Il y a encore quelques mois, le Département de la défense (DDPS) donnait l’impression d’un navire en perdition que tout l’équipage cherchait à fuir. En février, les démissions surprises des chefs de l’armée, Thomas Süssli, et du Service de renseignement de la Confédération (SRC), Christian Dussey, étaient annoncées simultanément, alors que la conseillère fédérale Viola Amherd était sur le départ. Remplacer ces deux postes hautement stratégiques représentait la première mission du nouveau ministre Martin Pfister, qui a mis sur pied des commissions de sélection dès son arrivée le 1er avril. Elle est aujourd’hui remplie.
Ce vendredi après-midi, le centriste zougois a ainsi annoncé conjointement ces deux «nominations importantes pour le pays» lors d’une conférence de presse à Berne: c’est le Fribourgeois Serge Bavaud pour la direction du Service de renseignement de la Confédération (SRC), et le divisionnaire bâlois Benedikt Roos dans le rôle de nouveau chef de l’armée. Ils entreront en fonction respectivement le 1er novembre 2025 et le 1er janvier 2026.
Les deux nominations étaient particulièrement attendues. L’armée a été secouée par plusieurs polémiques, dont la plus retentissante est celle entourant l’acquisition des avions de combat américains F-35, alors que le personnel du SRC est profondément ébranlé par l’échec d’une réforme interne. Des crises qui surviennent alors que «l’environnement international est sous forte tension», comme l’a souligné Martin Pfister, évoquant les guerres en Ukraine et au Proche-Orient, ou encore la rivalité croissante Etats-Unis-Chine et l’intensification des cyberattaques.
Un homme du sérail
Alors qu’en 2019, sa prédécesseure avait surpris en nommant à la tête de l’armée Thomas Süssli, un manager qui avait fait carrière dans le monde bancaire, Martin Pfister a choisi un homme du sérail. A 60 ans, Benedikt Roos a gravi tous les échelons, passant du commandement d’une brigade mécanisée au poste de chef planification de l’armée. Il est aujourd’hui le commandant des Forces terrestres. Pour le conseiller fédéral, celui-ci a «l’expérience et la personnalité» pour conduire l’armée dans la bonne direction. Benedikt Roos a quant à lui rappelé que le mot clé de son engagement était la responsabilité envers «les 100 000 femmes et hommes de la troupe, les 10 000 collaborateurs, mais aussi la population et les politiques».
Le nom du divisionnaire fribourgeois Raynald Droz avait également circulé ces derniers jours. L’homme s’était fait connaître du grand public durant la pandémie de Covid-19, où il participait au point de presse quotidien. Récemment, c’est encore lui qui a coordonné les opérations de l’armée après l’éboulement de Blatten. Mais le Conseil fédéral a fait un autre choix, avec Benedikt Roos, rompant avec la règle implicite depuis une vingtaine d’années où un Romand succédait à un Alémanique à la tête de l’armée, et inversement.
«Monsieur Crise de la Confédération»
Mais il y avait quand même un Fribourgeois assis ce vendredi au côté de Martin Pfister. Actuel ambassadeur en Algérie – nommé en juin, il devait prendre ses fonctions cet automne –, Serge Bavaud a été nommé directeur du SRC. Agé de 52 ans, celui qui a notamment étudié le leadership à l’Université de Harvard travaille depuis plus de vingt ans dans l’administration fédérale. Ancien cadre au contrôle des armements et du désarmement au DDPS, il a ensuite dirigé le Centre de gestion des crises (KMZ) du Département des affaires étrangères (DFAE). «Ma carrière s’est construite au cœur des enjeux de sécurité internationaux», a noté Serge Bavaud, qui a par ailleurs le grade de colonel. Le même que Martin Pfister, un conseiller fédéral qui voit les deux postes les plus importants de son département dorénavant repourvus. La mission la plus difficile peut commencer: remettre le DDPS sur les rails.
Yan Pauchard