Des services secrets, nous ne savons que les échecs et rarement les succès. Si l'échec provoque l'anathème, l'ingratitude est fille de la victoire. Quand à la gloire, il faut l'oublier, elle est pour les autres...

jeudi 31 octobre 2013

Allemagne : le chef de la Gestapo est enterré dans un cimetière... juif


Le corps d'Heinrich Müller, qui était un des principaux artisans de la solution finale, reposerait dans une fosse commune berlinoise. 



Certains avaient juré l'avoir vu en République tchèque, alors que d'autres pensaient qu'il avait été capturé par les Russes afin d'être interrogé à Moscou. Heinrich Müller n'a en réalité jamais quitté Berlin. Le chef de la Gestapo a été enterré dans le plus grand secret en mai 1945 dans la fosse commune d'un cimetière... juif. L'information, révélée mercredi par le quotidien populaire Bild, confirme des rumeurs qui courraient depuis plusieurs décennies.

Le directeur du Mémorial de la résistance allemande, Johannes Tuchel, affirme avoir trouvé dans des archives des documents prouvant cette hypothèse. Un fossoyeur berlinois nommé Walter Lüders avait ainsi déclaré à la police dès 1963 qu'il avait lui-même inhumé le corps du chef de la police secrète nazi dont il avait vu le visage. Son uniforme contenait également ses états de service avec une photo. Le tabloïd publie en outre un document de la mairie d'arrondissement de Mitte à Berlin, indiquant que Müller avait bien été enterré dans le cimetière juif du quartier. Cette information marque ainsi le point final d'une énigme qui aura duré plus de... 68 ans.

"On foule grossièrement aux pieds la mémoire des victimes"

Fils d'ouvriers catholiques bavarois, Heinrich Müller a obtenu plusieurs médailles lors de la Première Guerre mondiale, durant laquelle il pilotait un avion de reconnaissance censé repérer des pièces d'artillerie ennemies. En 1919, il rejoint la police bavaroise. Durant la politique de Weimar, le désormais "chef de la police politique de Munich" se rapproche de plusieurs dirigeants nazis, dont Heinrich Himmler. Nommé directeur de la Gestapo, il participera notamment le 20 janvier 1942 à la conférence de Wannsee durant laquelle fut planifiée l'extermination des Juifs d'Europe. Fidèle parmi les fidèles d'Adolf Hitler, il restera dans le bunker berlinois du dictateur jusqu'à la fin. Sa dernière apparition officielle remonte au lendemain du suicide du Führer.

Un de ses anciens subordonnés, capturé par les Soviétiques avant d'être renvoyé en Allemagne en 1957, Heinz Pannwitz, avait déclaré aux services secrets fédéraux (BND) avoir vu le corps de son supérieur hiérarchique avec une balle dans la tête à quelques pâtés de maison de la chancellerie du IIIe Reich. Le BND n'avait pourtant jamais pris cette déclaration très au sérieux. Ses experts avaient même déclaré avoir obtenu la preuve qu'Heinrich Müller avait été vu durant l'été 1949 à Karlovy Vary, en République tchèque. La CIA pensait, pour sa part, que cet artisan de la solution finale était détenu par l'URSS dans leur capitale. Les révélations du professeur Tuchel contredisent ces rumeurs, mais elles n'éteignent toutefois pas la polémique concernant son sort. "Que l'un des sadiques nazis les plus brutaux soit enterré dans un cimetière juif, c'est une énormité de mauvais goût", s'insurge Dieter Graumann, le président du Conseil central des juifs d'Allemagne. "On foule grossièrement aux pieds la mémoire des victimes."

Frédéric Therin