La Russie chercherait à contrer le réseau Starlink d’Elon Musk, essentiel aux communications de l’armée ukrainienne. Selon des sources internes aux services de renseignement de l’OTAN, consultées par l’Associated Press, Mouscou développerait pour cela des missiles antisatellites.
La Russie se prépare-t-elle à une guerre contre Starlink? Plusieurs services de renseignement de pays membres de l’OTAN soupçonnent en effet Moscou de développer une nouvelle arme antisatellite destinée à viser la constellation d’Elon Musk. L’objectif serait de freiner la supériorité spatiale occidentale, largement exploitée par l’Ukraine sur le champ de bataille, en utilisant des "nuages orbitaux" de fragments destructeurs.
Selon des informations consultées par l’Associated Press et corroborées par plusieurs médias américains, cette arme dite "à effet de zone" consisterait à saturer les orbites de Starlink avec des centaines de milliers de projectiles à haute densité. Une telle attaque pourrait neutraliser plusieurs satellites en même temps, mais elle comporterait aussi un risque majeur: provoquer des dégâts collatéraux incontrôlables pour l’ensemble des systèmes spatiaux en orbite.
De nombreux analystes doutent d’ailleurs de la faisabilité d’un tel dispositif sans plonger l’espace dans un chaos durable, y compris pour la Russie et son allié chinois, tous deux fortement dépendants de milliers de satellites pour leurs communications civiles, militaires et stratégiques.
Pour comprendre l’hostilité de Moscou envers Starlink, il faut remonter à février 2022. Dès le début de l’invasion de l’Ukraine, Elon Musk a mis à disposition de Kiev le réseau de satellites Starlink, développé par SpaceX, offrant à l’armée ukrainienne un avantage décisif en matière de communications et de coordination sur le champ de bataille.
Une "arme de la peur"
Starlink est depuis devenu un outil central pour l’Ukraine, utilisé aussi bien par les forces armées pour les communications, le ciblage et la coordination sur le champ de bataille que par les civils et les autorités dans les zones où les frappes russes ont détruit les réseaux classiques.
Cette implication directe dans le conflit a conduit Moscou à prévenir à plusieurs reprises que les satellites commerciaux soutenant l’effort militaire ukrainien pourraient être considérés comme des cibles légitimes.
La Russie affirme désormais disposer de nouveaux moyens antisatellites, notamment avec le déploiement annoncé du système S-500, capable de viser des satellites en orbite basse. Selon des renseignements occidentaux, Moscou étudierait même des armes capables de neutraliser plusieurs satellites Starlink à la fois. Une perspective jugée extrêmement dangereuse par les experts: "Imaginez faire exploser une boîte pleine de billes", résume un analyste à l'AP, avertissant qu’un tel nuage de débris pourrait devenir incontrôlable et menacer l’ensemble des satellites présents dans la zone orbitale.
Jeu double de Moscou?
Sur le terrain, les forces russes ont multiplié les tentatives pour perturber le réseau Starlink en Ukraine, en combinant brouillage électronique, interférences GPS et cyberattaques. Plusieurs attaques ont été documentées, notamment lors des contre-offensives ukrainiennes dans le Donbass, où des perturbations temporaires ont été signalées.
Toutefois, ces efforts se sont révélés globalement moins efficaces que prévu, en grande partie grâce à la capacité de SpaceX à déployer rapidement des mises à jour logicielles pour contrer le brouillage. Des responsables du Pentagone ont même salué une réactivité jugée "impressionnante" face aux attaques russes.
Malgré ces échecs relatifs, la Russie poursuit sa stratégie de pression. Des déclarations publiques de responsables russes, dont l’ancien patron de Roscosmos Dmitri Rogozine, ont directement mis en cause Elon Musk, tandis que des opérations de renseignement ont cherché à exploiter l’usage de Starlink sur le champ de bataille.
La découverte d’antennes Starlink sur des drones ukrainiens capturés et les tentatives de piratage de terminaux ou de tablettes militaires montrent à quel point le réseau est devenu un enjeu central de la guerre technologique, symbole d’un affrontement plus large entre Moscou et l’écosystème spatial occidental.
Un affrontement que la Russie déclenche toutefois à sa guise: ses forces n’hésitent pas à utiliser Starlink de temps à autre. Des sites spécialisés en matériel militaire rapportent que l’Ukraine observe désormais quotidiennement des drones d’attaque russes égalements équipés de terminaux Starlink. Les terminaux, auparavant installés de manière aléatoire, sont désormais intégrés presque systématiquement sur les drones Molniya, comme l’a révélé l’interception récente d’un drone Molniya-2 équipé d’un Starlink.
Raphaël Raffray