offensive est repoussée dans un premier temps à février 1944, puis ajournée au début juin. La surprise du débarquement allié sur les côtes de Normandie retardera finalement son déclenchement de quelques jours…


Le V1 - Essais de tir

Trois campagnes d'essais successives sont conduites durant l'année 1943 au centre de recherches de Peenemünde-West. L’objectif est d’expérimenter la procédure de lancement du futur V1, de tester sa fiabilité en vol, d’améliorer sa précision et de mettre au point la rampe de lancement destinée à servir en opération. Les ingénieurs responsables du projet décident de procéder pas à pas, en établissant un programme d'essais en 3 étapes.

1. La première étape sert à tester le tir à courte portée. Cette première série d'essais débute le 13 janvier 1943. La zone cible est située au large des côtes de l'île de Rügen, soit à une distance de 60 km de Peenemünde. Elle implique de catapulter les engins selon une trajectoire plein nord (256°), depuis l'extrémité septentrionale du centre de recherches où sont regroupées les différentes catapultes expérimentales. Le vol de croisière s'effectue à une altitude comprise entre 200 et 500 m au-dessus des flots de la Baltique.

2. La seconde étape vise à expérimenter le tir à moyenne portée. Elle débute le 14 mai 1943 avec une nouvelle série de tirs d'essais. La distance étant portée à 120 km, il n'est plus possible d'utiliser la catapulte dirigée vers le nord car les engins lancés risqueraient de tomber beaucoup trop près du rivage sud de la Suède. Pour préserver le secret, la trajectoire de tir est donc décalée vers le N-E et une nouvelle zone cible désignée au large de la pointe SE de l'île de Bornholm (sous occupation allemande), au milieu de la Baltique.

3. La troisième étape consiste à tester le tir à longue portée. Elle débute le 30 septembre 1943. Les engins sont désormais lancés à une distance comprise entre 185 et 250 km, correspondant au rayon opérationnel de l'engin. Une nouvelle zone cible est donc désignée à 225 km de Peenemünde, près du rivage de la Poméranie orientale. Durant cette série d'essais, les FZG-76 suivent une trajectoire orientée vers l'Est et parallèle à la côte. Pour suivre les engins en vol, une chaîne de radars FREYA, WÜRZBURG et WÜRBZBURG-RIESE dont le rayon se recoupe est installée le long du littoral poméranien, en plus du radar existant sur l'île de Greifswalder Oïe. Le dispositif de suivi est complété par trois stations de goniométrie permettant une triangulation par radio. Ces stations sont installées respectivement à Zempin (île d'Usedom), à Nest (sur la côte de Poméranie orientale, près de Köshn) et à Akirkeby sur l'île de Bornholm. On procède également aux premiers essais réels du WINKELSCHUSS, technique qui permet d'imprimer un changement de cap à l'engin après son catapultage, de façon à modifier sa trajectoire.

4. Enfin, le 16 octobre 1943, le LEHR UND ERPROBUNGSKOMMANDO E8 inaugure un nouveau modèle de catapulte, correspondant à la version définitive destinée à être utilisée en opération. Le 5 novembre 1943 débute alors une quatrième série de tirs d'essais en conditions pleinement opérationnelles depuis Peenemünde et Zempin. Au grand dam des spécialistes, elle révèle une imprécision d'environ 10% dans la portée : les ingénieurs de Peenemünde s'aperçoivent que cette marge d'erreur résulte tout simplement de l'influence du vent et de l'altitude sur la vitesse de rotation de la petite hélice du Loch : celle-ci fausse le décompte du compteur électrique de l'engin, provoquant ainsi sa chute prématurée par rapport à la cible. Ce problème imprévu est rapidement résolu, de même que celui de l'ouverture des volets provoquant le piqué sur l'objectif.

5. Le 1er décembre 1943, le FZG-76 (ou Fi-103) est officiellement déclaré opérationnel par la Luftwaffe. Hitler souhaiterait déclencher l’offensive des V1 contre l’Angleterre dès Noël 1943, mais la fin des évaluations n’est prévue que pour le 15 janvier 1944 et les spécialistes de Peenemünde estiment qu’il leur faudra ensuite procéder à 200 essais de catapultage en condition réelle pour permettre au FLAK Regiment 155 d’étalonner correctement ses tabelles de tir.

6. Le déploiement du V1 est donc repoussé une première fois à février 1944, avant d’être ajourné au printemps 1944 en raison de problèmes de production. En effet, la prévision de 1000 unités produites par mois est loin d’être atteinte et se révèle totalement utopique. Malgré l’adjonction de l’usine Voklswagen de Fallersleben près de Wolfsburg pour augmenter les capacités insuffisantes de l’usine FIESELER de Kassel, la production mensuelle atteint péniblement une centaine d’unités Ce chiffre est loin d’être suffisant pour pouvoir déclencher une offensive massive et les responsables du projet réalisent qu’il faudra encore patienter plusieurs mois pour constituer un stock de V1 suffisant. Les premiers tirs sur Londres n’auront finalement lieu que 6 mois plus tard, dans la nuit du 12 au 13 juin 1944, après un dernier ajournement de l’offensive due à la surprise du débarquement de Normandie, le 6 juin...

7. Les essais de tir en conditions opérationnelles entrepris à Peenemünde à partir du 5 novembre 1944, prévus initialement jusqu’en octobre 1944, se poursuivront ensuite depuis Cuxhaven, sur la Mer du Nord, avec des tirs expérimentaux le long du littoral danois. Ils se prolongeront jusqu’en mars 1945 pour améliorer sans cesse les performances du V1 et mettre au point de nouveaux modèles plus puissants. Seule la chute du Reich y mit un terme…


Le V1 - Améliorations techniques

Le 28 novembre 1943, la mise au point du Fi-103 A1 était terminée et le missile déclaré opérationnel. Mais les spécialistes ne cessèrent pas pour autant de poursuivre leurs essais secrets à Peenemünde et à Zempin pour améliorer ses performances sur la base des expériences faites sur le front et sur les pas de tir. Divers perfectionnements furent ainsi apportés aux différents modèles de l’ « arme miracle » pendant l’offensive des V1.

Fin juin 1944, les Allemands s’aperçurent que les Britanniques commençaient à dresser des rideaux de ballons captifs le long des côtes, ainsi qu’à la périphérie de Londres et des principales agglomérations visées, pour déséquilibrer les V1 et les faire chuter prématurément. Les câbles retenant ces ballons endommageaient ou sectionnaient les ailes des missiles, provoquant leur perte de contrôle. Les Allemands installèrent donc une lame tranchante sous le revêtement du bord d’attaque des ailes, pour trancher les filins retenant les ballons, évitant ainsi l’endommagement ou l’arrachement de la voilure. La parade se révéla si efficace que les Anglais perdirent 630 ballons durant l’offensive V1 contre l’Angleterre.

En août, la modification du tube de Pitot situé à l’avant du mât de poussée supportant le pulsoréacteur permit un premier gain de vitesse d’environ 50 km/h, portant celle-ci de 650 à 700 km/h.

Parallèlement, la puissance de l’ogive fut accrue par l’adoption de nouveaux types d’explosifs. L’Amatol 39A qui équipait la version de base du V1 (Fi-103 A1) fut ensuite remplacé, sur certains modèles (Fi-103 B2, E1, F1), par le Trialen 105 et le Trialen 106, des explosifs beaucoup plus performants qui accrurent considérablement la puissance brisante de l’effet de souffle.
A l’automne 1944, une modification de la valve de régulation de l’arrivée en carburant amena un nouveau gain de vitesse qui atteignit désormais 765 km/h sur les nouveaux modèles de série.
Dès septembre 1944, l’ingénieur Graf von Sauna mit au point une version à longue portée du V1 (Fi-103 E1), capable de voler à 773 km/h, avec une portée accrue à 345 km dans un premier temps, puis à 370 km/h (au lieu des 250 km initiaux). Ce nouveau modèle permit aux Allemands de poursuivre leur offensive contre l’Angleterre depuis la Hollande, après l’évacuation de leurs bases de lancement du nord de la France. A Peenemünde, on mit même au point une version du V1 équipée d’une ogive chimique (Fi-103 D1), pour « gazer » les populations des villes anglaises, mais Hitler interdit formellement sa production en série et son utilisation tactique, par peur des représailles (lui-même avait subi l’effet des gaz dans sa chair en 1918).

Enfin, en février 1945, les techniciens de Peenemünde réussirent l’exploit de porter la vitesse du V1 à 793 km/h, en modifiant la pression intérieur du réservoir de carburant et en revoyant complètement le régulateur. Cette vitesse dépassait celle de tous les chasseurs alliés connus à l’époque et mettait donc cette version du V1 (Fi-103 F1) à l’abri de toute interception. Ce nouveau modèle ne put toutefois être produit en série avant la fin de la guerre et ne fut donc jamais utilisé en opération…


Le V1 - Modèles et variantes

Contrairement à une idée largement répandue, il n’y eut pas qu’un modèle de V1. Plusieurs versions et variantes différentes furent conçues et lancées. On ignore trop souvent que la recherche en matière de V1 s’est poursuivie jusqu’en mars 1945 à Peenemünde, parallèlement à son déploiement tactique et alors même que le missile était déjà pleinement opérationnel. Diverses modifications et améliorations techniques furent progressivement apportées à la version de base (Fi 103 A1) en fonction de l’expérience acquise sur le terrain ou pour expérimenter de nouvelles formules. Les techniciens allemands cherchèrent jusqu’au bout à améliorer les performances de l’engin et à optimiser ses capacités opérationnelles, notamment pour poursuivre l’offensive contre l’Angleterre depuis la côte hollandaise, puis frisonne. Plusieurs modèles différents de V1 ont donc existé ou coexisté. La plupart ont effectivement été tirés en opération : certains massivement, d’autres en nombre très réduit. Certaines versions tardives ne sont que des perfectionnements ou des adaptations des versions précédentes, dans le but d’accroître leurs capacités opérationnelles. D’autres sont carrément des développements ou des dérivés affectés à d’autres missions. La plupart furent mis au point au Centre de recherches de Peenemünde. Les principales variantes du Fieseler 103 étaient les suivantes :

Fi 103 A1 : modèle de base standard. Cette version fut de loin la plus répandue et la plus couramment utilisée, notamment au début de l’offensive contre l’Angleterre durant l’été 1944. Elle se caractérise par une silhouette bien profilée, dotée d’un nez galbé (contrairement à la version « Short Nose ») et se différencie des autres modèles par des puits de détonateurs largement espacés et placés assez hauts sur le dessus de l’ogive. La plupart des engins de ce modèle possédaient une charge explosive de première génération, constituée d’Amatol 39A.

Fi 103 A2 : version modifiée du modèle A1, dotée d’un pulsoréacteur plus puissant qui permettait de propulser l’engin à près de 800 km/h (contre seulement 650 km/h pour le modèle de base). Le nombre d’engins de ce modèle construit demeure inconnu. Il emportait également une charge d’Amatol 39A.

Fi 103 B1 : ce modèle se différenciait du modèle A1 de base par un cône de nez plus compact et par le fait que l’enveloppe de l’ogive était en bois. Selon certaines sources contestées et non confirmées, elle aurait été dotée d’un pulsoréacteur PORSCHE 109-005 au lieu du propulseur standard ARGUS. Elle emportait également une charge d’Amatol 39A.

Fi 103 B2 : version identique au modèle B1, mais dont la charge était constituée de Trialen 105 ou 106, un explosif à haut pouvoir brisant beaucoup plus puissant que l’Amatol 39A. Extérieurement, cette variante se distinguait du modèle A1 par des puits de détonateurs émergeant très hauts et par la présence de deux X peints en rouge sur les côtés du fuselage pour signaler la présence de l’explosif spécial, vu sa relative instabilité.

Fi 103 C1 : variante modifiée, spécialement conçue pour emporter, en lieu et place de la charge conventionnelle, une bombe standard de 800 kg SB 800 SHL « SRENGBOMBE » d’un diamètre de 78,5 cm. Cette bombe à haute puissance explosive, en dotation dans la Luftwaffe, représentait à elle seule la moitié du poids du missile. La seule différence extérieure visible était la forme des puits des détonateurs en croix, réunis sous la forme d’une lumière oblongue visible sur la face avant gauche. Selon certaines sources, quelques exemplaires de cette variante auraient été tirés, notamment depuis la base normande de Carqueleu en Seine-Maritime.

Fi 103 D1 : version spécialement mise au point par les techniciens de Peenemünde pour emporter une charge offensive chimique (gaz de combat). Elle était caractérisée par un compartiment de l’ogive cylindrique et par un cône de nez plus marqué que le modèle B1. Cette variante, prévue pour déclencher une offensive par les gaz contre la population londonienne, ne fut jamais tirée en opération, Hitler ayant formellement interdit l’usage des armes chimiques sur le front par peur des représailles (lui-même ayant été gravement gazé durant la première guerre mondiale).

Fi 103 E1 : Première version du modèle à longue distance, mise au point dès septembre 1944 par l’ingénieur Graf von Sauna pour permettre de poursuivre l’offensive V1 sur Londres depuis la côte hollandaise, après l’évacuation des bases du Nord de la France. Extérieurement, rien ne distinguait ce V1 du modèle B1 mais la contenance du réservoir avait été augmentée de 120 litres aux dépens de la longueur du nez, sans toutefois diminuer le poids de la charge explosive. Grâce à ce réservoir plus grand, la portée du missile était considérablement accrue et permettait d’atteindre désormais des cibles situées à 773 km de distance, ce qui compensait le relatif éloignement de la côte hollandaise. D’autre part, la vitesse avait été portée à 345 km/h en utilisant un nouveau type de benzine plus performante (benzine E1).

Fi 103 E2 : version améliorée du modèle à longue distance E1, dont la vitesse avait pu être portée à 370 km/h grâce à l’utilisation d’une benzine présentant un taux d’octane plus élevé, garantissant une meilleure carburation (benzine E2).

Fi 103 F1 : version tardive à très longue portée, mise au point fin 1944/début 1945 pour permettre de poursuivre le harcèlement de l’Angleterre depuis la côte frisonne allemande ou danoise, après l’évacuation de la Hollande par la Wehrmacht. Son aspect extérieur était identique à celui du modèle E1 mais la charge explosive de Trialen avait été fortement diminuée, passant de 530 à 340 kg. Ce gain de poids et de place permettait d’augmenter considérablement la capacité du réservoir de façon à permettre l’emport des 1025 litres de carburant nécessaires pour traverser la mer du Nord. La contrepartie était une diminution notoire de la puissance destructrice du missile…

Fi 103 short Nose : L’existence de cette version controversée, surnommée « nez court » est basée sur un rapport des Services de renseignement U.S. daté du 20 juillet 1944, qui mentionnait un modèle de V1 doté d’un nez tronqué beaucoup plus conique que la version A1, avec des puits de détonateurs également plus rapprochés, et des ailes trapézoïdales. Il semble que certains V1 aient effectivement présentés ces caractéristiques car elles correspondent à un exemplaire aujourd’hui conservé au Musée de l’Air et de l’Espace du Bourget, en France. En outre, sur un mauvais cliché montrant un V1 tombant sur Londres, on voit un engin doté d’un nez tronqué et possédant une voilure trapézoïdale, caractéristiques propres à cette version.

Fi 103 SG 5041 : développement parallèle du V1 pour transformer la bombe volante en réservoir supplémentaire. Cette version était destinée à être tractée en vol par les biréacteurs
Arado Ar-234B, de façon à augmenter considérablement leur rayon d’action. L’objectif était de permettre de poursuivre les raids de bombardement et de reconnaissances à longue distance au-dessus de l’Atlantique et de l’Angleterre depuis le territoire du Reich. La totalité de la cellule du V1 était transformée en réservoir et la tuyère était remplacée par un conteneur renfermant un parachute. Celui-ci permettait de récupérer l’engin une fois largué par l’Arado. Cette variante très spéciale fut testée en vol pour la première fois le 1er février 1945 par le pilote Erich Klöckner. Au total, seuls 4 prototypes furent construits et elle ne fut jamais employée en opération.


Le V1 - Les désignations

Le V1 a reçu plusieurs désignations successives ou parallèles au cours des différentes phases de son développement et de son déploiement. Les autorités militaires allemandes ont également utilisé plusieurs noms de code pour dissimuler la véritable nature du projet ultra-secret. Il est donc parfois quelque peu difficile de s’y retrouver dans la documentation allemande. Tentons de mettre un petit peu les choses au clair :

A la fin des années 1930, le concept à peine ébauché par les ingénieurs est encore appelé « LUFTTORPEDO » (torpille volante), par allusion au fait que l’engin projeté est censé se diriger tout droit et par ses propres moyens vers sa cible, comme une torpille marine.

Au début des années 1940, avec la reprise du concept par FIESELER et ARGUS, le développement de la bombe volante est baptisé projet « ERFURT » (Erfurt est une ville d’Allemagne). Il s’intègre dans le cadre du programme « FERNFEUER » (tir à longue portée) qui participe lui-même du « VULKANSPROGRAMM » (programme volcan), nom de code utilisé pour le développement des armes spéciales ou secrètes.

Le 27 juin 1941, une version améliorée et plus ou moins finalisée du concept de la future bombe volante est présentée au Reichsluftministerium (ministère de l’air du Reich) sous le nom provisoire de « ERFURT P.35 » (P étant mis ici pour Projekt). Il ne s’agit encore que d’une esquisse, mais la silhouette générale du futur V1 est déjà définie dans les grandes lignes, notamment l’installation du propulseur au-dessus du corps de la cellule.

Le 27 avril 1942, le projet ERFURT P.35 est enfin finalisé. Le 10 juin, il reçoit l'aval du Generalfeldmarschall Erhard Milch qui décide de poursuivre son développement sous le contrôle direct de la Luftwaffe, sous le nom de code de projet « KIRSHKERN » (noyau de cerise). Pour préserver le secret, les recherches sont transférées dès le mois d'août au centre d'essais de la Luftwaffe de Peenemünde-Ouest (Erprobungstelle der Luftwaffe Karlshagen), sous la responsabilité du Generalleutnant Walther von Axthelm, commandant en chef de la FLAK allemande.

Un premier prototype est achevé et essayé dès le mois de décembre 1942. Il est officiellement baptisé FIESELER 103, conformément à la nomenclature utilisée par le RLM pour désigner les productions aéronautiques (nom du constructeur suivi par un numéro d’ordre). Ce nom est fréquemment abrégé Fi-103 dans la documentation allemande.

Le 29 juillet 1943, pour des raisons de préservation du secret, le général von Axthelm décide, au grand dam du constructeur, d'abandonner ce nom de Fi-103. L'engin est rebaptisé FLAKZIELGERÄT 76 ( engin-cible de DCA 76 ), souvent abrégé FzG-76. Il conservera officiellement ce nom jusqu’à la fin du printemps 1944.

Le 12 juin 1944, sur proposition du Dr. Goebbels et en réponse au célèbre « V » pour Victory lancé sur les ondes par Winston Churchill à l’occasion du débarquement de Normandie, Adolf Hilter décide de débaptiser le FzG-76 et de le renommer V1, abréviation de VERGELTUNGSWAFFE 1 ( arme de vengeance n°1 ). Dans son esprit, le V1 n’est que la première d’une longue série d’armes miracles en cours de développement. Ces « Wunderwaffen » doivent apporter la victoire à l'Allemagne en 1946. Suivront le V2 (fusée A4), puis le V3 (Hochdruckpumpe), les autres V n’ayant jamais vu le jour… Le V1, de sinistre mémoire, conservera cette désignation pour la postérité.

Enfin, sur les chaîne d'assemblage des usines de production allemande, le V1 était désigné sous le nom de code de GERÄT RICHARD (engin Richard), là encore pour préserver le secret.
De leur côté, les Britanniques, confrontés à l’offensive des V1 dès le 13 juin 1944, adoptèrent différents surnoms pour désigner la bombe volante :

FLYING BOMB « bombe volante ».

FLYING TORPEDO « torpille volante»

BUZZ BOMB « bombe bourdonnante», par allusion au vrombissement caractéristique du pulsoréacteur dont le bruit modulé rappelait celui d'un moteur à deux temps mal réglé.

CHUFF BOMB « bombe haletante », là encore par allusion au vrombissement saccadé du pulsoréacteur, dû au cycle très rapide d'ouverture et de fermeture des clapets d'admission d'air qui produisait 45 à 47 détonations par minute dans la chambre de combustion.

DIVER « plongeur », par référence au piqué mortel de l'engin parvenu en bout de course.

BLOW LAMP « lampe à souder », par référence à la longue flamme orangée qui s'échappait de l'arrière de la tuyère et qui signalait la trajectoire des V1 la nuit.
La population britannique surnomma avec mépris l'engin DOODLE BUG (punaise idiote) et

MAY BUG (hanneton), du fait que la bombe frappait aveuglément et annonçait son arrivée sur la cible par un bruit sourd et bas rappelant le vol d'un gros insecte. De leur côté, les pilotes de chasse britanniques surnommaient les V1 « BEECHKRAFT », tandis que leurs homologues alliés l'avaient baptisé « BASTARD » (bâtard). Pour les services de renseignements alliés, il n'était que P20. Enfin, à partir du 2 novembre 1944, durant la campagne de tir à partir de la Hollande et de l'Eifel, le V1 fut parfois surnommé KRÄHE (corneille) par les Allemands, tel un oiseau de mauvaise augure.



Le V1 - La cellule

Le fuselage du V1 était constitué par une enveloppe en tôles d’acier de 2 mm d’épaisseur. Seule la coiffe du nez renfermant le compas magnétique était réalisée en tôles d’aluminium pour ne pas créer d’interférence magnétique. Les instruments de vol ainsi que les diverses composantes de l’engin étaient logés à l’intérieur de cette enveloppe. La fabrication des tôles et leur assemblage ne nécessitaient ni un outillage particulier, ni un personnel qualifié, ni des infrastructures spécialisées. Elle permettait une production en série à grande échelle et un assemblage rapide, notamment dans l’usine souterraine de Mittelwerk (Nordhausen) qui employait la main-d’œuvre concentrationnaire du camp de Dora. Les tôles étaient découpées, embouties à chaud, puis assemblées par segments. Les divers tronçons formant le fuselage étaient ensuite fixés bout à bout sur la chaîne d’assemblage, grâce à un système de douilles placées à l’extérieur de la cellule qui permettait de les boulonner ensemble (système Frydag Kupplung).

L’entretoise

La rigidité entre la voilure et le fuselage était assurée par une solide entretoise verticale installée exactement au point de gravité du missile, qui permettait un excellent équilibrage de l’engin. Ce montant vertical, conçu pour résister aux importantes sollicitations du vol et à l’accélération brutale subie par le V1 au moment du catapultage (19 G de poussée !), traversait de part en part le corps de la cellule, à travers le réservoir de carburant.

Le té de levage dorsal

L’extrémité supérieure de cette entretoise, qui dépassait légèrement de la surface du fuselage, était terminée par un té de manutention qui permettait de soulever le V1 au moyen d’engins de levage (grue, chèvre, palan). Ce té était utilisé pour charger et décharger les V1 sur les wagons de chemin de fer utilisés pour les convoyer vers le front, ainsi que pour les transborder sur les véhicules chargés de les disperser vers les bases de stockage avancées et les sites de lancement. Il servait également à installer le V1 sur le berceau de lancement de la catapulte, grâce à une grue juchée sur le mur de protection de la rampe (parfois sur un socle bétonné indépendant). Sur les bases, on l’utilisait également pour hisser le V1 lors des différentes opérations de préparation au lancement, notamment dans le Richthaus, et pour transférer les missiles sur les chariots de manutention.

Le sabot ventral

L’extrémité inférieure de l’entretoise verticale était terminée par une partie renforcée, formant un sabot ventral légèrement proéminent. Ce sabot servait à accrocher le V1 sur le berceau de lancement de la rampe, qui était lui-même entraîné par le piston de la catapulte.


Le V1 - La voilure

Les ailes

Tous les modèles du V1 possédaient des ailes droites de forme rectangulaire (longueur 2,10 m, largeur 0,40 m). Les rumeurs quant à l’existence de modèles possédant des ailes trapézoïdales paraissent infondées car une telle configuration n’a jamais été retrouvée. La voilure était calculée pour supporter une charge de 374 kg/cm2. Elle était réalisée en tôles d’acier doux soudées par points, avec des nervures destinées à raidir les ailes. Ces ailes étaient amovibles et faciles à assembler avec la cellule. Elles n’étaient installées qu’au tout dernier moment, lors de la préparation au lancement sur les bases de tir avancées. Cela permettait un gain de place important, facilitant ainsi le transport des V1 jusqu’au front, leur transbordement du rail sur la route, leur stockage dans les bases avancées et leur manutention sur les chariots. Durant le convoyage et l’entreposage des V1, les ailes détachées étaient simplement déposées contre les flancs de la cellule, comme le montrent de nombreuses photos d’époque.

Envergure du V1 : 5,37 m
Largeur de l’aile : 1,05 cm
Epaisseur de l’aile : 15,7 cm au point le plus épais
Profil de l’aile : biconvexe
Epaisseur des tôles : 0,88 mm
Assemblage des ailes
L’assemblage des ailes avec la cellule s’effectuait grâce à un longeron tubulaire en acier de 4,34 m de longueur que l’on enfilait depuis la gauche de la cellule dans une gaine transversale traversant de part en part le réservoir. Les ailes étaient ensuite emboîtées sur ce longeron dont la longueur était inférieure de 1,0 m à l’envergure. Les ailes étaient ensuite réglées en position et bloquées par vissage. Cette opération ne prenait que quelques minutes et était effectuée dans le Richthaus, parallèlement aux opérations de réglage précédant le tir.
Longueur du longeron : 4,34 m
Diamètre du longeron : 11,0 cm


L’empennage

L’empennage du V1 comportait une dérive verticale munie d’un gouvernail de direction, qui servait en même temps de support arrière pour le pulsoréacteur. Deux plans fixes horizontaux, équipés de volets de profondeurs, servaient de stabilisateurs de part et d’autre de la queue du missile.
Longueur du plan fixe horizontal : 2,10 m
Largeur du plan fixe horizontal : 0,40 m


Couteaux d’aile

Fin juin 1944, les Allemands s’aperçurent que les Britanniques commençaient à dresser des rideaux de ballons captifs le long des côtes, ainsi qu’à la périphérie de Londres et des principales agglomérations visées, pour déséquilibrer les V1 et les faire chuter prématurément. Les câbles retenant ces ballons endommageaient ou sectionnaient les ailes des missiles, provoquant leur perte de contrôle. Les Allemands installèrent donc une lame tranchante sous le revêtement du bord d’attaque des ailes, pour trancher les filins retenant les ballons, évitant ainsi l’endommagement ou l’arrachement de la voilure. La parade se révéla si efficace que les Anglais perdirent 630 ballons captifs durant l’offensive V1 contre l’Angleterre.


Le V1 - Le Loch

Tous les V1 possédaient une petite hélice à deux pales à l’avant du nez : le «Loch ». Il s’agit d’une pièce essentielle pour le fonctionnement du V1. Contrairement à ce que certains imaginent, cette minuscule hélice n’était pas entraînée par un moteur, mais actionnée directement par l’avance du missile dans l’atmosphère, sous l’effet du frottement de l’air.
Cette hélice était étalonnée pour effectuer 30 rotations par 100 m parcourus. Tous les 15 tours (soit une distance de 50 m), elle envoyait une impulsion électrique vers le compteur électrique (Zählwerk) logé dans le compartiment arrière de la cellule, de façon à mesurer la distance accomplie par le V1.

La fonction de cette hélice était triple :

1. Déterminer l’armement du missile. Pour éviter tout accident, les détonateurs à fusées de la charge explosive étaient verrouillés durant la phase de préparation et de catapultage. Ils n’étaient armés par le compteur qu’après le lancement du V1 et lorsque celui-ci avait parcouru une certaine distance de sécurité (de l’ordre de 60 Km pour le détonateur électrique EL AZ 106 et après 7 à 8 minutes de vol pour le détonateur mécanique ZA 80). Cela permettait de désamorcer la charge et de récupérer l’engin en cas de crash prématuré du V1 (il arrivait fréquemment que des engins retombent à proximité ou aux environs des rampes de lancement).
2. Déterminer l’activation du radio-télémétreur FuG 23 embarqué. Tous les V1 ne possédaient pas un tel appareillage. Seul un V1 sur sept catapultés était équipé d’un poste émetteur permettant de suivre la dernière partie du vol par radiogoniométrie. Cela permettait de contrôler la précision de la trajectoire et d’effectuer, le cas échéant, les corrections nécessaires sur les engins suivants. Pour éviter que l’ennemi ne détecte trop rapidement l’émission et ne la brouille, le poste émetteur n’était activé par le Loch que lorsque la bombe approchait de son objectif, à environ 50 km de celui-ci.

3. Déterminer l’instant de la chute du V1. La distance séparant la rampe de lancement et l’objectif étant connue avec précision, le compteur électrique était réglé avant le départ. Il fonctionnait par décompte, sous l’effet des impulsions envoyées par le Loch. Lorsque le décompte affiché arrivait à zéro, le compteur provoquait automatiquement la chute de l’engin…
L’étalonnage de l’hélice du Loch ne fut pas une mince affaire et causa pas mal de problèmes aux savants de Peenemünde. Lors des premiers essais de tirs expérimentaux au-dessus de la mer Baltique, en 1943, de nombreux V1 retombaient trop rapidement, avant d’avoir atteint la cible désignée. Les techniciens se rendirent compte qu’ils avaient tout simplement oubliés de tenir compte de l’influence de l’altitude et des vents sur la vitesse de rotation de l’hélice. Des modifications furent donc apportées et la précision du V1 fut bientôt ramenée à des proportions plus acceptables. La précision obtenue était proportionnelle à la distance de l’objectif visé. Plus la cible était éloignée, plus la précision était faible (de l’ordre de 4 à 5 km pour une distance de 250 km). Elle resta néanmoins tributaire des conditions météorologiques régnant durant le vol, ce qui explique l’intercalation d’un V1 muni d’un poste émetteur tous les 7 engins, de façon à pouvoir corriger les paramètres des missiles suivants pour contrebalancer les influences météorologiques (changements de pression, de température ou de densité de l’air selon l’altitude ou la région, etc.). Cela explique pourquoi les Allemands choisirent toujours des cibles de grande ampleur, telles que de vastes agglomérations urbaines, des ports ou de grands centres industriels. Ils étaient ainsi pratiquement sûrs de faire mouche à tous les coups malgré la relative imprécision de leur « arme miracle »…


Le V1 - Le compas magnétique

Le compas magnétique du V1 était logé dans le cône en aluminium du nez, à l’intérieur d’un boîtier sphérique formé par deux demi-coquilles de bois. La combinaison de ce matériau et de l’aluminium permettait d’éviter toute influence magnétique extérieure susceptible de parasiter le fonctionnement de la boussole. Le compas proprement dit était fabriqué par la société SIEMENS WERKE AG, basée à Berlin-Friedenau. La position respective de la rampe de lancement et de l’objectif assigné étant connue, il suffisait aux Allemands de régler le compas avant le départ pour maintenir le V1 sur son cap et le diriger droit sur sa cible. Ce réglage fin, qui nécessitait une précision minutieuse, s’effectuait juste avant le catapultage, à l’intérieur d’un bâtiment amagnétique construit en briques ou en béton non armé (RICHTHAUS). Ce bâtiment ne comportait aucun ferraillage susceptible de fausser l’opération et était équipé de vantaux en bois.

Durant le vol, les déviations de la trajectoire du missile étaient détectées par le compas et aussitôt compensées par les gyroscopes du pilote automatique (STEUERGERÄT). Ceux-ci agissaient sur les servomoteurs des gouvernes pour corriger le cap et rétablir le V1 sur sa trajectoire. Les principaux facteurs de déportation du missile étaient la force et la direction des vents dominants, les trous d’air, les brusques rafales ou encore de légers défauts d’équilibrage de la structure de l’engin. La moindre variation angulaire influait sur l’aiguille aimantée de la boussole qui agissait sur une came libérant (dans un sens ou dans l’autre, selon la trajectoire du V1) de l’air comprimé à un bar en direction d’un relais pneumatique (UMWÄNDER). Ce dernier convertissait les variations de pression reçues en impulsions électriques qui étaient transmises aux gyroscopes du pilote automatique. L’air comprimé nécessaire à l’opération était contenu dans deux sphères occupant une bonne partie du compartiment arrière. Ce système, très simple et très fiable, permettait d’effectuer des corrections dans les deux dimensions.


Le V1 - L'ogive tactique

La charge explosive de la version standard du V1 (Fi-103 A1) était composée de 830 kg d’explosif sous forme pâteuse. Elle était contenue dans une ogive cylindrique qui formait le tronçon avant du fuselage, entre le cône du nez et le réservoir. Les parois de cette enveloppe en acier mesuraient 2,1 mm d’épaisseur.

Le type d’explosif utilisé a évolué au fur et à mesure des progrès de la recherche à Peenemünde pour accroître les performances du missile. Les dernières versions du V1 lancées durant l’hiver 1944/45 et le printemps 1945 comportaient souvent des explosifs différents de la version de base.

Pour des raisons de sécurité et de production, l’ogive tactique était fabriquée, conditionnée et transportée séparément de la cellule. L’explosif était introduit dans l’enveloppe sous forme liquide, grâce à un orifice circulaire situé dans l’axe du cylindre de l’ogive, sur la partie frontale. Cette opération s’effectuait en usine, sur le lieu de production. Durant le convoyage vers le front, l’ogive tactique était placée à l’intérieur d’un carcan de transport qui facilitait sa manutention et permettait son chargement et son déchargement rapide grâce à des engins de levage (grue, palans).

Durant la phase de production et de transport du V1 jusqu’aux dépôts avancés (FELDMULAG), elle était remplacée par une fausse ogive pour permettre le montage et l’assemblage des deux premiers tronçons de la cellule (pointe et cône du nez). Cette ogive factice était ensuite remplacée par la véritable ogive tactique dans les dépôts avancés, avant l’acheminement des missiles vers les sites de lancement.

La mise à feu de la charge était déclenchée par un système complexe de détonateurs à fusées électriques et mécaniques, combinés avec plusieurs contacteurs et avec un système d’horlogerie. La redondance du système garantissait l’explosion systématique du missile dans tous les cas de figure, y compris en cas d’atterrissage sur le ventre ou de défectuosité de l’un ou l’autre des détonateurs. Cette multiplications des systèmes de mise à feu n’avait qu’un seul but : éviter à tous prix qu’un V1 tombe intact aux mains des Alliés et garantir une fiabilité de fonctionnement proche de 100% (sur 2700 chutes répertoriées, seuls quatre V1 n’ont pas explosés, soit un taux d’échec de 0,15 %).

A quantité égale, l’effet destructeur de la charge du V1 était 1,5 fois supérieur à celle du V2, mais cette différence était compensée par l’incroyable vitesse d’inertie de la fusée balistique qui renforçait considérablement sa force de frappe et sa puissance de choc au moment de l’impact. L’effet de souffle causait, à lui seul, des dégâts gigantesques dans un très large périmètre autour du point de chute… Un V1 était capable de souffler un pâté de maison, un V2 pouvait carrément raser un quartier…


Le V1 - La charge explosive

La charge contenue dans l’ogive tactique des V1 était composée de 830 kg d’explosifs sous forme pâteuse.

Le type d’explosif utilisé durant la phase de déploiement des V1 a évolué au fur et à mesure des recherches menées à Peenemünde pour améliorer les performances de la bombe volante.
En juin 1944, au moment du déclenchement de l’offensive V1 sur Londres, la version de base standard du missile (Fi-103 A1) emportait une charge constituée d’AMATOL 39A (60 % d’Amatol + 40 % d’ammonite H8).

Au cours de l’été 1944, cet explosif fut progressivement remplacé par le TRIALEN 105, puis par le TRIALEN 106 qui équipèrent bientôt un nouvelle version de la bombe volante, le Fi-103 B2. Le premier V1 équipé de TRIALEN 105 fut tiré en opération le 18 juillet 1944 par le 155 Flak Regiment. La puissance de ces nouveaux explosifs avait été accrue respectivement de 70% et 80% par rapport à l’AMATOL originel. Cela était dû notamment à l’ajout de poudre d’aluminium qui conférait une plus grande puissance brisante à l’explosif, augmentant ainsi considérablement son pouvoir destructeur et l’onde de choc dévastatrice provoquée par l’effet de souffle. L’observation des dégâts obtenus avec ces nouveaux explosifs ultra-brisants montrait que 830 kg de TRIALEN 105 avaient le même effet destructeur qu’une bombe classique de 2000 kg ! L’impact d’un seul V1 était capable de raser un pâté de maison tout entier. L’utilisation de ces nouveaux explosifs se révéla toutefois dangereux car ils étaient par définition très instables et requéraient une prudence accrue durant les phases de convoyage, de manipulation et d’installation de l’ogive. C’est pourquoi les ogives chargées de TRIALEN portaient une croix de Saint André rouge, peinte en évidence sur les deux côtés du cylindre de l’enveloppe.

Au printemps 1945, il devint bientôt impossible de continuer à produire du TRIALEN.

L’Allemagne, dont les industries et les voies de communication avaient été détruites ou ruinées par les bombardements stratégiques, souffrait d’une grave pénurie dans tous les domaines. Les ultimes V1 tirés durant les dernières semaines de la guerre furent donc chargés de DONARIT ou de MONACHIT, des explosifs assez pauvres et de mauvaise qualité, généralement utilisés dans les mines. L’effet destructeur était évidemment très inférieur.

Composition des explosifs :

AMATOL 39A 60% d’Amatol + 40% d’ammonite H8 (voir plus bas le détail des composants).
TRIALEN 105 70% de TNT (trinitrotoluène) + 15% d’exogène + 15% de poudre d’aluminium.
TRIALEN 106 50% de TNT (trinitrotoluène) + 25% d’exogène + 25% de poudre d’aluminium.
DONARIT 12% de TNT (trinitrotoluène) + 80% de nitrate d’ammonium + 4% de poudre de bois + 4% de nitroglycérine.

AMATOL 50% de trinitrobenzine + 35% de nitrate d’ammonium + 15% d’exogène.
AMMONITE H8 50% de nitrate d’ammonium + 25% de nitrate de chaux + 10% de pentaaerythrite + 15% d’exogène.

EXOGENE Composant destiné à accroître la puissance de l’explosif. L’exogène était composé de cyclonite additionnée de 5% de cire.


Le V1 - Les détonateurs

Le V1 était équipé d’un système de mise à feu très complexe qui combinait trois types de détonateurs différents et plusieurs contacteurs répartis autour du nez du V1. La redondance du système et la multiplication des dispositifs de mise à feu visaient un seul but : éviter à tous prix qu’une carcasse de V1 tombe intacte entre les mains des Alliés et garantir l’explosion du missile dans tous les cas de figure, y compris en cas d’atterrissage sur le ventre ou de défectuosité de un ou plusieurs détonateurs.

1. Le détonateur électrique principal « EL AZ 106 ». Le système de mise à feu principal était constitué par un tube détonateur à contacts électriques logé dans le nez du V1 et qui traversait de part en part le corps de la charge explosive (dans le sens longitudinal). La fusée de mise à feu EL AZ 106, logée au cœur de la charge, pouvait être déclenchée de trois façon différentes :

a. Par un percuteur logé dans la pointe du nez (AUFSCHLAGSCHALTER) qui déclenchait l’explosion au moment de l’impact. Ce système de mise à feu principal était celui qui était destiné à fonctionner normalement, puisque le V1 était censé percuter le sol avec une inclinaison très importante à l’issue de sa chute en piqué. Ce percuteur produisait une explosion instantanée et un effet de souffle plus important.

b. Le détonateur électrique principal EL AZ 106 était également relié à un contacteur ventral (GLEITSCHALTER), en l’occurrence une pédale qui affleurait sous l’avant du ventre du V1. Cette pédale déclenchait automatiquement l’explosion en cas d’atterrissage ou d’impact ventral, notamment dans l’hypothèse où un V1 parvenu à court de carburant se « vomirait » en territoire ennemi.

c. Enfin, en cas de défectuosité des 2 contacteurs de choc précédents, l’explosion pouvait être déclenchée par une masselotte contenue dans l’allumeur EL AZ 106 proprement dit et qui fonctionnait par inertie.

La fusée d’allumage EL AZ 106 était montée en tête du tube axial du détonateur et indiquée par un cercle de couleur anthracite. Par sécurité, elle était verrouillée durant la phase de lancement et de catapultage. Elle n’était armée par le compteur électrique (ZÄHLWERK) que lorsque le V1 avait accompli un vol d’environ 60 km, la distance étant décomptée par les rotations du Loch (petite hélice placée à l’avant du nez).

2. Le détonateur mécanique secondaire « Z 80 A ». Le système de mise à feu secondaire était constitué par une fusée d’allumage mécanique Z 80 A qui était censée fonctionner quelle que soit la position d’arrivée du V1. Elle était logée dans un tube détonateur latéral, disposé perpendiculairement au cône de charge et à l’allumeur principal, et dont l’orifice s’ouvrait au-dessus du nez du V1. Pour éviter toute confusion avec le troisième détonateur, tout proche, cet orifice était indiqué par un cercle blanc. Ce dispositif d’allumage était également verrouillé durant la phase de lancement, pour éviter tout risque d’explosion au moment du catapultage (le V1 était brutalement soumis à une pression de 19 G au moment du tir). Il n’était armé par le compteur électrique (Zählwerk) qu’après 7 à 8 minutes de vol, sous l’effet des impulsions électriques envoyées vers le Zählwerk par la petite hélice du Loch (voir sous Loch).

3. Le détonateur temporisé « Z 17 Bm ». Un second tube placé juste en arrière du détonateur secondaire contenait une fusée d’allumage mécanique « Z 17 Bm » (MEKANISCHE LANGZEITZÜNDER). A la différence de celle du détonateur secondaire, celle-ci était couplée avec un système d’horlogerie qui déclenchait automatiquement l’explosion après un temps déterminé à l’avance (au maximum 2 heures après le lancement). Le réglage du mouvement d’horlogerie était effectué avant le départ, en fonction de la distance à parcourir jusqu’à l’objectif désigné. Ce dispositif temporisé commandait l’autodestruction automatique de la carcasse au sol, en cas de non fonctionnement des autres dispositifs d’allumage. Il n’était armé qu’après 7 à 8 minutes de vol de l’engin, selon le même principe que celui décrit pour les autres détonateurs. L’orifice du tube de logement de cette fusée était entouré par un cercle rouge pour le différencier de celui de la fusée du détonateur secondaire. Vers la fin de la guerre, sous l’effet de la pénurie, il arriva parfois que cette fusée à temporisation Z 17 Bm fut remplacée par une fusée Z 80 A du même type que celle utilisée pour le détonateur secondaire.

4. Alimentation du système de mise à feu. Le courant électrique nécessaire au bon fonctionnement des systèmes de mise à feu était fourni par une batterie de bord de 30 V, logée dans la partie arrière de la cellule du fuselage. En cas de défaillance de celle-ci, le relais était assuré par un allumeur par induction ENT 10, comprenant un condensateur, une résistance et deux noyaux induits.

5. Le système de sécurité. L’armement des différentes fusées d’allumage de la charge n’intervenant qu’après un temps de vol de 7 à 8 minutes (pour les détonateurs mécaniques) ou une distance de 60 km (pour les détonateurs électriques), cela évitait qu’un V1 puisse exploser durant la préparation du lancement ou lors du catapultage. En cas de non fonctionnement de la catapulte au moment du tir, le V1 restait ainsi inerte sur la rampe et le personnel avait tout loisir de procéder aux contrôles nécessaires, l’engin n’ayant pas pris son envol. Cet ingénieux système de sécurité permettait de récupérer sans risque les V1 qui se crashaient à proximité directe ou aux environs de la rampe de lancement, sous réserve qu’ils n’aient pas volé plus de 7 à 8 minutes. Passé ce délai, la fusée à horlogerie était irrémédiablement armée, ce qui impliquait l’autodestruction automatique du V1 après un laps de temps de 2 heures maximum (souvent moins selon la portée de la cible désignée). De nombreuses fermes et villages du nord de la France et de la Belgique en firent les frais et plusieurs habitants payèrent de leur vie le crash prématuré d’un missile avant la côte.

6. Fiabilité de la mise à feu. Le système de mise à feu extrêmement complexe du V1 garantissait une explosion de la charge dans tous les cas de figure. Sur un total de 2700 impacts de V1 répertoriés, seuls 4 missiles n’ont pas explosés, ce qui représente un taux d’échec de seulement 0,15%.


Le V1 - Le carburant

Le réservoir de carburant du V1 occupait la section centrale de la cellule, au niveau du point de fixation de la voilure. Il était soumis à de très fortes sollicitations durant le vol, car il était traversé de part en part par la double armature tubulaire servant à rigidifier la cellule. Cette armature comportait 2 éléments soudés ensemble, disposés perpendiculairement :

1. le montant tubulaire vertical reliant le sabot de lancement au té de levage, qui transmettait la poussée de la catapulte au V1 lors du lancement

2. le manchon tubulaire horizontal servant à emboîter le longeron des ailes.

La contenance du réservoir variait selon le modèle : de 690 litres sur la version de base Fi-103 A1, elle passa à 810 litres sur la version à longue portée E1 développée à l’automne 1944, et fut même augmentée à 1025 litres sur la version à très longue portée Fi-103 F1, mise au point tardivement pour poursuivre l’offensive sur Londres depuis la côte allemande (Frise orientale).
La consommation moyenne de carburant était d’environ 27 litres / minute sur la version standard Fi-103 A1, soit une autonomie de vol d’environ 25 minutes. Elle variait évidemment en fonction des conditions atmosphériques (force et direction du vent, densité de l’air, etc.)
Le carburant utilisé, codé « E1 », était du simple kérosène, c’est-à-dire de la benzine à très bas indice d’octane, extraite principalement à partir de la houille. Elle était facile à produire, à transporter et à stocker en grande quantité, car elle ne présentait aucun danger particulier, contrairement à l’oxygène liquide utilisé sur la fusée V2 et aux réactifs chimiques très instables servant à propulser les intercepteurs fusées du type Me-163 « Komet » ou Ba-349 « Natter ».
Le réservoir ne comportait qu’une épaisseur de tôles d’acier de 2,7 mm d’épaisseur. Le circuit d’alimentation du pulsoréacteur ne comportait aucune pompe mécanique : la diffusion du carburant était simplement obtenue par la mise en pression constante du réservoir à 7 bars durant toute la durée du vol, grâce à un régulateur relié aux sphères d’air comprimé, qui compensait progressivement la diminution du carburant dans le réservoir.


Le V1 - L'air comprimé

Le V1 emportait une importante réserve d’air comprimé à 160 bars, stocké dans 2 sphères en acier logées derrière le réservoir de carburant, à l’arrière de la cellule. Cet air comprimé avait plusieurs fonctions :

1. maintenir une pression constante de 7 bars dans le réservoir de carburant, grâce à un régulateur compensant la diminution progressive du kérosène, de façon à diffuser le carburant dans le circuit d’alimentation du pulsoréacteur.

2. Assurer le fonctionnement du pilote automatique.

3. Assurer le fonctionnement des servocommandes chargées de relayer les ordres du pilote automatique aux gouvernes de direction.

Par sécurité, ces sphères étaient étalonnées pour résister à une pression théorique de 200 bars : elles étaient frétées de 3 à 4 couches superposées de cordes de piano, maintenues en place par des colliers en acier étamé. Chaque sphère pesait 50 kg à vide et 59,5 kg en charge. Leur contenance était de 2 x 75 litres. Elles étaient remplies avant le catapultage, grâce à un orifice situé sur le côté gauche de l’engin et muni d’une valve à clapet. Un détendeur ramenait cet air comprimé à une pression utile de 6,6 kg / cm2 vers le réservoir de carburant, et à 1,2 kg / cm2 vers le pilote automatique et les servocommandes de direction.


Le V1 - L'altimètre

L’altimètre était chargé de maintenir l’altitude de croisière du missile. Celle-ci était réglée entre 800 et 2000 m avant le lancement, en fonction des conditions atmosphériques du moment. Ce réglage s’effectuait dans le bâtiment amagnétique de la base (Richthaus), avant d’installer le V1 sur la catapulte. Une fois lancé, le missile grimpait lentement jusqu’à l’altitude programmée avant de se mettre en palier pour poursuivre sa trajectoire vers l’objectif. En pratique, la plupart des V1 volaient entre 800 et 1200 m d’altitude, de façon à ne pas perdre trop de puissance. La raréfaction progressive de l’oxygène en altitude affectait en effet grandement les performances du pulsoréacteur qui tendait à devenir inopérant au-dessus d’un plafond pratique de 2000 mètres.

L’altimètre comprenait une capsule barométrique équilibrée par un ressort. La moindre variation d’altitude se traduisait par un léger changement de la pression atmosphérique dans la capsule. Ce déséquilibre actionnait le ressort qui agissait sur le gyroscope principal, par l’intermédiaire d’un distributeur et d’un petit servomoteur ouvrant l’arrivée d’air comprimé (système pneumatique).


Le V1 - Le pilote automatique

Le V1 était un missile autoguidé. Une fois lancé, il se dirigeait de lui-même vers sa cible, grâce à un système de guidage intégré comprenant un pilote automatique. Ce pilote automatique (STEUERGERÄT), conçu par ASKANIA, comprenait un gyroscope principal (ou gyropilote), deux gyroscopes auxiliaires et une horloge. Ces instruments étaient solidement fixés sur un châssis tubulaire suspendu à mi-hauteur du compartiment arrière. Le tout était conçu pour résister aux fortes sollicitations du vol, à l’incroyable poussée du catapultage (19 G de pression) et aux fortes vibrations engendrées par le fonctionnement de la tuyère du propulseur.
La fonction du pilote automatique était multiple :

1. maintenir le V1 dans la direction de l’objectif, en corrigeant les éventuelles déviations de trajectoire dues aux conditions atmosphériques (vent latéral), de façon à éviter que le V1 ne se déporte insensiblement du cap prédéfini.

2. Lors de l’utilisation de la technique du « Winkelschuss (changement de cap angulaire de +/-60° vers la gauche ou vers la droite), faire virer le V1 pour l’amener sur sa trajectoire de vol, à l’issue de la grimpée jusqu’à l’altitude de croisière.

3. Assurer la stabilité de vol et l’assiette du V1, en compensant instantanément les mouvements de tangage, de roulis ou de lacets risquant de déséquilibrer l’engin (rafales, trous d’air, courants thermiques, etc.).

4. Maintenir l’altitude de croisière prédéfinie, sous le contrôle de l’altimètre intégré. Cette altitude était comprise entre 300 et 2000 m (en pratique entre 300 et 1200 m pour ne pas perdre trop de puissance du pulsoréacteur)

Les corrections de cap et le tir angulaire étaient pris en charge par le gyropilote tandis que les gyroscopes auxiliaires assuraient la stabilité de vol de l’engin, le tout sous le double contrôle de l’altimètre et du compas magnétique. L’horloge déterminait le déclenchement du « Winkelschuss » en fonction de l’altitude de croisière définie.

Les paramètres de vol (cap, altitude de croisière, changement de cap intermédiaire) étaient réglés avant le lancement, en fonction de la direction et de l’éloignement de l’objectif. Une fois le V1 lancé, il n’était plus possible de les modifier ni de rappeler ou de détourner la bombe volante. Celle-ci poursuivait aveuglément sa course jusqu’à ce qu’elle percute la cible désignée.


Le V1 - Le gyropilote

Le gyroscope principal, appelé aussi gyropilote, occupait la partie avant du bâti du pilote automatique. Il était chargé de maintenir le V1 dans la direction de l’objectif et de corriger les éventuelles déviations de cap pour éviter que le V1 ne se déporte de la trajectoire prédéfinie, par exemple sous l’effet d’un fort vent latéral. Dans le cas de l’utilisation de la technique du tir angulaire (voir sous « Winkelschuss »), c’est également lui qui faisait virer le V1 pour l’amener sur sa trajectoire de croisière, à l’issue de la grimpée en altitude.

Ce gyroscope, lancé à 20 000 tours/minute, était maintenu en rotation par une turbine pneumatique alimentée en air comprimé à 1,2 kg/cm2. Contrairement aux 2 gyroscopes auxiliaires qui ne pouvaient se mouvoir que dans une dimension, il pouvait bouger dans tous les sens et était incliné à 21° de façon à détecter avec la même sensibilité les mouvements de lacet (horizontal) et de roulis (vertical).

Les mouvements relatifs du gyroscope agissaient sur des cames provoquant un déplacement correspondant d’un injecteur qui obturait ou démasquait l’un ou l’autre des orifices du circuit pneumatique, laissant ainsi passer plus ou moins d’air comprimé vers les servocommandes de direction. Cet air agissait sur celles-ci qui relayaient l’ordre aux gouvernes de direction ou de profondeur.

Le gyropilote corrigeait ainsi constamment le cap et l’altitude, de façon à maintenir le missile sur la trajectoire de vol, en fonction des paramètres introduits avant le départ.


Le V1 - Les gyroscopes auxilliaires gyropilote

Les deux gyroscopes auxiliaires occupaient la partie arrière du bâti du pilote automatique, où ils étaient disposés côte à côte. Tournant à une vitesse de 20 000 tours / minutes sous l’impulsion de turbines à air comprimé, ils n’étaient pas libre d’évoluer dans tous les sens comme le gyropilote principal ; chacun d’eux était bloqué dans une seule dimension, correspondant aux plans vertical et horizontal. Ils servaient non pas à maintenir le cap, mais simplement à corriger les à-coups du vol du V1, de façon à stabiliser sa trajectoire. Leur fonction était donc complémentaire de celle du gyropilote principal, chargé de guider le V1 vers l’objectif.
Le premier gyroscope auxiliaire, disposé horizontalement à tribord, détectait uniquement les mouvements de roulis et les secousses latérales, par exemple sous l’effet d’une brusque rafale déséquilibrant le V1. Il compensait aussitôt en agissant sur le gouvernail de direction de la dérive, pour éviter que le V1 ne fasse des lacets. Le second, disposé verticalement, détectait uniquement les mouvements de tangage du missile et les secousses verticales, par exemple sous l’effet d’un trou d’air ou d’une rafale thermique ascendante. Il corrigeait l’équilibre du V1 en agissant uniquement sur les volets de profondeurs.


Le V1 - Le compteur

Le compteur (Zählwerk), logé dans le compartiment arrière de la cellule, était un boîtier affichant 4 chiffres à travers une petite fenêtre. Il servait à décompter la distance parcourue par le V1 et provoquait automatiquement la chute du missile lorsque le compteur arrivait à zéro. Le déplacement du V1 était mesuré par la petite hélice du Loch, située à la pointe du nez, qui était actionnée par le vent relatif produit par le mouvement de l’engin dans l’air. Plus le V1 se déplaçait vite, plus l’hélice tournait rapidement. Tous les 50 mètres parcourus, elle envoyait une impulsion électrique vers le compteur, provoquant ainsi la soustraction d’un chiffre.
Le « Zählwerk » était réglé avant le lancement en fonction de l’éloignement de l’objectif. Cette opération était effectuée manuellement dans le bâtiment amagnétique de la base (Richthaus), avant l’installation de l’engin sur la catapulte. Le chiffre introduit n’était ni la distance réelle séparant la rampe de la cible, ni une durée de temps. Il correspondait à la distance du but divisé par le nombre d’impulsions du Loch, le tout corrigé par un coefficient en fonction de l’altitude de vol définie et des conditions atmosphériques annoncées. Ceci explique la précision toute relative des V1, qui tombaient plus ou moins près de l’objectif désigné, selon que les conditions de vol réelles correspondaient ou non au coefficient introduit. On était encore loin des « frappes chirurgicales ». C’est pourquoi les Allemands choisirent toujours des cibles stratégiques de grande importance et suffisamment étendue: agglomérations urbaines, zones portuaires, bassins industriels ou miniers...

Le « Zählwerk » avait trois fonctions :

1. déverrouiller les fusées d’amorçage de la charge explosive après environ 50 km de vol, de façon à armer les détonateurs de l’ogive tactique. Cet ingénieux dispositif de sécurité permettait d’éviter une explosion accidentelle du V1 durant le catapultage de l’engin, en cas d’incident technique ou de défaillance du missile. Il arrivait en effet fréquemment qu’un V1 rate son décollage ou se crashe à proximité de la rampe de lancement.

2. Pour les V1 équipés d’un émetteur FuG 23 permettant leur radiorepérage (environ 1 engin sur 7), activer l’émetteur en fin de trajectoire, environ 50 km avant la cible, de façon à déclencher l’émission du signal radio permettant de suivre la trajectoire du missile par radiogoniométrie. L’activation du FuG 23 était produite par une impulsion électrique envoyée par le compteur.

Provoquer la mise en piqué du V1 en fin de trajectoire. Au moment où le compteur parvenait à zéro, le « Zählwerk » déclenchait électriquement l’explosion de deux boulons explosifs situés sous le plan fixe du stabilisateur de queue. Cette action provoquait la chute du V1 et l’arrêt du pulsoréacteur. Le missile plongeait alors comme un caillou vers le sol (ce dispositif est décrit plus en détails dans la rubrique intitulée « Mise en piqué »).


Le V1 - La technique du « Winkelschuss »

Contrairement à une idée largement répandue, les V1 n’étaient pas forcément catapultés dans la direction de l’objectif et les rampes de lancement ne devaient pas obligatoirement être alignées dans l’axe de la cible, comme cela a trop souvent été affirmé. Si la plupart des rampes de lancement installées par les Allemands dans le nord de la France étaient pointées dans la direction de Londres, c’est simplement parce que la capitale britannique constituait la cible prioritaire désignée par Hitler. Cela ne signifie pas pour autant que ces rampes n’aient pas tiré des V1 sur d’autres agglomérations britanniques, comme Bristol, Southampton ou Portsmouth. En fait, une partie d’entre elles le firent, et souvent à de nombreuses reprises. Les Allemands avaient en effet mis au point la technique sophistiquée du « Winkelschuss », que l’on peut traduire par « tir angulaire ».

En d’autres termes, le V1 était catapulté dans une direction avant d’opérer un large virage qui l’amenait sur la trajectoire dirigée sur l’objectif. En général, la correction était programmée pour que le V1 effectue ce changement de cap au moment où il achevait sa grimpée en altitude et basculait en palier pour prendre son niveau de croisière.

Ce changement de cap était obtenu par l’action plus ou moins prolongée du gyroscope principal sur un électro-aimant influençant le compas magnétique. Cette opération était elle-même déclenchée par une horloge qui déterminait le moment, la durée et le sens de la correction.
Cette horloge était réglée avant le départ, en fonction de 3 paramètres que l’on devait entrer:

1. une manette permettait de déterminer le sens de la correction : vers la gauche ou vers la droite.

2. Le moment du déclenchement (Vorlaufzeit), à compter du moment où l’engin quittait la rampe.

3. La durée plus ou moins longue pendant laquelle le gyroscope agissait sur le compas par le truchement de l’électro-aimant (Drehzeit).

Cette durée était limitée à 60 secondes au maximum. Sachant que la correction angulaire obtenue était de 1° par seconde, cela signifiait que la correction potentielle était comprise entre 0 et 60° vers la gauche ou vers la droite. Soit une fenêtre de tir angulaire maximale de 120°. Cet angle de correction fut la conséquence d’une amélioration : au tout début de l’offensive contre l’Angleterre, en juin 1944, les 2000 premiers V1 tirés n’avaient encore qu’une possibilité de correction de 8°, soit une fenêtre angulaire limitée à 16°.

Durant le catapultage, le gyroscope principal était évidemment bloqué. Il était libéré lorsque le V1 quittait le bout de la catapulte, sous l’effet de la chute du berceau de lancement dont l’un des plots, engagé sous le ventre du missile, libérait un contact électrique qui déverrouillait le gyroscope principal. Cette technique élaborée permettait de tirer sur des cibles différentes à partir d’une seule rampe de lancement, sans nécessiter le déplacement ou le réalignement de celle-ci. Les Allemands surent l’utiliser au maximum et ne se privèrent pas d’envoyer des V1 sur à peu près toutes les grandes agglomérations du sud de l’Angleterre, au grand dam de la population qui compta de nombreuses pertes civiles…


Le V1 - La mise en piqué

La chute du V1 sur l’objectif désigné ne devait rien au hasard : elle était soigneusement calculée et techniquement provoquée.

Le moment du déclenchement de la chute du V1 était déterminé avant le lancement de l’engin, en fonction de la distance exacte séparant l’objectif et la rampe de lancement. Cette distance était introduite sous forme numérique dans le compteur électrique (Zählwerk) situé à l’arrière de la cellule. Cette opération était effectuée dans le bâtiment amagnétique de la base (Richthaus), lors des opérations de réglage précédant directement le lancement. Durant son vol de croisière, le V1 était maintenu sur sa trajectoire par le pilote automatique, sous le contrôle du compas magnétique qui corrigeait les éventuelles déviations de cap (rafales, vent latéral).
La distance parcourue en vol par le V1 était mesurée par la petite hélice du Loch, situé à la pointe du nez, qui était actionnée par l’avance du missile, sous l’effet du frottement de l’air dû à la vitesse. Plus le V1 avançait rapidement, plus l’hélice tournait vite. Tous les 50 m parcourus, le Loch envoyait une impulsion électrique au Zählwerk qui décomptait ainsi le trajet accompli par le missile.

Lorsque le décompte arrivait à zéro, le Zählwerk déclenchait automatiquement la chute du V1 en envoyant une impulsion électrique à deux boulons explosifs logés à la base du stabilisateur de queue.

L’explosion de ces boulons provoquait 2 actions simultanées :

1. le basculement d’un verrou qui bloquait les gouvernes de profondeur en position neutre tout en actionnant une vanne « guillotine » fermant l’arrivée d’air des 2 tubes de commande des servomoteurs (au début il s’agissait d’une électro-vanne, mais ce système se révéla trop fragile et peu fiable). Cette opération avait pour conséquence de verrouiller les volets de profondeur en position neutre.

2. la libération de 2 petits volets orientés à l’inverse de la trajectoire du V1, qui se déployaient sous l’intrados des plans fixes horizontaux du stabilisateur. Cette opération causait un déséquilibre longitudinal qui soulevait la partie arrière du V1 par rapport au nez de l’engin.
Ces 2 actions simultanées provoquaient la plongée du V1.

Sous la pression de la force centrifuge engendrée par ce piqué, le peu du kérosène qui subsistait était projeté et plaqué contre la partie supérieure du réservoir, ce qui coupait instantanément l’alimentation du pulsoréacteur et provoquait l’arrêt de son fonctionnement. D’où l’interruption du vrombissement signalant l’arrivée du V1 et l’« angoissant silence » décrit par tous les témoins, 5 à 15 secondes avant l’explosion...

N’étant plus propulsé, le V1 accentuait rapidement son piqué et plongeait comme une pierre vers le sol. L’impact déclenchait les fusées d’amorçage des détonateurs qui provoquaient l’explosion du missile.


Le V1 - Radiorepérage

On confond trop souvent le radiorepérage et le radioguidage.

• Le radioguidage consiste à diriger l’engin à distance, grâce à l’émission de un ou plusieurs faisceaux radio qui servent de guide au missile et qui l’amènent droit sur sa cible. Cette technique nécessite d’équiper l’engin d’un récepteur radio, en plus de l’émetteur embarqué. Des essais pour radioguider les V1 furent effectivement menés à Peenemünde à la fin de la guerre, mais le projet, bien que très avancé, ne put être appliqué en conditions opérationnelles avant la fin des hostilités. Aucun V1 tiré en opération n’a donc jamais été radioguidé, comme on l’entend encore trop souvent !

• Le radiorepérage consiste, en revanche, à suivre à distance la trajectoire d’un engin grâce à un signal radio émis par celui-ci. Ce signal est capté par trois stations d’écoute au sol, qui, par recoupement et triangulation des gisements, permettent de situer la position de l’engin. C’est ce qu’on appelle la radiogoniométrie. Cette technique ne permet en aucun cas de modifier ou d’influencer la trajectoire du V1 en vol.

Contrairement à une idée très répandue, les V1 tirés durant la seconde guerre mondiale n’étaient pas tous radiorepérés. En moyenne, seul un engin sur sept l’était. Au cours d’une salve, ces engins étaient intercalés parmi ceux qui ne l’étaient pas, de façon à suivre leur trajectoire finale pour déterminer leur point de chute. Cela permettait de modifier le réglage des engins suivants, de façon à corriger la trajectoire en compensant les éventuelles déviations dues aux conditions météorologiques (force et direction du vent, pression atmosphérique, etc.).
Pour éviter la détection prématurée du V1 par les Britanniques, l’émetteur télémétreur FuG 23 (Funk Gerät 23) logé dans le compartiment arrière était désactivé durant la majeure partie du vol de croisière au-dessus de la Manche et de l’Angleterre. Le signal n’était émis que durant la phase finale de la trajectoire, à l’approche de l’objectif. L’activation de l’émetteur était déclenchée par une impulsion électrique envoyée par le compteur (Zählwerk), environ 50 km avant que le V1 n’atteigne sa cible (la distance parcourue étant mesurée par le Loch).

L’émission du premier signal débutait 30 secondes plus tard, temps nécessaires pour préchauffer les 2 lampes du poste émetteur. La durée de l’émission était limitée à 5 à 6 minutes pour éviter un brouillage du signal.

Le FuG 23 n’émettait pas un son continu, mais envoyait un signal discontinu toutes les 10 à 12 secondes environ. Pour éviter un repérage trop facile par les Britanniques ou d’éventuelles contre-mesure, la fréquence était modifiable et variait d’un lancement à l’autre. Elle était réglée avant le départ, dans le Richthaus, sur une longueur d’onde comprise entre 340 et 500 KHz. Le son émis avait la particularité d’être modulé tant que le V1 était en vol et d’être démodulé dès l’arrêt du moteur provoquant la chute de l’engin. Cette subtilité technique permettait aux opérateurs radio des stations de repérage de déterminer avec précision le moment où le V1 amorçait sa plongée vers la cible. L’émission était captée au sol par 3 stations d’écoute goniométriques équipées de puissants radars FREYA (ou dérivés). Par triangulation, le recoupement des gisements obtenus permettait de déterminer la position exacte du V1 au moment de sa chute. L’information était aussitôt transmise au central radio « DOHLE » pour permettre l’exploitation par le PC du 155 FLAK REGIMENT et, le cas échéant, la modification éventuelle du paramétrage des engins suivants.

Les différents composants de l’émetteur télémétreur FuG 23 sont décrits plus en détail sous la rubrique « Emetteur radio ».


Le V1 - Radioguidage

Contrairement à une idée largement répandue mais erronée, aucun V1 tiré en opération durant la seconde guerre mondiale n’a jamais été radioguidé. En revanche, certains d’entre eux (un engin sur sept) étaient radiorepérés, ce qui est bien différent !

On confond trop souvent le radiorepérage et le radioguidage.

• Le radiorepérage consiste à suivre à distance la trajectoire d’un engin grâce à un signal radio émis par celui-ci. Ce signal est capté par trois stations d’écoute au sol, qui, par recoupement et triangulation des gisements obtenus, permettent de déterminer la position du V1. C’est ce qu’on appelle la radiogoniométrie. Cette technique fournit des informations utiles qui permettent de corriger le réglage des engins suivants, mais en aucun cas de modifier en vol la trajectoire des V1.

• Le radioguidage consiste en revanche à diriger l’engin à distance, grâce à l’émission depuis le sol d’un signal radio qui permet de modifier ou de corriger le cap du V1 et de changer sa trajectoire pour l’amener droit sur l’objectif.

Durant les derniers mois de la guerre, les Allemands travaillèrent effectivement à un projet de radioguidage du V1 et de nombreux essais dans ce sens furent entrepris au centre de recherches de Peenemünde.

L’objectif recherché était de permettre une correction du vol du V1 en fin de trajectoire, pour ramener l’écart de dispersion de 6 à 2 km à une distance de 400 km. La technique utilisée, mise au point par le DFS, utilisait un émetteur Ortungssender EWALD SAUERKIRSCH d’une puissance de 1 kW, fonctionnant entre 0,5 et 1 MHz. Le V1 catapulté effectuait la majeure partie de son vol sans aide extérieure, sous le contrôle normal du pilote automatique. Une fois arrivé à proximité de l’objectif, l’émetteur embarqué s’activait et envoyait un signal qui était capté par 3 stations d’écoute au sol. Le recoupement goniométrique des 3 gisements obtenus indiquait la position du V1. L’information était aussitôt transmise à une station émettrice qui envoyait une impulsion radio agissant directement sur le gyroscope du V1, permettant ainsi d’éventuels changements ou corrections de cap successifs. En procédant par petites touches répétées, on pouvait ainsi amener la bombe volante droit sur son objectif.
Le projet était très avancé en 1945 et la technique fonctionnait parfaitement. Au moment où le Reich s’effondra, elle était pratiquement au point mais elle ne put toutefois être utilisée en opération.


Le V1 - Système de propulsion

Contrairement aux turbines à gaz à flux régulier équipant les nouveaux chasseurs de la Luftwaffe (turboréacteurs), le pulsoréacteur du V1 fonctionnait de manière discontinue, à une cadence moyenne d’environ 47 pulsations par seconde. Son fonctionnement reposait sur le principe des vibrations harmoniques de l’air, sous l’effet de détonations se succédant très rapidement dans la chambre de combustion. Le principe de base est le même lorsqu’on souffle dans un tuyau, mettant ainsi l’air en vibration, ce qui provoque un son modulé lorsqu’il s’échappe sous pression par l’extrémité non obturée du tube.

Le bruit très particulier du pulsoréacteur du V1, souvent comparé à celui d’un moteur à deux temps ou d’une motocyclette mal réglée, était dû à l’ouverture et à la fermeture très rapide des clapets d’admission, cycle qui se renouvelait à une cadence de 45 à 50 pulsations par minute. La succession de ces explosions très rapprochées provoquait une vibration modulée, une sorte de vrombissement saccadé caractéristique, dont la fréquence pouvait atteindre jusqu’à 140 décibels à pleine puissance.

Le carburant utilisé était un mélange de kérosène à bas indice d’octane (combustible), facile à produire et à stocker en grande quantité, et d’air (comburant). Cet air fournissait l’oxygène nécessaire à la combustion. Il était directement aspiré par l’entrée frontale (diffuseur), tandis que le kérosène était injecté dans la chambre de chauffe par 9 buses (gicleurs) disposées sur la face arrière de la grille de l’obturateur.

Le fonctionnement du pulsoréacteur est décrit séparément, sous la rubrique « Fonctionnement » ; la mise en route du réacteur et l’amorçage du cycle sous « Allumage à froid ».


Le V1 - Le pulsoréacteur

Le V1 était propulsé par un pulsoréacteur ARGUS Ar 019-14 mesurant 3,66 m de longueur et pesant entre 138 et 153 kg (suivant l’épaisseur de la tôle utilisée pour son enveloppe : 2,5 ou 3,0 mm selon les versions). Faute de place, ce pulsoréacteur n’a pu être intégré au corps du missile dont la cellule était en grande partie occupée par le réservoir de carburant et par la charge explosive. Il était donc perché au-dessus du fuselage et supporté par deux montants verticaux. La poussée était transmise à la cellule par le support avant, constitué par une solide poutre tubulaire.

Ce type de réacteur, dont le fonctionnement différait totalement de celui des turboréacteurs équipant les nouveaux chasseurs à réaction, fournissait une poussée effective de 335 kgp. Par son principe même, il permettait de propulser l’engin à une vitesse de croisière de 650 km/h mais pas d’arracher le missile du sol. C’est pourquoi le V1 était tiré à partir d’une rampe de lancement, de façon à acquérir une vitesse de départ suffisante. La poussée initiale était fournie par une catapulte pneumatique intégrée dans la rampe, qui propulsait le V1 avec une force de 19 G (soit 19 fois son poids !). Pour garantir le fonctionnement autonome du pulsoréacteur, le missile devait en effet quitter la rampe à une vitesse supérieure à 241 km/h. En dessous de cette vitesse critique, la pression de l’air exercée sur la grille frontale était insuffisante pour permettre l’ouverture des clapets d’admission (lamelles métalliques formant ressorts).

La fabrication de l’enveloppe tubulaire du pulsoréacteur, constituée de simples tôles d’acier embouties à chaud et soudées entre elles, tenait plus de la chaudronnerie que de la mécanique. Le pulsoréacteur se présentait en effet comme un long tuyau cylindrique subdivisé en 5 parties. Contrairement aux turbines à gaz des jets et aux moteurs à piston classiques, il ne comportait aucune pièce mécanique en mouvement. Cette particularité, qu’il partageait d’ailleurs avec le statoréacteur d’Eugen Sänger, le rendait facile et rapide à produire, tant sa conception était simple. Vu sa rusticité, sa fabrication n’exigeait en effet ni main d’œuvre qualifiée, ni outillage et installation spécialisés, ni matériaux stratégiques rares. Son coût de production était donc très faible, comparativement aux moteurs fusées du V2 ou aux turbines, avec l’énorme avantage de pouvoir être fabriqué massivement et en sous-traitance, ce qui permettait une délocalisation de la production.

Le pulsoréacteur comportait 5 parties disposées en ligne les unes à la suite des autres :

1. le diffuseur (ou prise d’air)
2. l’obturateur
3. la chambre de combustion
4. le détendeur
5. la tuyère d’éjection

Chacune de ces parties est détaillée dans une rubrique spécifique à laquelle nous renvoyons les lecteurs plus amplement intéressés. Ceux qui voudraient en savoir plus sur le principe du pulsoréacteur, son mode de fonctionnement et son démarrage trouveront des informations complémentaires dans les rubriques intitulées « Propulsion », « Fonctionnement » et « Allumage à froid ».

Données techniques du pulsoréacteur :

Longueur totale du pulsoréacteur : 3,66 m
Poids total : 138 kg / 153 kg (selon les modèles et l’épaisseur de la tôle).
Consommation horaire : 27 litres /minute pour le modèle de base Fi-103 A1.
Cycle de fonctionnement : 45 à 50 explosions par minute
Epaisseur des tôles de l’enveloppe : 2,5 ou 3,0 mm (suivant les modèles).
Nuisance sonore : jusqu’à 140 décibels à pleine puissance.


Le V1 - Fonctionnement du pulsoréacteur

En schématisant, le fonctionnement du pulsoréacteur est le suivant :

1. Sous l’effet de la vitesse du V1, l’air aspiré par l’entrée frontale est canalisé par le diffuseur qui le comprime contre la grille de l’obturateur.

2. La pression ainsi exercée sur les clapets d’admission de la grille provoque l’ouverture des ressorts lamellaires qui sont rabattus vers l’arrière, permettant ainsi à l’air de pénétrer dans la chambre de combustion.

3. En s’engouffrant à travers la grille, l’air vaporise le kérosène injecté par les buses situées sur la face arrière de l’obturateur et se mélange intimement à lui dans la chambre de combustion.

4. Le mélange détonant ainsi formé explose spontanément au contact des parois, chauffées au rouge par les explosions précédentes.

5. L’onde de choc engendrée par la détonation rabat brutalement vers l’avant les ressorts lamellaires des clapets, fermant ainsi la grille de l’obturateur. Cela interrompt l’admission d’air et empêche les gaz de s’échapper vers l’avant.

6. Sous l’effet de la surpression, les gaz de combustion se dilatent violemment vers l’arrière et s’engouffrent dans le détendeur dont la forme tronconique convergente augmente encore leur vitesse (réduction progressive du diamètre tubulaire accroissant la compression des gaz).

7. Chassés avec force, les gaz brûlants se détendent à grande vitesse à travers la tuyère et sont violemment éjectés au bout du long manchon, produisant une flamme d’environ 3 m de longueur à l’arrière du V1. En prenant appui sur l’air ambiant, la poussée de 335 kg provoque un effet de réaction qui propulse le V1 vers l’avant.

8. L’éjection brutale du flux gazeux provoque une baisse instantanée de la pression dans la chambre de combustion, créant ainsi une dépression. L’effet de vide engendre un violent appel d’air qui, par aspiration, provoque automatiquement l’ouverture des clapets de l’obturateur sous la pression de l’air aspiré à l’avant.

Un nouveau cycle s’amorce alors et le processus se répète ainsi entre 45 et 50 fois par minute, jusqu’au moment de la chute de l’engin.


Le V2 ou A4

Entre le 6 septembre 1944 et le 28 mars 1945, plus de 3000 fusées V2 furent lancées en opération par des unités allemandes spécialement formées à cet effet. La plupart furent tirés sur la city de Londres et sur le port d’Anvers, mais Paris, Liège, Lille et Tourcoing furent également pris pour cibles par les Allemands, ainsi que d’autres villes de Belgique, d’Angleterre et du Nord de la France, dans une moindre mesure. La fusée A4 (pour Agreggat 4 : « engin n°4 ») était la deuxième arme miracle mise au point par les Nazis pour tenter de renverser l’issue de la guerre au profit du IIIe Reich (d’où le terme V2, abréviation de Vergeltungswaffe 2 : « arme de représailles n°2 »). A l’époque, c’était le plus grand missile balistique jamais construit et un véritable condensé de ce qui se faisait de mieux en matière de technologie de pointe. Sa mise au point, qui prit quinze ans (1930-1945), relevait d’un véritable défi technologique car la science des fusées, encore balbutiante, en était à ses premiers débuts. Tout était à inventer en matière de carburant, du propulsion ou de système de guidage, si bien que le projet relevait littéralement de la science fiction… Le fait qu’une A4 ait décollé et volé avec succès dès le 3 octobre 1942 témoigne de la gigantesque percée que les Allemands ont réalisée au centre de recherches secrètes de Peenemünde en quelques années sous la direction scientifique de Wernher von Braun et du général Walter Dornberger, chef du programme de développement de la fusée A4. Cet engin de mort était capable d’expédier une ogive militaire de 1 tonnes à une distance de 300 km en 320 secondes. Sa charge explosive était 7 fois supérieure à celle de la « Grosse Bertha » et sa portée atteignait le double du « Pariser Kanone », le fameux super-canon utilisé par les Allemands pour bombarder Paris et qui est encore considéré aujourd’hui comme avoir atteint la portée maximum possible pour un canon classique. L’offensive V2, déclenchée dans la nuit du 13 au 14 septembre 1944, se poursuivit sans relâche jusqu’au 28 mars 1945, date du dernier tir d’un missile. Elle causa des dégâts considérables et fit plusieurs milliers de victimes parmi la population civile des zones visées, sans compter les nombreux blessés et commotionnés. Conçue comme une arme de guerre psychologique, le V2 était destiné avant tout à terroriser les populations adverses, pour frapper les esprits et contraindre le gouvernement britannique à signer une paix séparée. Contrairement au V1 dont l’arrivée se signalait par un bruit pétaradant, le V2 était d’autant plus redouté qu’il frappait aveuglément et sans prévenir.

Aucun bruit, aucun indice ne signalait son arrivée. L’instant plus tard, vous étiez mort et tout un quartier d’une ville avait été rasé de la carte! Les Alliés se trouvèrent complètement démunis contre cette nouvelle arme diabolique qui frappait avec la vitesse de l’éclair et contre laquelle ils ne trouvèrent aucune parade. Après avoir atteint 5535 km/h et 28'000 mètres au moment de l’arrêt du système de propulsion – 63 secondes après son lancement - , le missile continuait à grimper sur sa lancée jusqu’à 80'000 mètres d’altitude en s’inclinant progressivement sur sa trajectoire pour décrire une grande courbe parabolique, puis retombait comme une pierre pour piquer sur la cible désignée. Sa chute libre n’était freinée que par la résistance de l’atmosphère et le frottement de l’air qui échauffait le métal du nez à 600°C. Arrivant à une vitesse fulgurante, le V2 percutait le sol à 800 m/sec (2880 km/h), ce qui déclenchait l’explosion des 750 kg d’explosifs à haut pouvoir brisant contenu dans l’ogive. L’énergie dégagée à l’impact était de 252 millions de Newton. Soit l’équivalent du choc d’un train composé de 50 locomotives de 100 tonnes chacune roulant à 100 km/h et percutant toutes simultanément ! L’effet de souffle était monstrueux. Si le V1 était capable de détruire un pâté de maison, le V2 pouvait ravager un quartier tout entier… Le V2 fut non seulement la première fusée à carburants liquides de l’Histoire, mais aussi le premier missile guidé à longue portée à devenir pleinement opérationnel et à être engagé sur le front. Ce fut également le premier engin fabriqué par l’homme à s’aventurer aux limites de l’espace. Sa technologie très élaborée, en avance de plusieurs décennies sur celle des Alliés, prouve que les Allemands étaient passé d’un engin expérimental capable de transporter quelques centaines de kilos à une véritable fusée industrielle, construite en série, et capable de fournir une poussée de 29 tonnes pour propulser un engin de 13 tonnes dans l’espace. Mais son élaboration fut longue, difficile et semée d’embûches… L’histoire de la fusée A4 est d’autant plus intéressante qu’il ne faut pas oublier que le V2 a servi de base pour le développement des premières générations de missiles de la Guerre Froide, tant du côté occidental que du côté communiste. En 1990, les missiles SCUD lancés par Saddam Hussein sur Israël durant la première guerre du Golfe en Irak n’étaient rien d’autre que des V2 améliorés. L’A4 est également à l’origine de tous les lanceurs spatiaux modernes de la seconde moitié du XXe siècle, y compris la navette spatiale américaine. La technologie mise au point par Wernher von Braun dans les années 1930 et 1940 a ouvert la voie aux développement des programmes spatiaux américains (Mercury, Gemini, Apollo), russes (Soyouz) et français (Ariane).


Un mystérieux éclair dans le brouillard

Le 29 octobre 1944, les lieutenants Donald A. Schultz et Charles M. Crane du 7ème groupe de reconnaissance photographique aérienne U.S. effectuaient une sortie de routine au-dessus de la région allemande de Mannheim à bord d’un P-38. Les conditions de visibilité étaient bonnes, les nuages ne couvrant que partiellement le ciel, si bien que la vue était dégagée jusqu’à l’horizon. Peu après avoir franchi le Rhin, les pilotes virent soudain un étrange projectile ayant la forme d’un gigantesque cigare surgir brusquement des arbres de la forêt à quelques centaines de mètres devant le nez de leur appareil. Ils remarquèrent une grande flamme de 10 m de longueur sortant de l’arrière du mystérieux projectile, laissant derrière elle une traînée de vapeur grisâtre. Bien qu’ils n’aperçurent l’engin que quelques instants, ils constatèrent qu’il ne s’agissait pas d’une de ces fameuses bombes volantes V1 que les Allemands expédiaient quotidiennement sur Londres depuis le 13 juin 1944. Crane pensa que c’était peut-être un nouvel avion à réaction nazi ou alors l’une de ces nouvelles armes miracles dont Goebbels avait menacé le monde à titre de représailles. Crane tenta aussitôt de positionner son appareil pour tenter de photographier le mystérieux objet et éventuellement l’intercepter. Mais le missile accéléra très rapidement, montant droit vers le ciel, si bien qu’il n’avait plus que quelques secondes pour déclencher ses caméras de bord avant qu’il ne sorte de son champ de vision, tant sa vitesse de grimpée était hallucinante. Il appuya sur le déclencheur et prit précipitamment trois clichés tandis qu’il décrivait par radio cet objet insolite à son coéquipier. Plus tard, Crane avoua qu’il n’avait en réalité pas vu l’engin d’une façon bien claire. Il estima qu’il devait avoir environ 15 mètres de long et un empennage de 5 m de large. La fusée se déplaçait tellement rapidement qu’elle eut vite fait de disparaître et le pilote renonça à engager une poursuite. Quand le film de Crane fut développé, on constata que malheureusement il n’avait pas réussi à cadrer l’objet insolite, si bien qu’il n’y en avait aucune trace sur la pellicule. La seule explication que put donner Crane fut que l’engin fuselé avait littéralement « disparu » dans le ciel. Il fut prouvé plus tard que l’objet mystérieux signalé par Crane et Schultz était bien un V2, la deuxième arme de représailles de Hitler. Cette rencontre du 29 octobre marque la première observation officielle d’un V2 côté allié. En réalité, cette nouvelle arme miracle était engagée par les Allemands sur le front depuis la nuit du 13 au 14 septembre, date du premier tir opérationnel contre Paris qui marque le début de l’offensive V2. Elle devait se poursuivre sans relâche jusqu’au 28 mars 1944 qui vit le dernier tir avant l’écroulement du Reich…


Descriptions techniques

Cette rubrique est consacrée spécifiquement aux caractéristiques techniques de la fusée V2 ou A4. Etant donné l’extrême complexité de la fusée, nous nous contenterons d’une description simplifiée. Les informations mentionnées ont été recoupées dans diverses publications sérieuses relatives au V2 et sont donc fiables.


L'ogive tactique

L’ogive tactique renfermant des explosifs à haut pouvoir brisant était placée à la pointe avant de la fusée, dans le cône du nez. Malgré une conception relativement simple comparée au reste du missile, la mise au point de cette ogive exigea un travail considérable des techniciens du centre de recherches de Peenemünde, car elle devait répondre à des spécifications contradictoires. L’explosif devait être le plus puissant possible mais ne devait exploser ni durant le lancement, ni durant la phase d’accélération et la rentrée de la fusée dans l’atmosphère. Il devait donc être insensible aux chocs, à la chaleur et aux fortes accélérations (qui atteignaient un maximum de 6 g au moment de l’arrêt du système de propulsion). Le détonateur avait des contraintes similaires : il devait pouvoir résister à une accélération de 6g et aux intenses vibrations induites par le fonctionnement du moteur-fusée durant la phase d’accélération, et en même temps, être suffisamment sensible pour provoquer l’explosion du V2 au moment de l’impact, tout en réagissant avec un léger temps de retard afin d’avoir un effet destructeur le plus efficace possible. A l’origine, il était prévu que la fusée emporte une tonne d’explosifs, mais ce chiffre dût être revu à la baisse du fait que la structure de l’ogive pesait à elle seule 250 kg, ce qui amena à réduire la charge à 750 kg si l’on voulait respecter la portée de 250 km spécifiée. L’explosif choisit fut l’Amatol, un explosif brisant de très forte puissance, composé d’un mélange de 40 % de TNT et de 60% de nitrate d’ammonium, qui offrait une bonne insensibilité aux chocs et à la chaleur tout en garantissant une forte brisure.

Cet explosif était enfermé dans une coiffe en acier conique de 6 mm d’épaisseur, profilée pour offrir le meilleur coefficient de pénétration, de façon que la résistance de l’air n’échauffe pas le nez à plus de 600°C lors de la rentrée du missile dans l’atmosphère. L’explosion de l’Amatol était provoquée par une charge primaire appelée F36, contenue dans un tube cylindrique de 3,5 cm logé au cœur de la charge et qui traversait l’ogive dans le sens de la longueur. Ce tube était rempli de penthrite et communiquait aux deux extrémités avec des détonateurs qui amorçaient simultanément la charge primaire aux deux bouts au moment de l’impact. Cette disposition avait été choisie pour accélérer l’inflammation de la charge principale et obtenir ainsi un meilleur effet brisant.

Le détonateur KZ-3 placé à la pointe du cône de l’ogive

Ce détonateur comportait un contact principal muni d’un dôme déformable et 2 contacts à inertie disposés perpendiculairement entre eux. Quand le dôme du contact principal percutait le sol au moment de l’impact, les coquilles internes et externes se déformaient et entraient en contact, fermant ainsi le circuit électrique qui provoquait la mise à feu. Les deux contacts à inertie perpendiculaires n’étaient là que par sécurité : ils étaient conçu pour fonctionner si par hasard le V2 touchait le sol en douceur, en se vomissant avec un angle d’incidence pratiquement nul, sans que la pointe du contact principal ne percute le sol. Un petit chapeau en silicone était placé à la pointe du KZ-3 pour le protéger durant les manipulation du V2 et éviter la déterioration du du dôme lors du choc de l’impact.

Le détonateur BZ-3 placé à la base du cône de l’ogive

Ce détonateur, placé à la partie inférieure du tube, ne comportait pas de contact déformable mais uniquement deux contacts à inertie fonctionnant selon le même principe que ceux du détonateur avant. L’action d’un seul de ces 5 contacts suffisait à déclencher l’explosion de l’ogive. Chaque détonateur était commandé par un double circuit électrique. Un premier interrupteur, contrôlé par une minuterie, ne fermait le premier circuit que 40 secondes après le lancement, pour éviter une explosion de la charge durant la phase de préparation du tir ou au moment du lancement. Un second interrupteur ne fermait le deuxième circuit qu’après l’arrêt du moteur de la fusée, soit environ 63 secondes après le tir du V2. Etant en série, ces deux interrupteurs commandaient les autres contacteurs. Si le moteur-fusée fonctionnait mal ou venait à s’arrêter précocement et que le second interrupteur se fermait avant le premier, cette redondance permettait de garantir que le détonateur resta désactivé, ce qui évitait normalement l’explosion de la charge si la fusée venait à retomber près du pas de tir. Ce système avait été prévu comme une sécurité pour le personnel chargé du lancement, vu les ratés qui avaient émaillé les essais à Peenemünde durant la phase de mise au point de l’A4. Cependant, ce dispositif ne paraît guère avoir été fiable car il y eut plusieurs fusées qui retombèrent très près de leur point de départ et qui explosèrent malgré tout, sans doute à cause de la violence de l’impact. Durant toute la guerre, on ne trouva que deux têtes de V2 qui n’avaient pas explosé !

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