Les chevaliers des temps modernes sont toujours en croisade. Il est impossible
d'évaluer leur nombre, car ils sont organisés en sociétés secrètes et rivales.
Certaines ont un pas de porte maçonnique, d'autres sont de faux nez financiers...
Quant à leur idéologie, elle est invariable: la survie de la chrétienté.
Jusqu'aux pires dérapages. Au matin du 18 mars 1314, les grands dignitaires de
l'ordre du Temple sont amenés devant Notre-Dame. Jacques de Molay et Geoffroy de Gonneville clament leur innocence. Rien n'y fait, le soir même, les légats du
pape Clément V les conduisent au bûcher pour " hérésie et corruption ".
Près de sept siècles ont passé. Et en ce début de XXIe siècle, des centaines de
prétendus héritiers de ces croisés perpétuent la tradition de l'ordre fondé par
Hugues de Payns après la prise de Jérusalem en 1119. Affublés de chasubles
marquées de la croix pattée des templiers, les chevaliers des temps modernes,
fidèles de saint Bernard de Clairvaux, continuent la lutte de la chrétienté
contre l'islam. Leur stratégie : la guerre idéologique.
Multiples chapelles
Les troupes sont disséminées en de multiples et fraternelles chapelles :
Association française des chevaliers du Christ, Chevaliers de l'alliance
templière, Bons Templiers, ordre du Temple d'Orient, Veilleurs du Temple, etc.
La liste n'en finit pas de ces sociétés secrètes rivales. C'est là tout leur
mystère. Car aucun spécialiste ne se risque à évaluer le nombre de leurs adeptes.
On dénombre en France une centaine d'organisations templières, qui comptent
entre 40 et 1 000 membres chacune. Difficile, dans ces conditions, de réaliser
le moindre recensement. D'autant que la caractéristique de ces sociétés, c'est
justement d'être secrètes. Pour corser le tout, la plupart des dignitaires
appartiennent à plusieurs organes. La double ou triple affiliation contribue
donc à brouiller les cartes. Enfin, certaines raisons sociales sont des poids
lourds de la mouvance. Ainsi la loge Opéra, scission maçonnique d'inspiration
templière, compte-t-elle à elle seule quelque 2000 membres. Quant à l'Amorc
(Ancien et Mystique Ordre de la Rose-Croix), il peut se prévaloir de 30 000
adhérents francophones, dont 10 000 pour le seul Hexagone. A quoi rêvent donc
ces affiliés ? A des valeurs qui seraient menacées et qui ont nom courage, action, foi en Dieu, attente messianique. Leur littérature fourmille ainsi de discours plus ou moins abscons. " Je suis frappé, raconte Renaud Marhic, auteur de "L'Ordre du Temple solaire. Enquête sur les
extrémistes de l'occulte", par la similitude entre le discours des templiers et
celui des catholiques intégristes. Les uns comme les autres regrettent la
décadence de l'Occident, prônent des valeurs moyenâgeuses et fraient avec les
mouvances royalistes. L'antimarxisme est leur combat commun. Le mythe de
l'Ordre a été réactivé au XVIlIe siècle, lorsque, en dépit de toute vérité
historique, des courants francs-maçons se sont inventé une filiation templière.
Napoléon Ier voyait plutôt d'un bon oeil cet ordre assez folklorique, rival de
ceux de Malte et du Saint-Sépulcre, reconnus par le Saint-Siège. Cela lui
servira dans ses rapports avec le Vatican.
XX°Siècle : la flamme se rallume
Au début de ce siècle, les ordres templiers, teutoniques et hospitaliers sont à la
mode aux Etats-Unis et en Europe. La mouvance est déjà un vrai capharnaüm. Les
militants les plus folkloriques sont des adeptes des jeux de rôle grandeur
nature, fascinés par les panoplies templières et les rites chrétiens du Moyen
Âge. Parfois, les ordres font office d'oeuvres de charité. Mais la raison sociale
n'est pas toujours louable. En 1936, la Nouvelle Milice du Temple, créée en
Belgique par quatre commissaires de police, défend les théories fascistes de
Léon Degrelle. En Allemagne, Adolf Hitler et des dignitaires nazis
entretiendront des liens étroits avec la société de Thulé et l'ordre du Vril.
Ces sociétés secrètes sont aussi des faux nez financiers très prisés pour servir
de camouflages à des magouilles en tout genre. Comme le remarque François
d'Aubert dans son ouvrage L'argent sale, enquête sur un krach retentissant,
les faux ordres de chevaliers de Malte pullulent dans le monde durant la
seconde moitié du siècle.
Au bas mot, la planète aurait compté jusqu'à une vingtaine d'ordres de Malte
usurpant la réputation de l'ordre hospitalier originel. Culte du secret, goût
des titres ronflants ou déguisement pour hommes d'affaires véreux ? Cela dépend.
L'une de ces " institutions " était une société anonyme domiciliée à Lugano, en
Suisse, qui délivrait distinctions en toc et faux passeports diplomatiques. Mais,
au-delà d'éventuels tours de passe-passe financiers, c'est la lutte idéologique
qui anime la plupart de ces obédiences, sur fond de mysticisme, souvent. Le 12
juin 1952, au château d' Arginy , dans le Beaujolais, l'ordre du Temple disparu
resurgit une fois encore. C'est dans ce même édifice qu'Hugues de Payns l'avait
fondé. Selon la légende, les chevaliers, avant de disparaître, y ont caché leur
merveilleux trésor. Au château d'Arginy, ce jour-là, l'éminent occultiste
Jacques Breyer rallume la flamme éteinte des croisades. Ses " miracles"
embrasent le petit monde de l'ésotérisme et raniment les moines-soldats. Jacques
Breyer est entouré d'émissaires maçonniques, notamment de la Grande Loge
nationale française (GLNF). Convaincus par cette renaissance de l'ordre, un
millier de frères férus de rites templiers quittent la GLNF et donnent naissance
à une nouvelle obédience: la loge maçonnique Opéra. Les services secrets, y
compris le Sdece, l'ancêtre de la DGSE, s'intéresseront de très près à la
résurgence templière née à Arginy, qui sera baptisée Ordre souverain du Temple
solaire (OSTS).
L'histoire des templiers est mouvementée. Pour des motifs politiques, on
s'arrache les enseignes de la chrétienté avec des méthodes parfois musclées. Les
luttes intestines sont de véritables guerres civiles. A l'automne 1970, lors
d'un convent au Salon des Républicains, à Paris, les hommes de Charly Lascorz,
responsable de l'Etec, une entreprise proche du Service d'action civique (SAC),
organisent un putsch au sein de l'Ordre souverain et militaire du Temple de
Jérusalem (OSMTJ), multinationale de l'ésotérisme créée au début du siècle. Des
lors, les barbouzes du Service d'action civique n'auront de cesse qu'ils
n'infiltrent les commanderies de l'ordre.
Des liens avec la CIA
La tuerie d'Auriol, en juillet 1981, de sinistre mémoire, est un épisode
tragique de l'histoire de l'OSMTJ. Jacques Massie, dont la famille fut massacrée
dans sa villa, était responsable départemental du SAC et membre de l'OSMTJ.
Profitant de cet épisode sanglant, les socialistes au pouvoir décidèrent la
création d'une commission parlementaire sur les activités de la police parallèle
gaulliste qui aboutit a sa dissolution.
C'était compter sans Pierre Debizet. L'homme fort du SAC avait assuré ses
arrières en créant le Mouvement initiative et liberté (MIL) en novembre 1981. De
source policière, MIL et OSMTJ continuent à entretenir des liens. Deux
informations que contestent fermement les dirigeants du MIL. Pour mettre leur
programme - nébuleux - en application, les nouveaux templiers ne font pas de
prosélytisme aveugle. Ils apprécient particulièrement de compter dans leurs
rangs des militaires, des policiers... Bref, des hommes d'action qui
représentent ainsi la puissance publique. Interrogé le 28 juin 1996 par la
commission d'enquête sur les sectes du Parlement belge, un policier français,
Roger Facon, évoquait la présence d'officiers de l'Otan au sein d'un ordre
templier, l'OSMTJ. Vérifications faites, il existe bien une Commanderie
militaire française Otan des chevaliers templiers de Jérusalem.
Ces chevaliers liés a l'OSMTJ ont organisé un rassemblement mondial le 16 mars 1996 à l'église américaine de Paris.
Ils semblent très établis dans les milieux de la défense. Plus étonnant encore:
d'après les fiches des Renseignements généraux, l'OSMTJ de France dépend de son
aîné américain. Or l'OSMTJ des Etats-Unis serait très lié à la CIA. Dans un
rapport d'enquête de 1991, le sénat de Belgique explique que le Public
Information Office (PIO), structure de propagande à la solde des Etats-Unis, a
infiltré l'OSMTJ dans les années 70. Car l'association avait été jugée " a
priori favorable aux thèses de l'armée ". En fait, l'opération d'infiltration
faisait partie du projet Gladio : après guerre, les services de renseignement
américains ont installé partout en Europe des réseaux dormants censés être
réactivés en cas d'attaque soviétique.
OTS : une caricature tragique
Jo Di Mambro, dirigeant de l'Ordre du Temple solaire (OTS), fréquentait des
membres de la fameuse loge Propaganda Due (P2) du Grand Orient d'ltalie, très
liée aux réseaux Gladio. L'autre gourou de l'OTS, le médecin homéopathe Luc
Jouret, était proche des services secrets belges. C'est aussi le cas de son
successeur, repreneur désigné de la secte, Denis Guillaume, un ancien des ESR
(Équipes spéciales de reconnaissance) belges. L'Ordre du Temple solaire était la
caricature tragique de ces organisations à tiroirs qui comportent divers degrés
d'initiation et entretiennent autant de caches secrètes. Cette secte était
d'ailleurs largement inspirée par deux" piliers " de la mouvance templière - Luc
Jouret avait été membre de la loge Opéra, mais aussi de l'Ordre rénové du Temple
(ORT), proche de l'Amorc. Joseph Di Mambro, lui, avait appartenu à l' Amorc,
dont il avait été l'un des hiérarques comme grand maître de la loge Debussy à
Lyon. Après la double tragédie de l'OTS, doit-on redouter que certaines
officines templières se montrent aussi meurtrières ? La lecture de leurs
nombreux écrits, interdits aux non-initiés, ne permet pas de conclure, même si
la mystique de la mort y est omniprésente.
Soupçonné par les enquêteurs belges et luxembourgeois d'être impliqué dans le «casse du siècle» commis lundi dernier au préjudice de la Brink's Ziegler à Luxembourg, D.G., l'ex-commandant parachutiste belge et ancien chef de la sécurité de la firme de transport de fonds préjudiciée, a réfuté dimanche, dans une interview au journal «Le Républicain Lorrain», toute participation à cette attaque qui a rapporté à ses auteurs plus de 600 millions de francs(Le Soir des 22 et 23 avril). Qu'il y ait un casse en France, en Suisse en Belgique ou au Canada, c'est à moi que l'on pense. Tout a commencé avec l'affaire de l'OTS (NDLR: l'Ordre du Temple solaire) car j'ai eu comme ami intime Luc Jouret (le gourou de la secte). Après les suicides collectifs, explique D.G., je me suis mis à la disposition de la justice mais il n'y a jamais eu de collaboration. J'ai fait l'objet de perquisitions, d'interrogatoires jusqu'à ce qu'ils mettent en exergue mon passé militaire et qu'ils me soupçonnent même d'être membre des troupes de choc. J'étais le suspect idéal. Aujourd'hui, je le redeviens après chaque braquage. Dans cet interview, D.G. dénonce le harcèlement dont il dit avoir été victime de la part des policiers belges chargés de l'enquête sur l'OTS. Il déplore l'acharnement de la commission d'enquête parlementaire belge sur les sectes. et se désole que des plaintes sans fondement aient été lancées contre lui suite à des attaques de fourgons blindés. Tout cela est invraisemblable. [.........] Dans toute cette histoire, conclut D.G., ce qui est la cause de mon «malheur», c'est d'avoir pris publiquement la défense d'un type comme Jouret. Au lendemain des suicides collectifs dont furent victimes en Suisse, en France et au Canada, des adeptes de l'Ordre du Temple solaire, D.G. s'était commis d'un livre «Luc Jouret, toujours vivant» prenant la défense de son ancien compagnon d'armes, le médecin-parachutiste avec lequel il avait sauté sur Kolwezi en 1978.
OTS : ce que le juge a vraiment trouvé
Un officier de réserve belge, ex-commandant des ESR, prend la défense posthume de Luc Jouret : «Il ne s'est pas suicidé. On l'avait menacé».
Le meilleur ami (vivant) de Luc Jouret est un Belge, nous l'avons retrouvé en province de Luxembourg... Et le moins qu'on puisse dire est qu'il n'est pas n'importe qui : ancien militaire, commandant de réserve, Denis Guillaume a 42 ans et était, jusqu'à sa démission, en novembre 1992, l'un des éléments les plus brillants des ESR (équipes spéciales de reconnaissance), ces para-commandos spécialisés dans l'infiltration des lignes ennemies et le renseignement. Durant deux ans, il en a même commandé le détachement «Equipes» - les ESR proprement dites.
Victime d'un grave accident de parachute (dont il s'est remis, mais qui a ouvert une parenthèse dans sa vie) et visiblement préoccupé par les «suicides » collectifs de l'ordre du Temple solaire pour de sraisons personnelles, l'homme laisse désormais poindre sur son visage une faiblesse émotionnelle. Mais il reste un «dur», formé en outre à l'école des para-commandos et du renseignement, idéaliste certes, mais aussi étranger au monde des sectes et de l'occulte qu'un singe face à une planche à repasser.
De par sa formation cartésienne - l'école des Cadets, puis le renseignement militaire -, il n'y a pas chez lui l'ombre d'une paranoïa. Il ne croit pas à un quelconque «complot». Et c'est bien pour cette raison que «le Soir» lui prête aujourd'hui un certain crédit, en répercutant son propos.
DEUX MANUSCRITS RETROUVÉS
C'est chez lui, à la demande du juge Bruno Bulthé, que les gendarmes et les agents de la Sûreté de l'Etat ont réalisé une première perquisition le 19 septembre dernier, dans le cadre de l'instruction ouverte sur l'existence éventuelle d'un ordre du Temple solaire en Belgique.
Le 19 est une date importante, et l'opération n'est pas mince : au même moment, un Français est appréhendé par les forces de l'ordre de l'Hexagone, et placé en garde à vue pendant une dizaine d'heures. Ce Français était en relation avec Denis Guillaume, l'opération policière est donc coordonnée au niveau international. Une troisième, et même une quatrième action policière, se dérouleront d'ailleurs le même jour, en Belgique.
Chez Guillaume, ordinateur, cassettes audio et vidéo, courrier divers ont été saisis par les enquêteurs, ainsi que deux manuscrits, dont l'un se compose de 80 à 100 pages A4 dactylographiées. Ce manuscrit, dont un éditeur canadien possède désormais une copie (1), est de loin le plus intéressant et retrace l'histoire des relations entre cet officier de réserve et Luc Jouret, de 1977 à 1994, quelques semaines seulement avant la mort du médecin belge (l'autre est plus ancien).
Je connais bien Luc Jouret, dit-il. Si j'ai eu deux amis véritables dans ma vie, ce sont un ami d'enfance et puis lui. C'est une amitié partagée, et, qui plus est, une amitié de vingt années. Chez les paras, j'étais son chef de peloton. Il était le médecin de ce peloton, un excellent médecin d'ailleurs : on a fait la Corse, puis Kolwezi en 1978. Et on s'est toujours revu. A Léglise, il exerçait à quinze kilomètres de chez moi. En 1982, lorsqu'il est parti vers Annemasse, moi je gagnais l'Allemagne et les ESR, mais on se déplaçait tout spécialement pour se rencontrer. Je ne l'ai perdu de vue que lorsqu'il a gagné le Canada, en 1986.
Début 1994, alors que nous n'étions plus qu'en contact téléphonique depuis plusieurs années, j'ai souhaité le revoir. Et le contact s'est renoué au printemps. On s'est vu plusieurs fois durant l'été, jusqu'en septembre 1994 (Ndlr : le premier suicide de l'OTS remonte aux tous premiers jours d'octobre 1994).
LACUNES JUDICIAIRES ?
Si Denis Guillaume parle aujourd'hui à découvert, c'est parce que, ébranlé par le dossier «ordre du Temple solaire», il a parcouru les différents pays concernés, mené son enquête et rencontré divers témoins qui l'ont conforté dans son approche du dossier. En substance : «primo», Luc Jouret ne serait pas entré dans une secte; « secundo», il serait impensable qu'il se soit suicidé; «tertio», Jouret a effectivement reçu des menaces avant son décès.
Partant du principe que les articles publiés dans la presse seraient des « tombereaux d'âneries» et qu'il n'a jamais rencontré un seul témoin pour dire que Luc Jouret était un salaud, tout au contraire, Denis Guillaume pense dès lors que l'enquête judiciaire suisse comporte des lacunes importantes. Qui alimente la thèse de la «secte» ? H., qui a quitté le groupe en 1992, pour créer son propre groupe. Et, comme par hasard, il est là, de retour, en 1994, au moment du premier suicide ?
(...) Qui est venu reconnaître le corps de Jouret, et son écriture ? Sa compagne, de 1982 à 1984, avec laquelle Luc Jouret a eu un fils. Et Guillaume de remarquer qu'il y a un écart de dix ans entre la rupture avec cette compagne et le «suicide».
PAS D'OTS EN BELGIQUE
En ce qui concerne l'OTS en Belgique, Denis Guillaume est formel : Il y a eu en Belgique un club Archédia, qui a organisé, vers 1987, des conférences de Luc Jouret. Que celui-ci n'est jamais venu donner, d'ailleurs. Mais jamais il n'y a eu d'OTS en Belgique. Quand Luc venait en Belgique, il prenait l'avion pour me voir personnellement, je le remettais dans l'avion, et il ne visitait aucune autre connaissance sur le territoire belge.
Sur le personnage Jouret, il n'est pas moins catégorique : Luc Jouret a, de fait, rencontré Marion Viseur (NDLR : fondatrice de la secte belgo-espagnole Sierra 21), mais jamais il ne serait rentré dans une secte. C'était quelqu'un de très raisonnable, qui ne m'a jamais tenu de propos étranges. Jamais il n'aurait marché dans un «transfert sur Sirius» ! Il dénonçait les sectes, les ordres templiers, et c'est précisément les vicissitudes des autres ordres templiers qu'on lui renvoie à la figure...
MENACES SUR JOURET
Il avait reçu des menaces précises : en août 1994, on lui avait communiqué au téléphone : «Luc Jouret, si tu continues tes menées politiques, tu sera liquidé». En 1986 déjà, il avait reçu la visite d'un directeur d'usine pharmaceutique, de la région d'Annemasse, qui lui avait laissé entendre qu'un «accident était vite arrivé».
Luc Jouret n'aurait-il pas pu être manipulé ? La dernière fois que je l'ai vu, dit Guillaume, quelques semaines à peine avant sa mort, il n'était nullement perturbé. Il était un peu fatigué. Assez étrangement, il a «consulté» le Dr (X), dans le Vaucluse, qui a remarqué qu'il ne semblait pas dans son état normal. Réponse de Jouret : «Ah, toi aussi, tu l'a remarqué ?». Il aurait pu être sous influence de drogue, sans le savoir. C'est curieux. Quinze jours avant le drame, il a commandé au pharmacien (Y), à Brest, des remèdes homéopathiques qu'on ne prescrit que pour des cas dépressifs, mais qui ne lui étaient pas destinés.
«In fine», la thèse de Guillaume serait proprement ahurissante si elle ne provenait précisément d'un professionnel des armes et de certaines techniques militaires : Pour moi, il n'y a jamais eu de secte là-dedans. Et jamais de transit vers Sirius : ce sont des liquidations. Si vous examinez individuellement le dossier des victimes du «2e transit», ce ne sont que les témoins gênants du «premier transit». (...) Par ailleurs, consultez les conclusions finales du dossier judiciaire suisse : il n'y a rien là-dedans, rien de tangible.
ALAIN LALLEMAND
(1) Louise Courteau, des éditions Louise Courteau, nous a effectivement confirmé son intention de publier le manuscrit de Denis Guillaume, qui, saisi par la BSR, a été rendu à son auteur et transmis au Canada. Il devrait être doublé des conclusions générales du juge d'instruction suisse André Piller.
(1) Louise Courteau, des éditions Louise Courteau, nous a effectivement confirmé son intention de publier le manuscrit de Denis Guillaume, qui, saisi par la BSR, a été rendu à son auteur et transmis au Canada. Il devrait être doublé des conclusions générales du juge d'instruction suisse André Piller.
Florilège : le fils de Jouret, le SGR, l'abbé Motmans
Visiblement, le dossier du juge Bulthé regorge - ou plutôt : doit regorger - de pépites, même si la cellule d'enquête «sectes» n'a rien trouvé de franchement révolutionnaire. Ainsi, il se confirme, par exemple, que Luc Jouret a un fils adolescent... C'est intéressant dans la mesure où on a souvent affirmé que la perte de son premier enfant, à l'époque où il vivait à Léglise, l'avait privé de paternité et donc d'un certain équilibre.
Plus immédiatement intéressant pour nos nationaux : un curé belge, l'abbé Motmans, originaire de Hasselt mais officiant à Clairefontaine, «crossé» par ailleurs par l'Evêché en février 1992 pour ses tendances «Nouvel Age». Il a bien connu Di Mambro (et Jouret ?) dans des circonstances qu'il reste à éclaircir. Nous l'avons contacté, et il reconnaît fort ouvertement avoir rencontré Di Mambro. Mais il nie avoir jamais croisé Luc Jouret. Quant aux autres éléments du dossier, M. Motmans nous dit se confesser aux autorités judiciaires, pas aux journalistes. Dieu n'est donc plus le seul, ces jours-ci, à fréquenter le confessionnal de l'ancien aumônier des armées : l'esprit de la Sûreté de l'Etat et de la BSR plane sur Clairefontaine...
Enfin, qu'en est-il de cette sombre histoire de SGR - le renseignement militaire -, de «fuites» compromettant les enquêtes du juge Bulthé (« Le Soir» du 31 octobre), et même, a-t-on évoqué, de policiers belges pris eux-mêmes en filature par des professionnels ?
Notre compréhension actuelle des choses est que la piste «Guillaume» aurait été transmise aux enquêteurs via l'un de ses voisins éphémères, professeur en activité et lui-même officier de réserve. Cet officier de réserve aurait usé de ses relations au SGR pour savoir dans quelle mesure l'enquête officielle concernait bien son voisin Guillaume. Et ce dernier a donc effectivement été prévenu - par celui-là même qui l'avait «signalé» aux autorités ? - de l'existence d'une enquête à son sujet avant la perquisition à son domicile. Tout cela ne fait pas très soigné...
"Ne rien nier à priori, ne rien affirmer sans preuve."
Dr. Robert RENDU