En mars 2024, au moment de l’annonce de la création de l’Agence ministérielle de l’intelligence artificielle de Défense [AMIAD], Sébastien Lecornu, alors ministre des Armées, avait évoqué les essais « bouleversants » d’une « solution d’analyse de l’acoustique sous-marine » encore en développement.
L’un des aspects de la lutte anti-sous-marine est de pouvoir collecter, en toute discrétion, puis d’analyser les sons émis par les systèmes de propulsion des navires. Et cela afin de constituer une base de données qui permettra ensuite de les identifier à coup sûr et même de déterminer leur position et leur vitesse de navigation. L’objectif est de pouvoir élaborer, le cas échéant, une manœuvre tactique pour les prendre en chasse ou pour s’en éloigner.
Au sein de la Marine nationale, cette mission est assurée par les analystes en guerre acoustique [ANAGA, encore appelés « oreilles d’or »] affectés au Centre d’interprétation et de reconnaissance acoustique [CIRA] ou à bord des sous-marins.
Cela étant, collecter la signature acoustique des navires devient une tâche de plus en plus compliquée car le trafic maritime ne cesse d’augmenter tandis que les capteurs sont à la fois plus nombreux et plus performants. Aussi, le volume de données à analyser s’accroît en conséquence. D’où l’idée de recourir à l’intelligence artificielle.
Pour cela, la Marine nationale s’est rapprochée de Safran.AI [ex-Preligens] pour mettre au point la solution évoquée par M. Lecornu. Visiblement, les travaux ont été rapidement menés car, selon l’amiral Nicolas Vaujour, son chef d’état-major [CEMM], le CIRA est la première unité à avoir « basculé complètement dans l’intelligence artificielle ».
« On fait des choses que personne ne fait. On a demandé à une start-up de nous aider et de faire basculer complètement le CIRA dans l’intelligence artificielle. On a gardé les marins [les « oreilles d’or »] et on a multiplié, grosso modo, entre 40 et 50 la production de cette unité par rapport à ce qu’on faisait avant », a expliqué l’amiral Vaujour, lors d’une récente audition à l’Assemblée nationale.
« On n’a pas enlevé le bon vieux marin ‘oreilles d’or’, qui est capable d’analyser des sons bien mieux qu’un algorithme codé en Python, qui ne le fera probablement jamais. En revanche, tout ce qui est simple à faire, l’algorithme va le faire. Cela évite aux marins de s’embêter pendant des heures sur des trucs qui n’ont pas d’intérêt », a poursuivi le CEMM.
Et d’insister : Les ANAGA « sont les seuls à être capables de dire si un sous-marin est en train d’ouvrir un sas ou de démarrer un nouveau [moteur] diesel. Ça, il n’y a que l’homme qui sait le faire aujourd’hui ».
Comme l’avait expliqué la Marine nationale en mai 2024, la solution d’intelligence artificielle mise au point avec Safran.AI, était déjà en mesure, à l’époque, d’identifier le système propulsif d’un bateau et le nombre de pales d’une hélice. En outre, plus le volume des données collectées sera important, plus elle gagnera en efficacité et en fiabilité. Mais cela suppose de disposer d’une puissance de calcul ad hoc et d’augmenter les capacités de stockage de l’information.