Xi Jinping a présenté les nouveaux engagements climatiques de la Chine lors du sommet des Nations Unies consacré au changement climatique le 24 septembre dernier. Pour la première fois, il s’est engagé sur une réduction en valeur absolue des émissions chinoises à l’horizon 2035. Mais cet engagement reste minime par rapport aux attentes. Il ne suffira pas à inverser la courbe des émissions asiatiques qui reste à la hausse.
L’intervention vidéo de Xi Jinping a fait sensation. Elle comportait une série d’engagements nouveaux : « D’ici 2035, la Chine réduira ses émissions nettes de gaz à effet de serre (GES) de 7 à 10 % par rapport au pic d’émissions, en s’efforçant de faire mieux ; la part des combustibles non fossiles dans la consommation totale d’énergie atteindra plus de 30 % ; la capacité installée d’énergie éolienne et solaire se situera à plus de six fois les niveaux de 2020, en s’efforçant d’atteindre 3 600 Gigawatts ; le stock forestier sera porté à plus de 24 milliards de mètres cubes ; les véhicules à énergie nouvelle occuperont une part dominante du marché des véhicules neufs ; le marché national d’échange de droits d’émission de carbone couvrira les principaux secteurs à fortes émissions. »
Les annonces faites restent floues et sont inférieures aux tendances actuelles
La principale interrogation concernant ces engagements est la date et le niveau du pic d’émissions. La Chine s’était engagée précédemment à ce que ce pic intervienne avant 2030. Mais il suffit que les émissions chinoises continuent de progresser d’ici 2029 au rythme de la période 2020-2024, soit 9% sur quatre ans, pour que l’engagement pris pour 2035 ne se traduise que par un retour des émissions chinoises au niveau actuel.
Heureusement pour la planète, les experts de Carbon Brief et du Climate Action Tracker (CAT) estiment que la Chine a peut-être déjà atteint son pic d’émissions cette année. Dans les scénarios qu’il élabore à l’horizon 2030, le CAT estime que les émissions chinoises devraient diminuer entre 2 et 9% par rapport à leur niveau actuel compte tenu du rythme rapide de la transition énergétique engagée par le pays.
C’est la raison pour laquelle le commissaire européen pour le climat, Wopke Hoekstra, a estimé que l’engagement annoncé par Xi Jinping se situe « très en dessous de ce que nous estimons possible et nécessaire. » La cible de 30 % de réduction à l’horizon 2035 (par rapport à 2025) est considérée par Carbon Brief comme un minimum pour maintenir la Chine en ligne avec l’objectif d’une limitation à 1,5 degrés de la hausse planétaire des températures.
La cible concernant les énergies non fossiles est également jugée modeste. Une étude récente du Sinopec Economic and Development Research Institute estimait que la part des énergies non fossiles dans la production d’énergie devrait atteindre 27% en 2030 et 36% en 2035. La cible de 3 600 GW de capacités installées pour le solaire et l’éolien paraît ambitieuse par rapport à 2020, mais la Chine se situe déjà à 1 680 GW en 2025 et le rythme annuel des nouvelles capacités est supérieur à 300 GW alors qu’il suffirait de 200 GW par an pour atteindre l’objectif annoncé. La part des véhicules à énergie nouvelle (électriques ou hybrides) atteignait déjà 41% du marché chinois en 2024, et il est très probable qu’elle sera supérieure à 50% bien avant 2035.
Au total, chacun des engagements annoncés se situe nettement en deçà de ce que la Chine est capable de faire. Rien n’est dit par ailleurs à propos du charbon sur lequel le pays continue d’investir chaque année. On sait que les dirigeants chinois aiment « en garder sous le coude » lorsqu’ils prennent des engagements internationaux pour pouvoir en réalité faire mieux. La communauté internationale aurait tout de même souhaité une plus grande prise de risque au moment où les États-Unis partent en guerre contre l’effort commun de lutte contre le changement climatique.
Les engagements chinois n’empêcheront pas la progression des émissions de GES du continent asiatique
La Chine se garde d’exercer la moindre pression sur ses voisins asiatiques pour que l’Asie devienne globalement capable d’inverser la courbe de ses émissions de GES. La tendance des dernières années après le choc de la pandémie n’est pas franchement encourageante. Les émissions chinoises ont progressé de 9%, les émissions indiennes de 24% et celles de l’Asean 6 de 21%. Les réductions obtenues par le Japon et la Corée n’ont qu’un impact marginal sur la tendance globale à la hausse des émissions en Asie. En valeur absolue, les émissions de GES cumulées du groupe Chine, Inde, Japon, Corée et Asean 6 ont progressé de 2620 millions de tonnes entre 2020 et 2024, soit 82% de la totalité des émissions de l’Union européenne en 2024.
Les perspectives pour les années à venir sont un peu moins mauvaises mais restent négatives. Si l’on se base sur le point moyen des prévisions hautes et basses du CAT à l’horizon 2030, la possible baisse des émissions chinoises (- 600 Mt de GES) représente moins de la moitié des hausses d’émissions anticipées pour l’Inde et l’Asean 6 (+1 230 Mt de GES). La question du pic d’émissions en Inde reste ouverte. Il pourrait se situer entre 2040 et 2045 sur la base des politiques actuelles. Par ailleurs, les réductions envisagées pour la Corée et le Japon continuent d’avoir un impact limité d’ici 2030 (-124 Mt).
A l’horizon 2035 l’engagement chinois d’une réduction d’au moins 7 à 10% va se cumuler avec des engagements plus robustes du Japon qui, dans la dernière contribution nationale déposée à l’ONU en février 2025, prévoit pour 2035 une baisse de près de 50% de ses émissions par rapport au niveau de 2024. Singapour commence également à annoncer une baisse de ses émissions à l’horizon 2035. Les autres pays de l’Asean, la Corée, l’Inde n’ont pas mis à jour leurs engagements auprès des Nations Unies. Ils sont normalement tenus de le faire avant la COP 30 qui aura lieu à Belém au Brésil du 10 au 21 novembre prochain. Certains le feront sans doute, mais il ne faut pas s’attendre à des annonces spectaculaires. Au total la réduction des émissions de gaz à effet de serre de l’Asie dans son ensemble pourrait ne s’engager qu’après 2035.
Hubert Testard