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jeudi 10 juillet 2025

Diamant : les nouvelles facettes d’un univers en mutation

 

Épices, métaux précieux, soie…, la commercialisation des produits et matériaux de luxe a obéi plus précocement que les autres matières premières à des flux mondialisés, et le diamant n’échappe pas à la règle. L’univers fermé de la précieuse gemme connaît des bouleversements notables depuis le début du XXIe siècle, comme le rappelle la découverte, en août 2024, au Botswana, d’une pierre de 2 492 carats, la deuxième plus grande du monde.

Le diamant est constitué de carbone, dont la cristallisation pure a été provoquée par les mouvements tectoniques intervenus il y a environ 2,5 milliards d’années. Les gisements ne se sont formés que plus tard dans la croûte terrestre et ne l’ont remontée qu’à la faveur de l’activité volcanique, qui créa des cheminées dites diamantifères où les gemmes brutes furent enrobées d’une roche magmatique spécifique : la kimberlite. Tandis que des technologies de pointe qui utilisent les rayons X et l’intelligence artificielle permettent aux exploitants d’extraire des pierres d’un volume de plus en plus important sans les briser, le poids d’un diamant taillé, qui se mesure en carats (1 carat = 200 milligrammes), est loin d’être le seul critère qui détermine son prix. Clarté, taille et couleur l’affectent tout autant.

L’ère De Beers

Créée par des colons boers en 1888 et développée sous l’impulsion de l’homme d’affaires britannique Cecil Rhodes (1853-1902), chantre de l’impérialisme britannique sur le continent africain, la firme De Beers a joui tout au long du XXe siècle d’une situation de monopole sur les gemmes brutes : maîtrise des prix maintenus à un haut niveau grâce à la gestion de la rareté des pierres sur le marché via un système de surveillance étroite des acteurs, connaissance exhaustive du réseau mondial de diamantaires, historiquement basés à ­Anvers (Belgique). C’est par cette ville que transitèrent dès l’époque médiévale les diamants du sous-continent indien (dont les gisements furent exploités à compter du premier siècle avant l’ère chrétienne) par le biais de marchands du Proche-Orient, de confession juive, qui possédaient des privilèges commerciaux dans la ville leur offrant une forme de protection. En 2024, malgré la concurrence de Mumbai (Inde) et l’émergence de Dubaï (Émirats arabes unis), 80 % des diamants bruts du monde, 50 % des pierres polies et 40 % du diamant industriel transitent encore par Anvers.

Les gisements de l’Inde et du Brésil épuisés, les exploitations minières se sont tournées vers l’Afrique australe lorsque des enfants découvrirent une gemme de plus de 21 carats en 1867 à Kimberley, en Afrique du Sud. À partir de ce moment et jusqu’au milieu des années 2010, 63,6 % de tous les diamants connus dans le monde ont été extraits du sol africain. En 2023, en termes de volume de production exprimé en carats, le Botswana se classe deuxième avec 25,1 millions, derrière la Russie (37,3 millions). Viennent ensuite le Canada (16 millions), l’Angola (9,7 millions), la République démocratique du Congo (8,3 millions), l’Afrique du Sud (5,9 millions), le Zimbabwe (4,9 millions) et la Namibie (2,3 millions). En termes de valeur des diamants produits, le trio de tête reste dominé par la Russie, avec 3,6 milliards de dollars, suivie du Botswana (3,2 milliards) et du Canada (1,5 milliard).

« Diamants de sang » et gemmes de laboratoire

À l’aube du XXIe siècle, plusieurs pays d’Afrique australe cherchent à moraliser le secteur, conscients du rôle des « diamants de sang » dans le financement des conflits armés. Dans de nombreux pays du continent, les pierres ont été extraites et vendues illégalement pour armer des groupes étatiques ou rebelles. Ce fut le cas durant les guerres civiles en Angola (1975-2001) ou en Sierra Leone (1991-2002). Dans ce cas précis, l’un des plus connus, le Liberia voisin du président Charles Taylor (1997-2003) soutenait l’insurrection du Front révolutionnaire uni, organisation classée terroriste par les États-Unis, en échange de diamants. L’arrestation en 2006 et la condamnation en 2012 de Charles Taylor pour crimes contre l’humanité furent une étape importante, mais cela ne suffit pas à résoudre le problème des « diamants de sang », notamment en République démocratique du Congo, où le secteur échappe en partie aux autorités et profite aux milices.

À l’initiative du ministère sud-africain des Mines et de l’Énergie, trois exportateurs de diamants bruts, l’Afrique du Sud, le Botswana et la Namibie, invitent la Belgique, les États-Unis et le Royaume-Uni, importateurs, à se réunir à Kimberley les 11 et 12 mai 2000. Des acteurs de la société civile et des industriels du secteur – qui créent à cette occasion, en juillet 2000, le Conseil mondial des diamants – sont également conviés. L’objectif est d’élaborer un mode international unique, le Système de certification du processus de Kimberley (SCPK). Celui-ci entre en vigueur en 2003 après une augmentation sensible du nombre de participants (États et compagnies). En cas de violation, un membre peut être exclu ; ce fut le cas du Congo entre 2004 et 2007. Parallèlement, les pays africains décident de nationaliser tout ou partie de leurs gisements afin de bénéficier de la manne financière que représentent les mines diamantifères.

L’Union européenne (UE) a interdit depuis le 1er janvier 2024 les diamants extraits ou travaillés (ainsi que tout produit intégrant des diamants) en Russie, sanctionnée pour l’invasion de l’Ukraine en février 2022, ce qui met Anvers en position de faiblesse, les pierres russes passant presque systématiquement par la ville belge. Beaucoup de négociants ont déjà déménagé à Dubaï ou en Inde, où la législation est plus opaque. De plus, en raison de la baisse de la consommation chinoise de produits de luxe, De Beers réduit sa production. Enfin, les gisements d’Afrique du Sud s’épuisent et de nouveaux producteurs émergent, comme le Canada, dont la première mine a ouvert à la fin des années 1990, tandis que la beauté et la pureté des pierres de laboratoire représentent une menace pour le marché du diamant naturel, sur lequel repose pourtant le PIB de nombreuses nations ­africaines. 

Combien coûte un diamant et qui le produit ?


Géographie mondiale du marché des diamants


Le processus de Kimberley ?


Elsa Galland

areion24.news