Des services secrets, nous ne savons que les échecs et rarement les succès. Si l'échec provoque l'anathème, l'ingratitude est fille de la victoire. Quand à la gloire, il faut l'oublier, elle est pour les autres...

mercredi 15 octobre 1997

Rapport de la Commission d’enquête parlementaire belge sur les pratiques illégales des sectes

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M. Bulthé rappelle que dans le cadre de sa mission, il a été confronté, tout comme les enquêteurs, avec la difficulté de concilier, d’une part, les principes constitutionnels (liberté de culte, liberté d’expression, droit d’association, ...) et la législation sur la protection de la vie privée et, d’autre part, la dangerosité constatée que représentaient certains mouvements et individus, tant au niveau de la manipulation mentale que de l’incidence que pouvait avoir leur comportement sur la vie sociale en général.

Il ajoute qu’il a été frappé par le fait que des personnes qui se situaient clairement dans la mouvance de l’OTS n’en parlaient qu’avec réticence ou niaient carrément en avoir un jour fait partie. Il s’agissait généralement d’adeptes d’un bon niveau intellectuel, faisant preuve de bon sens, sans casier judiciaire et pour qui le passage à l’Ordre constituait une sorte d’étape dans leur vie.

Il faut pourtant rappeler qu’en France, des membres qui avaient déclaré début 1995 ne plus faire partie de l’OTS, se sont pourtant retrouvés en décembre 1995 parmi les morts du Vercors.

Partant de là, M. Bulthé se déclare, tout comme ses enquêteurs, convaincu qu’en Belgique, il reste entre 10 à 20 personnes qui, à un moment donné, sont susceptibles d’effectuer la même démarche.

Le juge d’instruction signale à ce propos qu’à son retour d’une commission rogatoire au Canada, M. François lui avait signalé fin février, début mars de cette année que les autorités canadiennes redoutaient de nouveaux transits.

C’est pourquoi, lorsqu’il a appris, le 23 mars dernier, les événements tragiques de St Casimir (Québec - 5 morts), il n’a pas hésité à prendre une série de mesures préventives sur le territoire belge, dans la mesure où il n’excluait pas des réactions ou des attitudes similaires chez nous.

Ainsi, il est acquis que si dans les heures qui suivaient le drame, on avait vu des groupes de 5 à 10 adultes, accompagnés d’enfants, se rassembler dans des endroits déterminés, les services de police mobilisés en ce sens seraient intervenus.

Des précautions similaires avaient d’ailleurs été prises entre le 18 et le 23 décembre 1996 à l’occasion du solstice d’hiver. Les solstices et les équinoxes constituent à cet égard des dates très importantes, comme les événements de St Casimir (équinoxe de mars) viennent d’ailleurs de le démontrer.

LES VICTIMES DE L’ORDRE DU TEMPLE SOLAIRE

A ce propos, il est expressément renvoyé au chapitre IV de cette partie du rapport, consacré à une étude de M. Trousse sur les circonstances du décès de 74 personnes, survenu dans le cadre des activités de l’OTS.

1- Morin Heights (Québec - Canada)

Un couple et son enfant y ont été tués d’une façon tout à fait crapuleuse. C’est ainsi que M. Dutoit a été attiré, sous un faux prétexte, dans le sous-sol de l’immeuble qu’occupait Dominique Bellaton, où il a été frappé à l’aide d’une batte de base-ball, avant de recevoir 50 coups de couteau.

Son épouse, Nicky Dutoit, a été poignardée de 14 coups de couteau. Suivant les instructions qu’ils ont reçues, les deux meurtriers ont ensuite tranché la gorge de leurs victimes, qui sont mortes exsangues. Il semblerait que dans certains rituels, tuer d’une telle manière empêcherait ces personnes de procréer dans l’au-delà.

Pour achever leur oeuvre, les assassins ont ensuite poignardé, d’au moins une vingtaine de coups, Christophe Emmanuel Dutoit, un bébé qui n’avait pas 3 mois. Ils lui ont, en outre, enfoncé un pieu de bois dans le thorax.

D’aucuns prétendent que les motifs de ce carnage se trouvent dans la décision des époux Dutoit de prénommer leur fils Emmanuel, prénom de l’enfant que J. Di Mambro vouait à sa succession à la direction de l’OTS. De leur part, il s’agissait, aux yeux de certains, d’un acte de révolte inadmissible, d’une volonté d’élever un antéchrist autre que la fille de Di Mambro.

Deux personnes vont également se suicider au même endroit (fin septembre-début octobre 1994).

2- Cheiry (Suisse)

Vingt-trois personnes y ont été assassinées à la ferme de la Rochette. L’autopsie a révélé que toutes les victimes, sauf une, avaient dans leur organisme des traces de benzodiazépine. A quatre exceptions près, ces personnes ont été tuées d’une ou plusieurs balles dans la tête.

M. François fait visionner par la commission les extraits d’une cassette tournée sur les lieux du drame. Il précise qu’une des victimes n’était certainement pas prête à mourir volontairement, puisqu’elle n’a pas été droguée et qu’on l’a retrouvée avec des gestes de protection vis-à-vis du tueur.

Le témoin rappelle qu’on a retrouvé à cet endroit les corps d’Albert Giacobino et de ceux des adeptes qui étaient contre la poursuite des activités de la secte. Il semble d’ailleurs que la plupart d’entre eux n’étaient pas d’accord d’effectuer le " transit ".

M. Bulthé ajoute que M. Giacobino était en litige avec l’OTS et souhaitait retirer ses billes, ce qui fut, à tout le moins, très mal perçu par Jo Di Mambro et quelques autres. Il précise que, parmi les victimes, une femme ne portait qu’un slip sous sa cape, ce qui n’est pourtant pas explicable par le rituel du mouvement.

M. François ajoute que selon son propre aveu, la police suisse n’était pas du tout préparée à ce phénomène et n’avait pas connaissance de l’existence de cette secte sur son territoire ou, en tout cas, des dangers qu’elle pouvait représenter.

3- Salvan (Suisse)

On y retrouvera 25 victimes, parmi lesquelles les Belges Josiane Kesseler et Luc Jouret. Pour les experts, l’identification des victimes est incontestable.

Ces personnes ont reçu un mélange de drogues, administré en injection ou en perfusion.

La piste australienne - où d’aucuns ont cru reconnaître Luc Jouret - évoquée lors de la première audition, a été vérifiée, et il est acquis que la personne qui s’y est déplacée sous une fausse identité, n’était pas Luc Jouret.

M. François indique qu’une cassette, trouvée sur place après l’incendie, semble avoir été tournée par Joseph Di Mambro peu de temps avant le décès des personnes. On y voit notamment Luc Jouret et Camille Pilet participer avec d’autres à ce que l’on pourrait appeler un dernier repas (la " dernière cène "). Pilet, homme d’affaires et un des grands financiers de la secte, paraît être en transe et se déclare en contact avec l’au-delà.

Sur l’enregistrement, on repère également deux ou trois enfants étendus sur un lit. Les photos des constatations judiciaires montreront les enfants dans la même position et avec les mêmes vêtements, ce qui pourrait indiquer que la vidéo a été tournée très peu de temps avant le " transit ".

M. François confirme que, selon les conclusions de l’enquête sur place, les auteurs du drame sont morts dans les incendies mais qu’il est impossible d’en apporter la preuve formelle.

4- Le Vercors (France)

Seize personnes, dont trois enfants, y ont trouvé la mort. Le policier français Lardanchet et un ressortissant suisse, M. Friedli, y ont exécuté les 14 autres, avant de se donner la mort.

Selon les enquêteurs, rien ne prédisposait ces personnes à faire partie d’un " transit " définitif. Il faut, à cet égard, rappeler qu’au sein du mouvement, il n’y avait apparemment plus de gourou susceptible d’amener les victimes à effectuer cette démarche.

Certes, M. Tabachnik est encore vivant mais il n’est pas exclu que d’autres gourous, non connus, dirigent le mouvement et soient susceptibles de donner, à certains moments, des injonctions en vue d’un nouveau " transit ".

M. Bulthé a l’impression, après avoir envoyé ultérieurement ses enquêteurs sur place, que les services spécialisés français étaient peu enclins à aider la justice belge, ce qui a pu influer sur l’attitude de la justice française par rapport à la commission rogatoire de notre pays.

5- Saint-Casimir (Québec - Canada)

Il y a eu 5 victimes.

Une première tentative a avorté, dans la mesure où les enfants ont été réveillés par une odeur de gaz et n’ont plus voulu accompagner leurs parents dans le " transit ". Le lendemain ou le surlendemain, une nouvelle tentative a eu lieu et a réussi pour les cinq adultes ; les enfants ont été endormis et laissés en vie.

Dans la mesure où pour ces morts il y a peut-être eu un degré de participation des enfants, le procureur local s’interroge sur le fait d’inculper ou non les enfants. La question de leur intention formelle est posée.

Dans ce contexte, il se pourrait qu’on admette que les enfants n’aient pas eu l’intention de tuer mais d’aider leurs parents à " transiter ", ce qui cadre d’ailleurs avec la " philosophie " des victimes.

LA LISTE DU DRAPIER

Il s’agit d’une des listes des membres de l’OTS, où Luc Jouret est repris avec la nationalité canadienne. Quatre des cinq victimes de St-Casimir figurent d’ailleurs sur cette liste. Le juge Bulthé estime que si cette liste est très intéressante, il ne faut cependant pas en surestimer l’utilité ; il faut d’ailleurs de temps à autre remettre en question sa fiabilité.

DENIS GUILLAUME

Il a rencontré Luc Jouret en 1978, lors de l’intervention belge à Kolwezi, où ils se trouvaient ensemble en tant que paras. Lui-même était un excellent officier parachutiste, membre des ESR.

En 1992, suite à certains problèmes rencontrés et bien qu’on lui attribue un profil de bon père de famille, il quitte les forces armées, puis son foyer.

Selon le témoignage d’un de ses proches, il serait alors parti rejoindre les " ordres " et lui qui avait toujours eu des difficultés d’ordre pécuniaire, semble soudain avoir une meilleure assise financière. Il se fait aussi inscrire à des fausses adresses, qui ont toutes un lien avec Jouret et l’OTS.

Il faut, par ailleurs, signaler que Denis Guillaume et Luc Jouret auront des contacts très réguliers jusqu’à la mort de celui-ci. C’est ainsi qu’il sera invité au second mariage de Luc Jouret au Canada.

Guillaume prétend d’ailleurs être en contact avec Luc Jouret par l’écriture automatique. Il a rédigé un ouvrage intitulé " Luc Jouret toujours vivant ". Certaines de ses déclarations varient aussi en fonction de l’évolution des événements.

M. François ajoute que Denis Guillaume approuve sans réserve tout ce que Luc Jouret a fait. Il entend d’ailleurs le réhabiliter. Il désire notamment créer une ferme homéopathique.

Quant au manuscrit de l’ouvrage consacré à Luc Jouret, 80 feuilles de celui-ci ont échappé aux enquêteurs. L’éditrice canadienne de l’ouvrage, qui lui a d’ailleurs donné son titre, n’a pas souhaité en donner le texte complet.

Comme indiqué ci-dessus, Denis Guillaume fait preuve d’une adhésion inconditionnelle vis-à-vis de la personne de Luc Jouret. Dans son manuscrit intitulé " Luc Jouret, toujours vivant ", il affirme qu’à l’occasion d’une de leurs dernières rencontres, peu avant la mort de Jouret, ce dernier lui aurait demandé de continuer son oeuvre, de " reprendre le flambeau ". D’après M. François, il ressort des interrogatoires à ce sujet que Denis Guillaume croit réellement à cette mission, même si, depuis lors, il a fait à plusieurs reprises marche arrière par rapport à ses prises de position initiales.

Par ailleurs, de manière informelle, M. François a appris que lors de son voyage au Canada, M. Guillaume a pris contact avec diverses personnes, dont une qui se montre aujourd’hui critique à l’égard de l’OTS. Il a également rencontré la famille Jouret en Belgique, ainsi que quelques autres personnes en France, dont la famille Jaton.

Denis Guillaume se considère comme un chevalier des temps modernes. Il déclare avoir rejoint l’armée pour réaliser son idéal : " Je quitte prématurément l’école militaire pour entrer dans l’ordre de chevalerie de notre époque, les parachutistes (...). J’ai ressenti l’envie de revêtir à nouveau l’armure de chevalier. Il fallait que je reparte en croisade. La croisade des années 1970, c’était la guerre contre le communisme de l’Union soviétique, l’empire des ténèbres ! "

Ses écrits indiquent donc plutôt un compagnonnage d’extrême droite entre lui et Luc Jouret. A la question de savoir comment expliquer le passage de Luc Jouret de l’extrême gauche maoïste à une idéologie d’extrême droite, M. François relève l’hypothèse (défendue notamment par M. Facon) selon laquelle les différents événements qu’il a vécus (dont son expérience au Zaïre), ainsi que ses différents contacts avec des représentants de groupements néo-templiers, dont celui de Julien Origas, l’ont totalement fait changer d’opinion.

Par ailleurs, il ressort des interrogatoires d’Armand Van Ghyseghem, exploitant de deux librairies ésotériques à la chaussée de Charleroi à Bruxelles, que Willy Vassaux (le co-successeur de Jean-Marie Parent avec Roger Facon) et Luc Jouret auraient travaillé ensemble dans l’armée belge et auraient infiltré des groupes ésotériques à la demande du PIO (Public Information Office), dirigé par le major Bougerol.

Concernant l’enquête menée à propos de Denis Guillaume, M. François confirme que les intentions des enquêteurs à son sujet ont été portées à sa connaissance, ce qui a fait échouer certains de leurs plans. En outre, M. Bulthé souligne qu’au moins un de ses enquêteurs a eu manifestement le sentiment d’être suivi, probablement par d’autres services. A une question en ce sens, M. Bulthé répond que des problèmes de ce type ne se sont plus posés depuis lors, les personnes cibles évoluant dans cette mouvance ayant en grande partie été entendues.

Le témoin souligne encore que plusieurs de ces personnes, et notamment Denis Guillaume, ont entrepris des démarches auprès de journalistes, tant en Belgique qu’à l’étranger, entre autres à la suite des événements récents de Saint-Casimir. Le témoin ne peut se défaire de l’impression qu’il s’agit là d’une véritable stratégie du mouvement.

En réponse à une question, M. Bulthé confirme qu’il ressort de l’interrogatoire de M. Guillaume qu’en 1983, celui-ci avait fourni des armes à Luc Jouret, à la demande de ce dernier. Les armes fournies étaient un P38 et une carabine .22 LR. Les munitions ont également été fournies par M. Guillaume. A l’époque, celui-ci était encore officier paracommando.

M. François ajoute que vérifications faites en Suisse et au Canada notamment, des armes de ce type n’ont pas été utilisées. Les armes fournies par Denis Guillaume ont vraisemblablement disparu en 1993, suite à l’inculpation de Luc Jouret au Canada dans un dossier relatif à la possession d’armes. En fait, des membres des services de renseignement canadiens ont, à l’époque, proposé de lui vendre ces armes. Jouret aurait accepté de procéder à une telle transaction, dans le but de réaliser des attentats. Des écoutes téléphoniques ont également été faites. La secte se serait ensuite déplacée vers la Suisse, ses membres se sachant surveillés.

L’arme qui a servi aux assassinats de Salvan est le pistolet Smith & Wesson .22 LR acheté par Joël Egger en 1993 à l’armurerie Free-Sport à Granges-Paccot en Suisse.

A la lumière de l’ensemble de ces données et étant donné que Denis Guillaume entretient de bons contacts avec un certain nombre de survivants de l’OTS, les enquêteurs estiment que cette situation doit continuer à faire l’objet d’une évaluation régulière par les services spécialisés. M. Bulthé considère en effet que Denis Guillaume peut être considéré comme un sujet à risques et un " catalyseur potentiel ". A cet égard, M. François estime qu’il est heureux que ce dernier ne dispose pas des moyens financiers nécessaires. Il est également persuadé que, comme d’autres témoins, il n’a pas nécessairement dit la vérité quand il a été entendu.

CLUB ARCHEDIA DES ARDENNES (AMENTA, LA SOURCE)

Il est rappelé que Jean Paulus et Josiane Kesseler, deux victimes belges de l’OTS, ont figuré parmi les membres de La Source.

Par ailleurs, il est établi que huit personnes sont passées du Club Archédia des Ardennes à l’OTS. Ces personnes étaient d’ailleurs prêtes à effectuer des milliers de kilomètres pour suivre certaines conférences, ce qui avait des incidences sur leur situation patrimoniale.

Des sociétés associatives de ce type semblent avoir fait fonction de " vivier de recrutement " pour les responsables de l’OTS, en fonction de leur situation financière, de leur utilité professionnelle, voire même de leur physique.

L’ORDRE RENOVE DU TEMPLE (ORT)

Il s’agit d’un ordre templier d’extrême droite, qui fut dirigé jusqu’en 1983 par Julien Origas. Durant la seconde guerre mondiale, ce dernier fut proche de la Gestapo de Brest.

Après son décès, Luc Jouret a repris la direction de l’ORT, qu’il quittera avec la moitié des membres pour rejoindre l’OTS. C’est ainsi qu’un grand nombre de ces personnes figurent sur la liste du drapier.

ENERGO-CHROMO-KINESE (ECK) - LIENS AVEC L’ORDRE NOUVEAU DES TEMPLIERS OPERATIFS (ONTO)

Suite à un courrier adressé au président de la commission d’enquête et transmis à la cellule OTS, une perquisition a été opérée chez Mme J. Vanregemeuter.

Lors de son interrogatoire, celle-ci déclarera ne jamais avoir été en contact avec l’OTS mais avoir fait partie de l’ONTO.

C’est dans ce contexte que les enquêteurs apprendront qu’un officier de gendarmerie, le commandant Pourbaix, affecté actuellement à l’unité logistique d’Uccle, est le commandeur de l’ONTO en Belgique, section qu’il n’aurait pas fondée personnellement.

Son épouse, Monique Roland, est actuellement occupée dans une société " Espace Vie " à Schaerbeek, qui s’occupe des problèmes relationnels de personnes et de communication. Elle travaille pour l’instant dans le cadre d’un projet subsidié par la Communauté française et la commune. Ce projet intitulé Bouton d’Or touche aux questions de délinquance et de drogue.

Pourtant, Mme Roland n’a suivi qu’une formation de pédicure et un début de formation de froebélienne.

L’ONTO est installé au 164 de l’avenue Brugmann, à Bruxelles, qui est aussi l’adresse de l’école d’Energo-Chromo-Kinèse (ECK), qui serait la façade commerciale de l’ONTO. C’est là que se déroulerait l’aspect plus rituel du mouvement.

Mme Roland dit avoir occupé la fonction de gérante administrative de la société et avoir été appelée à y donner des cours, en l’absence de certaines personnes. Avec son époux, elle aurait également donné de tels cours au Togo.

Tous deux ont fait la connaissance d’ECK en 1988, à la suite d’une conférence donnée par le docteur Patrick Veret. M. Pourbaix a ensuite suivi à Paris une formation donnée par le docteur Veret. Il indique qu’à part quelques cours, ses fonctions se sont surtout exercées dans le cadre de l’ésotérisme.

Lors des perquisitions, les enquêteurs ont trouvé chez le gendarme, outre des documents à en-tête de la gendarmerie, des coffres contenant des tubes qui servaient à " constater le potentiel énergétique des membres ". On y a également découvert des petites pilules.

Le prix des cours d’un cycle complet permettant de progresser d’un niveau s’élevait à 12 000 francs ; par contre, il n’y aurait pas eu de cotisation pour l’ONTO, chaque nouveau templier devant cependant payer sa tenue (3 000 à 4 000 francs/pièce).

L’Ecole ECK aurait fermé ses portes en 1992 ; l’ordre templier aurait été dissout en même temps.

Pour ce qui concerne les documents saisis à en-tête de la gendarmerie, M. Pourbaix a indiqué qu’il avait mis à la disposition des formateurs d’ECK un cours qu’il avait suivi professionnellement sur la communication. Il a, en fait, fait adapter les textes mais la page de garde serait restée telle quelle.

Quant aux documents où figurent des renseignements de la gendarmerie relatifs à un ordre templier, ces notes auraient concerné des informations fournies au sujet de liens entre cet ordre et l’extrême droite, ainsi qu’avec une personne de la BSR de Thuin. L’ensemble de ces documents aurait abouti chez M. Pourbaix par mégarde, dans la foulée d’un déménagement.

Selon les époux Pourbaix, il n’y avait aucun lien structurel entre l’OTS et l’ONTO. Cependant, les enquêteurs ont découvert qu’il y avait une personne figurant à la fois sur la liste de l’ONTO et sur celle du drapier.

PERSONNALITE DE LUC JOURET ET DE JOSEPH DI MAMBRO

Les témoins entendus dans le cadre de la commission rogatoire belge reconnaissent tous à Luc Jouret un très grand charisme. Aucune d’entre elles ne le critique d’ailleurs.

Certaines personnes prétendent être en contact avec lui par le biais de l’écriture automatique. On peut donc imaginer que si l’une de ces personnes estime recevoir l’instruction de faire le grand transit vers Sirius, elle le fera.

Selon un témoignage, Di Mambro était très manipulateur et quelque peu mythomane. Il manipulait tout le monde, jusque dans le choix des couples. Quand le membre d’un de ceux-ci l’ennuyait ou devenait dangereux, il les changeait.

Au cours de l’enquête, il est d’ailleurs apparu que Di Mambro se servait de Luc Jouret, comme d’autres, pour assurer son hégémonie sur le groupe. Tous deux étaient cependant des hommes de pouvoir et d’argent, au contact facile, comme la plupart des gourous.

Di Mambro était malade et se sentait diminué ; de plus, il se savait critiqué de l’intérieur et surveillé de l’extérieur. En fin de parcours, tout comme Jouret, il a pu décider d’en finir une fois pour toutes et ce, d’autant plus que l’argent commençait à manquer.

L’assassinat des Dutoit à Morin Heights (voir ci-dessus) illustre le fait que Di Mambro était en tout cas prêt à éliminer physiquement ceux qui lui faisaient de l’ombre.

LA PISTE DE LA CHAUSSEE DE CHARLEROI (BRUXELLES) - L’ORDRE DES CHEVALIERS DU TEMPLE DU CHRIST ET DE NOTRE DAME (OCTNCD)

C’est le policier et écrivain Roger Facon, par ailleurs grand maître de l’OCTNCD, qui est à l’origine de cette information. Sa hiérarchie souhaitait que son audition se déroule dans le cadre d’une commission rogatoire, ce qui n’a pas été obtenu.

Il a été entendu une première fois par téléphone et a confirmé, lors d’une rencontre, les propos tenus à cette occasion. Il semble que Jean-Marie Parent, un grand nom de l’ésotérisme, soit à l’origine de l’information relative à une présence de l’OTS dans la chaussée de Charleroi. Ces informations dateraient de 1982 ou 1983.

M. Parent a fait partie de l’Ordre Rénové du Temple d’Origas et aurait notamment créé l’OCTNCD pour essayer d’infiltrer la mouvance d’extrême droite.

Selon Parent, l’OTS signifierait l’Ordre du Temple du Scarabée et aurait été créé par une nommée Ange-la Van Room, alias De Bast. Cette personne, qui ne serait plus dans notre pays et dont la France cherche à savoir si elle est toujours en vie et, le cas échéant, où elle se trouve, aurait créé cet OTS, en y reprenant les responsables de différents ordres ésotériques du même type. Parmi eux, Julien Origas de l’ORT, ainsi que des représentants de l’Ordre Vert et du Tombeau narbonnais.

Mme Van Room était une collaboratrice notoire pendant la seconde guerre mondiale étant particulièrement proche d’officiers allemands. Elle aurait effectué ultérieurement des rites aux n os 20 et 21 de la chaussée de Charleroi, où l’enquête n’a pu confirmer que l’OTS y avait été implanté.

M. François rappelle que l’OCTNCD a également mis en présence des gens qui se connaissaient à travers le monde de l’édition : MM. Parent, Facon, Van Ghyseghem (éditeur de bandes dessinées) et Vassaux (dessinateur de bandes dessinées dont Facon écrivait les textes).

Cette édition visait non seulement les bandes dessinées mais aussi l’ésotérisme. Il semblerait, par ailleurs, que MM. Facon et Vassaux se soient disputés l’héritage spirituel de Parent, ce qui expliquerait leurs relations " difficiles ".

Les différentes personnes précitées ont été interrogées et ont donné différentes adresses dans la chaussée de Charleroi, dont celles des librairies de M. Van Ghyseghem. Toutes ces pistes ont été vérifiées, sur la base d’éléments historiques et de témoignages sur place ; aucune n’a toutefois permis d’aboutir à un indice confirmant la présence de l’OTS.

FONCTIONNEMENT DE LA " CELLULE OTS ", CREEE DANS LE CADRE DE LA COMMISSION ROGATOIRE, ET PERENNITE DE CELLE-CI

M. François rappelle que la " cellule OTS " était constituée d’un membre de la police judiciaire, de trois membres de la Sûreté de l’Etat, de trois membres de la gendarmerie et de trois - voire plus à certains moments - membres de la brigade judiciaire d’Arlon. Il souligne l’excellente collaboration des services à l’occasion de l’enquête, ce que confirme M. Bulthé qui rend un très grand hommage au travail remarquable que ces personnes ont accompli, notamment dans le cadre de leur travail proactif.

La " cellule OTS " ainsi mise sur pied à la suite de la commission rogatoire a servi également à Neuf- château et pour l’enquête relative à Cor Unum ; à chaque fois, il a été fait appel à son savoir-faire.

M. Bulthé souligne le fait que les membres de cette cellule ont des potentialités et des capacités qu’il faudrait encore pouvoir utiliser à l’avenir. Il ne faudrait, en effet, pas que la remarquable expérience accumulée en la matière disparaisse par la suite.

NECESSITE DE MODIFIER LA LEGISLATION EXISTANTE

M. Bulthé indique que notre arsenal juridique permet de réprimer un nombre important d’infractions commises en la matière.

Plusieurs améliorations pourraient toutefois y être apportées :

— même s’il y a évidemment lieu de respecter la liberté d’expression, le concept de " secte nuisible " devrait néanmoins être défini de manière plus précise et être intégré dans la démarche législative de la commission ;

— notre arsenal législatif devrait également être élargi de manière à mieux protéger l’intégrité physique et psychique de l’individu ;

— enfin, il faudrait que le législateur examine l’incidence que peut avoir l’adhésion à un groupement sectaire sur le patrimoine de l’adepte.

CONCLUSION

Selon M. Bulthé, l’OTS n’a jamais eu de vraie organisation ni de siège fixe dans notre pays. Il n’a jamais tenu de réunions régulières en Belgique, ni d’ailleurs dans d’autres pays. M. Bulthé confirme les propos du président de la commission selon lesquels il s’agit d’une organisation difficile à cerner puisqu’elle n’a ni siège d’activités, ni chef visible, ni point de chute.

Il existe toujours en Belgique des gens qui ont adhéré à l’OTS à un moment donné de leur évolution ou d’autres qui figurent sur la liste du drapier. En outre, il faut également tenir compte du fait que Denis Guillaume se considère d’une certaine manière comme le successeur spirituel de Luc Jouret.

Au vu de ces éléments et des structures relativement fluides du mouvement, une action proactive est donc indispensable, selon le témoin.

Dans le cadre de la présente enquête, M. Bulthé déclare avoir utilisé de manière maximale les moyens mis à sa disposition. Il ajoute qu’il a parfois été difficile de trouver une inculpation qui tienne la route afin d’obtenir un mandat de perquisition permettant de faciliter le travail de ses enquêteurs. Toutefois, pour qu’une cellule spécialisée telle que la " cellule OTS " puisse fonctionner correctement en matière de recherche proactive, il n’est certes pas indispensable de disposer de mandats de perquisition ou de pouvoir procéder à des écoutes téléphoniques. Il faut avant tout laisser les enquêteurs regarder, écouter, humer ...

Comme indiqué ci-dessus, M. Bulthé souligne que, pour le moment, entre 10 et 20 personnes au moins ont été identifiées en Belgique comme étant (ou ayant été) proches de l’OTS. A cet égard, il est important de noter que la plupart de ces personnes évoluent dans différents mouvements ou mouvances, ce qui demande de la part des enquêteurs une très bonne connaissance du phénomène et souligne l’importance d’une cellule d’enquête spécifique en cette matière.

Ces personnes, ainsi qu’un certain nombre de membres de leur entourage, sont susceptibles de créer des débordements à n’importe quel moment, en fonction d’un message, d’une date ou d’une impression.

Parmi ces personnes, M. François indique que certaines reconnaissent avoir appartenu à l’OTS jusqu’à une certaine date. Il a même rencontré des gens, en Belgique, qui ont voulu partir au Canada mais ne l’ont finalement pas fait pour diverses raisons. Toutefois, ils nient totalement leur appartenance actuel-le à ce mouvement.

Cette démarche rappelle, selon M. Bulthé, le cheminement de Patrick Vuarnet qui, après les événements dramatiques de 1994, a déclaré, tout comme sa mère, prendre ses distances par rapport au mouvement mais s’est finalement retrouvé parmi les victimes dans le Vercors en décembre 1995. Leur entourage a été véritablement surpris, cette situation leur paraissant à la fois totalement incompréhensible et imprévisible.

M. Bulthé rappelle également que, dans le cadre de son enquête, M. François a rencontré au Canada un témoin qui se déclarait persuadé que des groupes se réunissaient encore dans le cadre de l’OTS. Les faits lui ont malheureusement donné raison. En effet, depuis la date de la première audition, le 6 décembre 1996, cinq nouvelles victimes ont été découvertes dans ce pays (Saint-Casimir).

M. Bulthé souligne, en outre, que le phénomène sectaire couvre un large spectre de mouvements et de personnes. Ainsi, l’OTS couvre plusieurs dizaines d’autres mouvements, antérieurs ou postérieurs.

C’est pourquoi une vigilance s’impose, non seulement à l’égard de l’OTS, mais également - et davantage encore à l’approche de l’an 2000 - à l’égard d’autres sectes ou mouvements millénaristes similaires.

Chambre des Représentants de Belgique