Depuis que le département de la Défense, de la Protection de la population et des sports [DDPS] a admis que le montant de la facture des trente-six chasseurs-bombardiers F-35A Block 4 commandés aux près des États-Unis serait bien plus élevée que prévu [jusqu’à 1,3 milliards de francs suisses en plus], la polémique n’en finit pas, d’autant plus que la Suisse n’a pas été ménagée par l’administration américaine sur la question des droits de douane.
Plusieurs camps s’opposent. D’abord, il y a ceux qui plaident pour revoir à la hausse la commande initiale de F-35A, comme l’ancien astronaute suisse Claude Nicollier. « À l’avenir, cinquante avions de combat seront le nombre adéquat pour la Suisse », a-t-il dit, dans un entretien accordé à la NZZ am Sonntag, en juillet.
D’autres estiment au contraire qu’il faudrait annuler cet achat, en avançant, parfois, des propositions surprenantes, comme celle récemment défendue par historien militaire et expert en stratégie Mauro Mantovani. « Nous devons sérieusement nous demander si nous avons encore besoin de nos propres forces aériennes », a-t-il dit, avant de proposer de déléguer la protection de l’espace aérien de la Confédération à la… France.. car elle aurait « tout intérêt à ce que la Suisse ne serve pas de porte d’entrée à un éventuel agresseur ». Et d’ajouter : « Cette solution nous coûterait certainement beaucoup moins cher que l’exploitation d’une force aérienne complète par nos propres moyens ».
Et puis il y a ceux pour le statu quo, quitte à éventuellement réduire le nombre de F-35A commandés afin de ne pas dépasser l’enveloppe de milliards de francs suisse prévue [et approuvée lors d’une votation] pour cet achat. Telle est la position défendue par Martin Pfister, le chef du DDPS.
Quoi qu’il en soit, pour Berne, il est hors de question de remettre en cause le choix du F-35A et relancer une nouvelle procédure d’appel d’offres, les F/A-18 Hornet des forces aériennes suisses arrivant au bout de leur potentiel. D’ailleurs, pour le Conseil fédéral, il est trop tard pour reculer, les premiers appareils devant être livrés en 2027. C’est en effet ce qu’a confirmé un porte-parole de l’Office fédéral de l’armement [Armasuisse], le 5 septembre.
« La livraison des avions F-35A débutera comme prévu à partir de mi-2027 aux États-Unis depuis l’usine du constructeur à Fort Worth et à partir de mi-2028 depuis l’usine italienne de Cameri. Les avions de combat seront livrés dans leur configuration la plus récente », a-t-il confirmé auprès de Keystone-ATS.
Seulement, dans un rapport publié le 3 septembre, le Government Accountability Office [GAO, l’équivalent de la Cour des comptes] a indiqué que la version « Block 4 » du F-35 allait connaître de nouveaux retards [2031 au lieu de 2029] et qu’elle disposerait moins de capacités que prévu étant donné que l’amélioration du moteur F-135, via le programme Engine Core Upgrade] et celle du système de refroidissement [PTMU] ne seront pas terminées d’ici-là. En outre, les surcoûts engendrés par ces retards restent à évaluer.
La version Block 4 du F-35 « aura moins de capacités, connaîtra des retards de calendrier et aura des coûts inconnus jusqu’à ce que le bureau du programme ait terminé de les évaluer », a ainsi résumé le GAO.
Par ailleurs, selon ce dernier, les délais de livraison des F-35 sont de plus en plus longs, Lockheed Martin ayant livré 110 appareils en 2024, avec 238 jours de retard en moyenne [contre 54 jours en 2019].