Les prémices du renseignement militaire britannique remontent à 1854, avec la création du département de la topographie et des statistiques lors de la guerre de Crimée. Puis, vingt ans plus tard, un « Service du renseignement » vit le jour au sein du département de l’Intendance générale. Chargé exclusivement de collecter des informations avec un effectif réduit [sept officiers], il resta un organisme purement consultatif, sans grande influence.
En 1895, passé directement sous l’autorité du maréchal Garnet Wolseley, alors commandant en chef de l’armée britannique, ce Service du renseignement fit la preuve de son efficacité lors de la Seconde guerre des Boers [1899-1902] en établissant un rapport très précis sur le potentiel militaire des républiques boers, en Afrique du Sud. Ce qui lui valut d’être renforcé, avec plusieurs sections spécialisées. À la faveur d’une vaste réforme menée en 1904, il devint la « Direction des renseignements militaires » de l’armée [DMI].
En outre, la Royal Navy créa le Naval Intelligence Departement [NID, en 1887] et la Royal Air Force en fit de même dans les années 1920, avec l’Air Intelligence Branch. Durant la Seconde Guerre Mondiale, si elles coopèrent étroitement, toutes ces structures restèrent autonomes. Ce qui amena, en 1946, à la naissance du Joint Intelligence Bureau [JIB].
Pour gagner en efficacité, et à la suite de la revue Templer et des réformes Mountbatten, le Naval Intelligence, l’Air Intelligence, la DMI et le JIB fusionnèrent au sein de la « Defence Intelligence Staff » [DIS], en 1964. Placée sous l’autorité du ministère britannique de la Défense [MoD], elle comptait 4 115 agents en 2022, dont une majorité d’analystes civils. Mais, appelée plus simplement DI depuis 2009, elle n’avait jusqu’ici pas le même poids que le Security Service [MI5, affaires intérieures], le Secret Intelligence Service [MI6, affaires étrangères] et le Quartier général des communications du gouvernement [GQHQ, renseignement électronique]. Ce qui vient de changer.
En effet, le 11 décembre, le MoD a annoncé la création du « Military Intelligence Services » à partir de la DI. Désormais, toutes les unités spécialisées en matière de renseignement de la British Army, de la Royal Navy, de la Royal Air Force, du Commandement spatial et du Quartier général interarmées permanent seront placées sous la même autorité, en l’occurrence celle du Commandement des opérations cybernétiques et spécialisées.
Prévue par la dernière revue stratégique de défense publiée par Londres en juin dernier, cette réforme regroupe pour la première fois toutes les unités et organisations du renseignement sous une seule et même organisation, y compris celles de la Royal Navy, de la British Army et de la Royal Air Force, ce qui « permettra d’accélérer la manière dont les informations sont collectées, analysées et partagées entre les forces armées », a expliqué le MoD.
« Cette annonce intervient dans un contexte de menaces croissantes pesant sur le Royaume-Uni, alors que ses adversaires intensifient leurs cyberattaques, perturbent les satellites, mettent en péril les voies maritimes internationales et diffusent de la désinformation. Ces actions ont un impact de plus en plus important sur la vie quotidienne, entraînant une hausse des prix alimentaires, une incertitude économique accrue et menaçant la sécurité énergétique et les infrastructures nationales », a-t-il ajouté.
Dans le même temps, le MoD a aussi annoncé la création de la DCIU [Defence Counter-Intelligence Unit], une nouvelle unité dédiée au contre-espionnage [mission qui relevait alors exclusivement du MI5]. Et de justifier cette mesure en affirmant que, « au cours de l’année écoulée, les activités de renseignement hostiles » contre les forces britanniques ont « augmenté de plus de 50 % ».