Comme vous l’expliquez dans votre ouvrage Guerres privées, les sociétés militaires privées (SMP) sont aujourd’hui devenues des acteurs internationaux incontournables. Mais qu’entend-on exactement par « société militaire privée » ? Quelle est la différence s’il y en a une avec des mercenaires ?
Une société militaire privée, ou SMP, est définie, selon le Livre blanc de la défense et de la sécurité nationale de 2008, comme une entreprise civile qui fournit des services de soutien, de conseil ou d’appui, traditionnellement assurés par les forces armées régulières. Autrement dit, ce sont des sociétés commerciales intervenant dans des domaines qui sont habituellement réservés aux forces armées nationales.
La grande différence avec les mercenaires réside justement dans cette dimension institutionnalisée. Là où les mercenaires sont, par essence, des combattants engagés au service du plus offrant, dans une logique individuelle, opportuniste et souvent illégale, les SMP, elles, sont des structures enregistrées, encadrées juridiquement, qui proposent des prestations à des clients, souvent étatiques ou parapublics, dans une logique contractuelle et commerciale.
La frontière peut sembler floue entre SMP et mercenariat, mais cette ambiguïté fait tout l’intérêt du fonctionnement de ces structures. D’ailleurs, selon les pays, la terminologie elle-même varie. En France, on préfère parler d’ESSD, pour « entreprises de services de sécurité et de défense ». D’autres préfèrent ESP, pour « entreprises de sécurité privée », ou encore EMSP, pour « entreprises militaires et de sécurité privée ». Proches, ces termes décrivent une même réalité.
Depuis quand existe ce type de société ?
Le mercenariat a toujours existé ; c’est l’un des métiers les plus vieux du monde. Mais les SMP, en tant qu’entités commerciales structurées, apparaissent bien plus récemment. L’une des premières incarnations de ce modèle remonte à la seconde guerre sino-japonaise, juste avant la Seconde Guerre mondiale. C’est à cette période que les États-Unis créent une organisation connue sous le nom de Flying Tigers. Officiellement civile, cette société regroupait en réalité des pilotes de l’armée de l’air américaine envoyés pour soutenir la Chine contre l’envahisseur japonais, à un moment où Washington n’était pas encore entré en guerre contre le Japon. Il s’agissait donc d’un contournement habile de la neutralité officielle par le biais d’une structure privée. Bien que les Américains aient été les premiers à initier ce modèle des SMP, ce sont les Britanniques qui l’exploitent véritablement après 1945, grâce à une figure centrale : David Stirling, le fondateur du Special Air Service (SAS) britannique. Pendant la guerre froide, le gouvernement britannique fait appel à ses compétences en guerre asymétrique pour mener des opérations dans des zones où Londres ne peut pas intervenir officiellement. C’est donc Stirling qui a jeté les bases des SMP telles qu’on les connait aujourd’hui. Elles commencent d’abord à être actives en Afrique, puis au Moyen-Orient, notamment au Yémen.
Mais c’est véritablement dans les années 1990, après la chute du mur de Berlin, que le phénomène prend de l’ampleur. La première SMP à vraiment faire parler d’elle est la société sud-africaine Executive Outcomes, qui marque un tournant. À partir de là, le marché explose : les Américains suivent le modèle britannique et commencent à développer leurs propres sociétés. Celles-ci se développent discrètement entre la chute du Mur et les guerres d’Afghanistan (2001) et d’Irak (2003), avant d’apparaitre en pleine lumière avec le groupe Blackwater lors du massacre de la place Nisour, en 2007 à Bagdad. Ce scandale provoque une onde de choc internationale en révélant au grand public le rôle tentaculaire de ces sociétés dans les zones de conflit.
C’est à partir de ce moment que des efforts sont engagés pour encadrer juridiquement ces acteurs. Le droit international étant contraignant, seuls les droits nationaux régulent ce type de société. En parallèle, de nombreux pays, séduits par les avantages de ces entités, notamment leur flexibilité et le flou juridique, commencent à développer leurs propres SMP, à l’image de la Russie, de la Turquie ou encore de la Chine. Aujourd’hui, on trouve ces sociétés sur tous les continents.
Dans votre ouvrage, vous dites que si ces sociétés existent, c’est avant tout parce qu’elles répondent à une demande toujours croissante sur l’ensemble des continents. Quelles sont les principales vocations de ces sociétés ?
Les missions de ces SMP sont multiples et leur spectre d’intervention ne cesse de s’élargir. Certaines sont très spécialisées, concentrées sur un seul domaine d’expertise, tandis que d’autres couvrent de vastes champs d’activités et occupent des parts de marché considérables dans l’industrie globale de la sécurité et de la défense privée. On retrouve donc des SMP dans des fonctions variées telles que le gardiennage de sites ou d’emprises militaires, la protection de personnalités ou d’infrastructures sensibles, la formation de troupes locales, le soutien logistique, la médecine de guerre, le pilotage de drones, ou encore le renseignement. Elles agissent souvent en appui des armées régulières ou d’organisations internationales, notamment dans des zones à haut risque où les États rechignent à envoyer leurs propres forces.
Mais certaines SMP vont plus loin et interviennent directement dans des combats. Dès lors qu’une société prend part à des opérations armées offensives, elle franchit la ligne rouge juridique du mercenariat et tombe dans l’illégalité.
Si les États-Unis, et plus largement le monde anglo-saxon, concentraient l’essentiel des activités de ce secteur dans les années 1990, celui-ci est aujourd’hui très lucratif — avec un marché estimé à 338 milliards de dollars d’ici 2030 — et s’est internationalisé. Quels sont les principaux acteurs actuels sur ce marché ? Dans quels pays ou régions les SMP opèrent-elles le plus ?
Le marché des SMP est très segmenté. Presque chaque grande puissance dispose désormais de ses propres sociétés, avec des stratégies bien distinctes. La Chine, par exemple, s’est dotée d’un nombre croissant d’entreprises avec un objectif très clair : protéger les intérêts stratégiques de Pékin, notamment dans le cadre du programme des nouvelles routes de la soie. Ainsi, dès qu’un projet chinois est implanté dans une zone instable — en Afrique, en Asie centrale ou au Moyen-Orient —, ces SMP sont mobilisées pour sécuriser les infrastructures, le personnel et les investissements.
Les sociétés anglo-saxonnes, ainsi que les ESSD françaises, continuent de dominer en termes de qualité de service. Cependant, leurs couts sont beaucoup plus élevés que d’autres entreprises, notamment chinoises.
Il existe aussi une forme de « répartition géopolitique » du marché : les sociétés russes, à l’image de Wagner, opèrent principalement dans les zones où Moscou cherche à accroitre son influence, notamment en Afrique centrale, au Sahel, en Syrie ou en Libye. Elles combinent missions militaires, sécurité rapprochée et contrôle de ressources stratégiques.
De manière générale, le plus grand marché pour les SMP reste l’Afrique, le Moyen-Orient et la région pakistano-afghane.
Quelles sont les évolutions récentes du secteur des SMP et comment s’inscrivent-elles dans la reconfiguration géopolitique mondiale actuelle, face aux nouveaux rapports de force ?
Ce qu’on observe aujourd’hui, c’est la création d’oligopoles dans le secteur des SMP. Le marché, très mouvant à l’origine, tend désormais vers une plus grande pérennité, avec de grands groupes émergents qui absorbent des structures plus petites aux champs d’activité variés. En France, par exemple, dans le secteur des ESSD, le groupe ADIT possède désormais des acteurs comme DCI ou GEOS. De manière générale, la privatisation des fonctions régaliennes dans le domaine de la sécurité et de la défense continue de s’accélérer, ce qui s’inscrit dans une dynamique plus large de transformation géopolitique. L’exemple de Wagner est à ce titre révélateur : cette SMP russe a remis en lumière le rôle stratégique que ces structures peuvent jouer sur la scène internationale. L’offre et la demande explosent, et, surtout, on assiste à une forme de normalisation de leur existence.
Cette banalisation est d’ailleurs visible dans l’imaginaire collectif. Jusque dans les années 2010, les SMP étaient très souvent présentées comme les « méchants » dans la fiction. Après 2010, leur image s’est peu à peu « normalisée ». Un exemple récent illustre bien cette évolution : The Mozart Group, une SMP américaine qui opérait en Ukraine en se présentant comme une ONG. En réalité, il s’agissait d’une structure commerciale montée par des Américains, avec un mode de communication très assumé : la levée de fonds par crowdfunding et une image moderne sur les réseaux sociaux — le tout sans chercher à masquer leurs activités.
Quid de la France dans ce secteur ? Quels pourraient être ses intérêts à le développer davantage ?
En France, on préfère l’appellation d’ESSD. Sur le plan officiel, seule une société s’est revendiquée comme SMP : Secopex, dont le fondateur a été assassiné en Libye pendant la guerre civile en mai 2011.
Pour autant, la France compte plusieurs entreprises qui opèrent dans ce secteur, dans le strict respect du cadre légal, et qui rendent des services reconnus et nécessaires, notamment auprès des institutions. Sur le plan réglementaire, la France est souvent présentée comme l’un des meilleurs élèves. Dès 2003, l’adoption d’une loi contre le mercenariat a permis d’encadrer très tôt les activités privées dans le domaine de la défense et de limiter les dérives.
Mais cette rigueur a eu un contrecoup. Si, d’un point de vue éthique, on peut s’en féliciter, elle a aussi brimé les capacités d’exportation des sociétés françaises sur un marché international plus souple et concurrentiel. De ce fait, plusieurs entrepreneurs français ont choisi de créer leurs sociétés à l’étranger, notamment au Royaume-Uni ou aux États-Unis, afin de contourner le droit français et de bénéficier d’un environnement juridique plus favorable. C’est le cas, par exemple, d’Alexandre Benalla, dont la société est enregistrée au Royaume-Uni. Ce choix n’est pas anodin, car il permet de fonctionner en dehors du cadre juridique français, tout en opérant dans un secteur en pleine expansion.
La Turquie est-elle également un acteur présent dans ce secteur ?
En Turquie, plusieurs SMP existent, même si la plus connue reste Sadat. C’est celle qui communique le plus et qui se présente comme la seule SMP turque. En réalité, ce n’est pas exact. D’autres structures actives, comme Ekol Security, opèrent dans des domaines similaires. La Turquie s’est clairement inspirée du modèle anglo-saxon pour les développer. Des personnalités issues des milieux militaires, du renseignement et de l’appareil gouvernemental ont participé à leur création. Ces SMP turques sont avant tout des outils d’influence, directement alignés sur les objectifs stratégiques du gouvernement de Recep Tayyip Erdoğan. Sadat en est l’exemple le plus emblématique. On les retrouve sur plusieurs théâtres d’opérations : au Haut-Karabagh, en Ukraine, en Libye. Leur mode opératoire inclut notamment le recours à des combattants djihadistes syriens, envoyés en première ligne de front pour appuyer les intérêts d’Ankara. Ces sociétés agissent donc comme des extensions non officielles de la politique extérieure turque, permettant à l’État d’intervenir sans apparaitre officiellement.
Les SMP sont-elles avant tout au service des gouvernements ? Existe-t-il des cas particuliers ou des différences selon les États ?
De manière générale, une SMP n’est jamais totalement indépendante d’un État. Il existe toujours un lien plus ou moins direct, car les profils qui composent ces structures sont le plus souvent d’anciens militaires, ex-membres des forces spéciales, des services de renseignement ou de la police, issus des appareils sécuritaires nationaux. Autrement dit, ils ne peuvent pas opérer sans, au minimum, l’aval tacite de leur gouvernement d’origine.
Certes, il existe des cas marginaux où certaines SMP ont semblé s’éloigner de leur tutelle étatique, à l’instar de Secopex, précédemment mentionnée. Plusieurs hypothèses entourant l’assassinat de son fondateur en Libye reposent sur la possible divulgation d’informations sensibles, potentiellement compromettantes pour la France. Ce cas alimente l’idée qu’une SMP agissant à contre-courant des intérêts stratégiques de son État risque non seulement l’isolement, mais aussi un démantèlement rapide.
Un autre cas extrême et atypique est celui du groupe Malhama Tactical, une SMP djihadiste. Actif au Moyen-Orient, dans le Caucase et en Syrie, ce groupe ne s’aligne sur aucun État, mais sur des idéologies et des allégeances proches d’Al-Qaïda ou de l’État islamique. On est ici face à une dérive radicale du modèle des SMP : une structure privée créée pour former des djihadistes tout en poursuivant un objectif lucratif. C’est, d’une certaine manière, le pire scénario en matière de privatisation de la violence.
Cela dit, ces cas restent exceptionnels. Dans l’immense majorité des situations, les SMP sont l’émanation directe des intérêts étatiques. Et lorsque certaines prennent trop de distance, elles sont généralement ramenées dans le rang. Leur autonomie reste donc toujours relative, conditionnée par les équilibres politiques nationaux.
Vous expliquez que le groupe Wagner en Ukraine avait une structure correspondant davantage à la définition d’une milice qu’à celle d’une SMP. Pourquoi ? Quid des autres entreprises russes du secteur comme Afrika Corps ?
Wagner, en réalité, n’est pas une entité unique. C’est un nom générique qui regroupe plusieurs structures opérant sous la même bannière. Sous cette appellation coexistait plusieurs composantes, certaines liées au renseignement, d’autres à l’influence, chacune avec des fonctions bien distinctes. On trouve également des sociétés minières et des entreprises actives dans différentes régions du monde pour protéger des infrastructures ou mener des opérations armées. À l’origine, la mission principale de Wagner était claire : défendre les intérêts stratégiques de la Russie à l’étranger.
Mais la guerre en Ukraine a marqué un tournant. Le groupe s’est vu confier une autre mission : devenir un véritable supplétif de l’armée russe sur le front ukrainien. À partir de là, on a assisté à une rupture. Wagner a commencé à recruter massivement, notamment dans les prisons, et à engager un grand nombre de combattants. En Ukraine, Wagner est devenu une force combattante à part entière, intégrée à l’effort de guerre russe, ce qui l’éloigne du fonctionnement traditionnel d’une SMP telle qu’on l’entend. Elle est devenue une unité paramilitaire, avec un rôle stratégique majeur, mais toujours au service direct des objectifs militaires du Kremlin.
La tentative de rébellion du groupe Wagner contre l’État russe, menée par Evgueni Prigojine jusqu’à sa mort en 2023, reste entourée de zones d’ombre. Officiellement, l’une des explications avancées est la volonté du ministère russe de la Défense d’imposer des contrats aux membres de Wagner afin de mieux les contrôler. Mais il est probable que d’autres facteurs aient contribué à cette rupture. À la question : « Qui a tué Prigojine ? », il serait peut-être plus pertinent de se demander : « Qui ne voulait pas sa mort ? »
Aujourd’hui, on estime qu’il existe entre 30 et 40 structures associées à des SMP russes, du moins par la nationalité de leurs fondateurs, de leurs cadres ou de leurs combattants. Mais Wagner reste un cas à part. Ce qui subsiste désormais du groupe est tenu d’une main de fer et cohabite avec l’Africa Corps.
De manière générale, il est très difficile de dresser une cartographie précise de l’ensemble des SMP russes. Dans certains cas, on ignore même s’il s’agit de véritables SMP ou simplement d’unités de sécurité créées par des entreprises privées comme Gazprom.
Alors que le secteur demeure très opaque, quelles sont les principales sources de financement de ces entreprises ? Existe-t-il des passerelles avec l’économie criminelle ? Que représente réellement l’exploitation des ressources naturelles dans l’économie des SMP ?
Tout dépend du type d’activité de la société concernée. La majorité des SMP tirent leurs revenus de contrats formels passés avec des États, des ONG ou des organisations internationales comme les Nations Unies. Ces prestations peuvent aller de la formation à la sécurité de sites sensibles, en passant par la protection de personnels ou d’infrastructures.
Mais d’autres sociétés, notamment dans les zones instables, opèrent dans des environnements où les ressources naturelles sont au cœur des enjeux économiques. C’est le cas par exemple d’Executive Outcomes, une SMP sud-africaine très active dans les années 1990, notamment en Angola et en Sierra Leone. Elle est intervenue dans des zones diamantifères et aurait perçu jusqu’à 40 millions de dollars pour sa participation au conflit angolais, en grande partie financés par les sociétés minières qu’elle était chargée de sécuriser.
Le modèle s’est renforcé avec des groupes plus récents comme Wagner, qui a développé une stratégie étroitement liée à l’exploitation des ressources naturelles. En République centrafricaine, au Soudan ou encore au Mali, Wagner n’exploitait pas directement les mines d’or, de diamant ou de lithium, mais assurait la protection des infrastructures minières, en échange de concessions ou d’un accès privilégié à certains gisements. Cette logique leur aurait permis de générer, entre février 2022 et décembre 2023, environ 2,5 milliards de dollars de revenus liés à leurs opérations.
Il est toutefois difficile d’évaluer précisément la part que représente ce type de financement dans l’économie globale des SMP, car la frontière entre opérations commerciales, soutien d’État et opportunisme géopolitique est souvent floue.
Quelles sont, selon vous, les principales évolutions possibles à court et moyen terme dans ce secteur ?
Aujourd’hui, nous observons déjà des cas où certaines SMP se retrouvent face à face sur un même théâtre d’opérations. L’exemple le plus emblématique est celui de l’Ukraine, où des SMP russes « affrontent » des SMP occidentales. Ce type de configuration pourrait se reproduire dans d’autres conflits à venir.
Le cas de Taïwan est souvent cité comme un scénario plausible. Certes, Taïwan n’utilise pas directement de SMP au sens strict, mais le territoire accueille déjà de nombreuses sociétés étrangères spécialisées dans la sécurité. Si Pékin décide un jour de reprendre le contrôle de l’ile, il est tout à fait envisageable que des SMP chinoises soient mobilisées en soutien à l’Armée populaire de libération (APL), par exemple pour assurer un blocus maritime.
Le secteur maritime, justement, constitue une zone de développement dynamique pour les SMP chinoises. Des sociétés telles que China Security Technology Group, China Overseas Security Group, Hua Xin Zhong An (Beijing) Security Service Co. Ltd., VSS Security Services, ou encore Zhongjun Junhong Security Service Co. Ltd., y sont de plus en plus actives. Le modèle des SMP, loin de reculer, s’ancre durablement dans les dynamiques sécuritaires contemporaines. Et les chiffres le confirment : le marché mondial de la sécurité privée est en pleine expansion. Les projections économiques tablent sur 338,3 milliards de dollars en 2030, et jusqu’à 385,35 milliards d’ici 2032.
Le recours à ces sociétés répond à un besoin croissant de spécialisation. Les institutions sécuritaires peinent à couvrir certains domaines très techniques. C’est là que les SMP trouvent leur place.
Un acteur à surveiller de près dans les années à venir est l’Ukraine. À l’issue du conflit, on verra émerger une nouvelle génération d’anciens combattants dotés de compétences avancées, aussi bien dans le maniement de matériels d’origine soviétique et occidentale que dans l’usage des drones. Ces profils, formés au combat dans des conditions extrêmes, seront hautement qualifiés pour intégrer ou fonder de nouvelles SMP. Des deux côtés du conflit, Russes comme Ukrainiens alimenteront ainsi le marché mondial de la privatisation de la sécurité et de la défense.
Quant à la question de savoir si le maintien de la paix peut être un marché pour les SMP, il ne s’agit en réalité pas d’un terrain inédit pour elles. Dès 2010, les Nations Unies avaient déjà dépensé 72 millions de dollars pour des prestations fournies par des sociétés privées. Dans ce contexte, il n’est pas tant question de morale que d’efficacité : lorsqu’il s’agit, par exemple, de former du personnel humanitaire à évoluer dans un champ de mines, les institutions internationales font tout simplement appel à des professionnels. Et souvent, ce sont les SMP qui détiennent ces savoir-faire.
Valère Llobet