Les nations chilienne et péruvienne trouvent leur origine dans les divisions administratives de l’empire hispano-américain, avec la capitainerie générale du Chili et le vice-royaume du Pérou, qui supervise aussi l’actuelle Bolivie, ainsi que l’audience de Quito, l’actuel Équateur, avant que celle-ci ne soit attribuée au vice-royaume de la Nouvelle Grenade, les actuelles Colombie et Venezuela. Compte tenu des distances extrêmes, les forces maritimes sont dès l’origine le facteur déterminant pour protéger le commerce de la mer du Sud, projeter des troupes et contrôler le littoral sur des milliers de kilomètres.
De 1818 à 1824, le Chili émancipé de la tutelle de Madrid force l’indépendance du Pérou en lui fournissant troupes et soutien naval, sous les ordres des Britanniques Thomas Cochrane et Martin Guise, le premier commandant ensuite les marines brésilienne puis grecque et le second, la marine péruvienne. De 1828 à 1829, Guise bloque et occupe temporairement Guayaquil à la suite d’un litige frontalier avec la Grande Colombie de Simon Bolivar. Le Libertador prévaut, mais échoue dans son rêve d’unifier les nouvelles républiques andines, dont la Bolivie qui porte son nom. De fait, la Grande Colombie éclate en 1830, enfantant l’Équateur, au nord-ouest du Pérou.
Temps homériques
De 1836 à 1839, un second conflit rassemble le Chili et le Pérou autant qu’il les oppose dans le soutien de Santiago aux dissidents péruviens qui luttent pour restaurer l’unité de leur pays et dissoudre la Confédération boliviano – péruvienne. Réfugiés en Équateur, d’autres dissidents péruviens encouragent Quito à réclamer Tumbes, Jaén et Maynas, trois territoires occupés par Lima depuis 1829, arguant des frontières coloniales. Après une autre invasion péruvienne de Guayaquil en 1858-1860, l’Équateur refuse de nouveau la délimitation convenue avec le Pérou. De 1864 à 1866, Chili et Pérou tiennent en échec une flotte espagnole qui occupe les îles péruviennes Chincha, tentant vainement de reprendre ses anciennes colonies.
Allié secret de la Bolivie, le Pérou la soutient quand le Chili l’attaque en 1879, pour avoir surimposé puis exproprié une entreprise chilienne de salpêtre. Les trois pays s’affrontent alors dans la guerre du Pacifique (ou du salpêtre) qui forge sur mer des identités nationales jusqu’alors mal définies, et une inimitié d’un siècle et demi. Bloquée par le cuirassé péruvien Huascar de l’amiral Miguel Grau, que le capitaine de corvette Arturo Prat tente d’aborder au prix de son navire et de sa vie, la marine chilienne s’en empare cinq mois plus tard, ouvrant l’invasion du Pérou, l’occupation de Lima et la prise des provinces d’Arica et de Tacna. Pulvérisés par l’artillerie à tir rapide, Prat et Grau deviennent les dieux marins de deux patries où leur culte ne faiblit pas. En 2000, Grau est désigné « Péruvien du millénaire ». Inspiré par Lord Cochrane et la geste anglaise qui privilégie le risque sur la préservation du matériel, Prat donne à la marine chilienne sa devise : « vaincre ou mourir ». Relique dans la base navale de Talcahuano, le Huascar est un pèlerinage partagé (1).
Si Santiago consent en 1929 à restituer Tacna au Pérou, la Bolivie perd, elle, son accès à la mer. La guerre du Pacifique détermine la composition des deux flottes qui s’appuient parfois sur deux alliés de revers, l’Argentine pour le Pérou et l’Équateur pour le Chili, Buenos Aires ayant profité de l’affrontement pour s’emparer de la Patagonie. Remise à niveau par deux missions navales des États-Unis (1920-1933 et 1938-1969) (2) et sortie du complexe d’infériorité né de la défaite, la marine péruvienne émule la culture d’excellence de la marine chilienne. Elle affronte la marine colombienne sur l’Amazone en 1932-1933, dépêchant ses sous – marins dans les Caraïbes, puis la marine équatorienne en 1941, bloquant Guayaquil et ses exportations de bananes, toujours à propos des frontières coloniales. Si la guerre n’aboutit à rien avec Bogotá, Quito doit renoncer à un débouché sur le fleuve Amazone, mais y obtient la libre navigation, grâce aux bons offices de Rio de Janeiro, Buenos Aires, Santiago et Washington.
Face à des nationalismes exacerbés par des frontières mal délimitées, les États-Unis tentent de maintenir un équilibre dans le Cône sud, transférant en 1951 trois paires de croiseurs d’occasion, une à l’Argentine, une au Brésil et une au Chili, le Pérou rétablissant la balance avec l’acquisition de deux croiseurs britanniques. En 1950, le Pérou se dote de la société SIMA pour assurer l’entretien de ses bâtiments de guerre et construire des chalutiers.
Réactivation des conflits historiques
Entre 1969 et 1975, le dictateur péruvien Juan Velasco Alvarado semble rompre l’équilibre. Il achète deux sous – marins Type‑209 en Allemagne, deux croiseurs et deux destroyers d’occasion aux Pays-Bas et au Royaume – Uni, quatre frégates Lupo en Italie (dont deux à construire au Callao), ainsi que 300 chars T‑54 et T‑55 et des avions Su‑22 soviétiques. Son état – major planifie une nouvelle guerre du Pacifique pour le mercredi 6 août 1975. Le plan prévoit d’envahir Arica, de capturer Iquique, voire de rendre Antofagasta à la Bolivie (3).
Depuis 1970, Santiago réagit au sur-armement péruvien en commandant deux sous-marins Oberon et deux frégates Leander au Royaume-Uni ainsi qu’un croiseur et deux destroyers d’occasion en Suède et aux États-Unis. Alarmé, le dictateur chilien Augusto Pinochet décide le rétablissement des relations diplomatiques avec la Bolivie du général Hugo Banzer pour assurer sa neutralité. L’étreignant le 8 février 1975 à Charaña, Pinochet promet à Banzer un corridor maritime sur la frontière chilienne. Affaibli par la maladie, Alvarado est renversé avant d’avoir agi. Incertain sur les intentions de son successeur, le général Francisco Morales Bermúdez, Pinochet planifie en 1976 une guerre préventive que Washington lui déconseille.
En décembre 1978, lorsque l’Argentine se prépare à attaquer le Chili après l’arbitrage de la reine d’Angleterre qui attribue les trois îlots du canal de Beagle à Santiago, Bermúdez refuse de s’y associer, rappelant qu’en 1879-1884, Buenos Aires n’était pas venu à son secours (4). Alors que le 22 décembre, une tempête australe sépare les flottes argentine et chilienne qui ont reçu l’ordre d’engagement, le président américain Jimmy Carter et le nouveau pape Jean-Paul II parviennent à arrêter l’offensive de Buenos Aires, quatre heures avant son déclenchement, ce dernier dépêchant le cardinal Samoré et menaçant d’excommunication l’initiateur d’une guerre. L’étreinte de Charaña a permis à Pinochet de gagner du temps. Le danger passé, les accords signés entre la Bolivie et le Chili sont dissous, au prétexte que le Pérou n’a pas été consulté, et les relations chiléno – boliviennes de nouveau rompues.
Nonobstant le travail du pape dans les négociations, les tensions persistent dans le Cône sud. Un sous – officier péruvien est fusillé pour intelligence avec le Chili, dont l’ambassadeur est expulsé. Le Pérou poursuit son réarmement, commandant quatre sous-marins Type‑209 en Allemagne en 1976 et 1978 et acquérant entre 1978 et 1981 pas moins de huit destroyers d’occasion aux Pays-Bas et six corvettes en France, toutes armées de missiles Exocet (5). Ce dernier programme répond à un autre réarmement, celui de son voisin nordiste (6).
Découvrant du pétrole, l’Équateur investit dans ses forces armées pour effacer sa défaite de 1941 contre l’ennemi péruvien, ciment d’un pays divisé par les régionalismes de Guayaquil et de Quito. Disposé à attaquer le Pérou si celui-ci venait à envahir le Chili de concert avec l’Argentine, l’Équateur commande deux sous – marins Type‑209 et trois vedettes lance – torpilles en Allemagne et six corvettes armées de missiles Exocet en Italie, et reçoit aussi un destroyer d’occasion des États-Unis. Après des incursions équatoriennes dans la cordillère frontalière du Condor en janvier 1978 et en février 1981, les affrontements reprennent en janvier – février 1995, dans le même secteur, toujours sur le tracé des frontières coloniales. Avec un matériel supérieur, l’armée de l’air équatorienne empêche le président péruvien Alberto Fujimori de capturer Tiwinza, point disputé, au centre de sa campagne électorale. En mars, après l’intervention des quatre garants de la paix de 1942, les combats cessent, mais la course aux armements s’intensifie. En mai 1996, Lima signe pour des avions MiG‑29 et Su‑25 d’occasion en Biélorussie, Washington empêchant Israël de vendre d’autres chasseurs Kfir à l’Équateur. Réélu sans Tiwinza, Fujimori doit renoncer à la guerre, les chasseurs achetés à Minsk n’étant pas en état de combattre. Occultant ce gigantesque scandale, la diplomatie permet à Lima de s’imposer pacifiquement, au désespoir du haut commandement équatorien qui estime avoir « tout perdu ».
Le traité de paix oblige toutefois la marine péruvienne à désarmer l’un de ses deux croiseurs, moindre sacrifice, le Chili s’étant séparé du dernier en 1992 (7). Santiago acquiert alors quatre destroyers britanniques County et deux frégates Leander qui, avec les deux précédentes, constituent l’ossature de l’Armada jusqu’en 2006. À cette date, Santiago rate une marche technologique en renonçant à construire des frégates sous licence allemande pour en acheter huit d’occasion : deux antiaériennes et deux anti – sous-marines des classes L et M aux Pays-Bas, et une Type‑22 et trois Type‑23 au Royaume-Uni. Lima suit la même voie, achetant à l’Italie quatre Lupo d’occasion qui portent à huit sa dotation. Les deux sous – marins Oberon chiliens sont remplacés par les deux premières exportations du Scorpène franco – espagnol en 2005-2006.
Le 27 février 2010, les installations de l’Armada chilienne à Talcahuano sont gravement frappées par un tsunami. Des vagues de 10 m inondent la base et l’arsenal, endommageant légèrement le Carrera, l’un des deux Scorpène, qui, dégagé par un remorqueur, s’abrite au large. Le sous – marin Simpson Type‑209 s’échoue. Remis à flot en juillet 2010, il peut être modernisé, et ralliera la flotte en 2012.
Une voie juridique chargée de tensions
Surgi en 1985, le différend relatif à la délimitation maritime entre le Chili et le Pérou est un autre produit de la guerre du Pacifique et du traité de Lima en 1929. Il concerne une zone maritime d’environ 37 000 km2 dans le Pacifique. Lima soutient que la délimitation de la frontière maritime entre les deux pays est encore indéterminée tandis que Santiago estime qu’elle est soumise à deux traités internationaux signés en 1952 et 1954 par le Chili, l’Équateur et le Pérou, et portant à 200 nautiques leurs eaux territoriales. Lima demande le partage équitable d’un triangle que le Chili considère comme la haute mer, et que le Pérou voit comme faisant partie de son domaine maritime en raison de la projection de ses lignes de base. Ratifiant en 1997 la Convention sur le droit de la mer, le Chili indique le parallèle 18° 21′ 00” comme la frontière maritime entre les deux pays. Dans une note envoyée aux Nations unies le 7 janvier 2001, le Pérou rejette cette ligne. Le 16 janvier 2008, il soumet la controverse à la Cour internationale de justice. Le 27 janvier 2014, la Cour rend son arrêt, attribuant au Pérou une zone maritime d’un peu plus de 50 000 km2, dont 22 000 km2 appartenaient à la zone économique exclusive du Chili.
La Cour définit le tracé de la frontière maritime sans en déterminer les coordonnées géographiques précises, ordonnant aux parties de procéder à la détermination de ces coordonnées, ce qui est fait le 25 mars 2014 par des représentants des deux États à Lima. S’ajoute un différend sur un petit triangle terrestre de 3,7 ha, né de la divergence concernant l’emplacement du point final de la frontière terrestre et du début de la frontière maritime entre les deux pays, distants de 180 m selon les interprétations péruvienne et chilienne. Pour Santiago, « la frontière terrestre commence au même point où commence la frontière maritime, au marqueur 1 ». Pour Lima, le tribunal a déclaré que « la frontière terrestre pourrait ne pas coïncider avec le point de départ de la frontière maritime ». Après une période de tension en 2014 où les deux marines effacent noms, numéros et marques distinctives sur leurs bâtiments de guerre respectifs, la dispute sur cette superficie de moins de quatre terrains de football paraît s’apaiser (8).
Parallèlement, le 13 juin 2013, le gouvernement bolivien intente une action devant la Cour internationale de justice pour qu’elle exige du Chili de négocier un accès souverain à la mer, arguant que Santiago s’est engagé à le faire, en particulier lors de l’étreinte Pinochet-Banzer. Le 24 septembre 2015, la Cour se déclare compétente. Le 1er octobre 2018, la Cour rejette les 11 arguments présentés par la Bolivie, déclarant qu’elle « ne peut pas conclure que le Chili est dans l’obligation de négocier un accès souverain complet à l’océan Pacifique pour la Bolivie ».
Nouveaux programmes et convergences économiques
Le 10 janvier 2025, au Callao, la présidente péruvienne, Dina Boluarte, assiste à la mise sur cale d’une frégate polyvalente HDF‑3200 sélectionnée pour remplacer les Lupo, d’un patrouilleur hauturier (OPV) et de deux transports logistiques. En novembre 2024, le vice-amiral Oscar Torrico avait détaillé les futurs plans de la marine. Ceux-ci reposent sur la coopération entre l’entreprise SIMA SA et des partenaires étrangers, au premier rang desquels la compagnie sud – coréenne Hyundai Heavy Industries (HHI) avec laquelle un accord de 434 millions de dollars est signé pour ces quatre unités. Le plan prévoit au total la construction de 23 bâtiments en deux étapes, d’ici à 2030 et d’ici à 2050. Outre les quatre bâtiments mis sur cale le 10 janvier, le projet phare concerne les deux transports d’assaut de classe Makassar, le Pisco déjà en service et le Paita en achèvement. Un autre correspond à deux sous – marins d’un design de HHI inspiré par les Type‑209 ; parallèlement, quatre des six Type‑209 actuellement en service sont modernisés. Après le Chipana qui rallie après ses essais en mars 2018 suivent les Angamos, Pisagua et Antofagasta.
Un officier est désigné pour recevoir en Allemagne une formation spécialisée sur le système de sonar passif à basse fréquence (LOFAR) destiné à ces sous – marins. Le plan prévoit également la production de cinq autres frégates HDF‑3200 et de six corvettes lance – missiles pour remplacer les cinq Velarde (PR‑72). Au même moment, deux patrouilleurs, les Río Huarmey et Río Nepeña, sont recettés à Chimbote. Il s’agit des 7e et 8e unités de la classe PGCP‑50 construites en coopération avec le sud – coréen STX (9). Deux autres sont sur cale. SIMA assemble également des embarcations d’assaut CB‑90 sous licence Sundin Dockstavarvet du groupe suédois Saab. Depuis 75 ans, SIMA crée des emplois au Callao, à Chimbote et à Iquitos, permettant des transferts de technologie qui font du Pérou l’une des cinq nations capables aujourd’hui de construire des bâtiments hauturiers en Amérique latine, avec le Brésil, le Chili, la Colombie et le Mexique (10). L’accord entre HHI et SIMA s’accompagne d’un autre accord entre les entreprises aéronautiques SEMAN Perú et KAI pour la fabrication de pièces destinées à l’avion d’entraînement sud – coréen T‑50/FA‑50 proposé à l’armée de l’air péruvienne. Celle-ci évalue le Rafale, le F‑16 et le Gripen pour remplacer ses MiG‑29.
Exactement le même jour, 3 773 km plus au sud, à l’arsenal de Talcahuano, le président chilien Gabriel Boric signe un document sur la « politique nationale de construction navale ». Il s’agit de renouveler les navires auxiliaires et les unités logistiques de l’Armada par une collaboration public – privé avec ASMAR. Restauré après le tsunami, l’arsenal comprend deux cales sèches, l’une de 175 m et l’autre de 245 m, ainsi que des docks flottants pour l’entretien des sous – marins et de la flotte. Mis sur cale en 2017 en partenariat avec Vard/Fincantieri, lancé en 2022 et livré le 18 avril 2024, le brise – glace antarctique AGB‑46 Almirante Viel est admis au service actif le 9 juillet. Signe de temps plus apaisés, les trois patrouilleurs lance – missiles Saar 4 Angamos, Casma et Chipana sont reclassés en bâtiments d’action maritime et leurs missiles obsolètes débarqués (11). Comme le Pérou, le Chili annonce sa volonté de construire localement tous les bâtiments de sa marine. Mais jusqu’à présent, et contrairement au Pérou, le Chili n’a pas encore produit de bâtiments de combat. ASMAR compte relever ce défi avec un programme de frégates pour remplacer les huit unités en service. Concernant le remplacement des Type‑209 et contrairement au Pérou, le Chili devrait importer deux unités construites à l’étranger. Escotillón IV, le projet en cours, concerne quatre navires polyvalents, d’une longueur de 110 m, d’une largeur de 21,8 m et d’un déplacement de 7 897 t, dotés d’un radier pour la projection de forces et le soutien. Ces quatre bâtiments doivent remplacer le transport Aquiles, les deux BATRAL, ainsi que le TCD Sargento Aldea, ex-Foudre de la Marine nationale. La première unité devrait être livrée en 2027 et la seconde, en 2030 (12).
Si la composition des marines chilienne et péruvienne révèle deux institutions toujours orientées l’une contre l’autre, le choix stratégique du Pérou de s’associer au programme chinois des routes de la soie ouvre des possibilités de développement économique pour toute la région. Le port de Chancay est un terminal de grande capacité situé à 75 km au nord du Callao. Géré par la société chinoise Cosco Shipping Ports qui détient 60 % des parts, les 40 % restants appartenant à la société minière péruvienne Volcan Compañía Minera, le port comprend actuellement quatre quais et un tunnel de près de 2 km de long. Une deuxième phase d’expansion devrait être achevée en 2032. Inauguré le 14 novembre 2024, à l’occasion du forum de coopération économique Asie – Pacifique (APEC) en présence du président chinois, Xi Jinping, le port devrait être opérationnel à la mi -2025. Le projet a été lancé en 2007 par l’ancien amiral péruvien Juan Ribaudo de la Torre, puis repris par Volcan Compañía Minera associé depuis 2019 à Cosco Shipping Ports.
Avec une superficie de 142 ha et une profondeur de 17 m, Chancay est le plus grand port de la région. Il peut décharger et charger sans discontinuer les plus gros porte – conteneurs grâce à des systèmes automatisés. Les économistes évaluent jusqu’à 1,8 % du produit intérieur brut son apport potentiel au Pérou, soit environ 4,5 milliards de dollars par an. Parmi les objectifs, celui de décongestionner le port du Callao, de réduire le temps de transport vers l’Asie (de 10 à 12 jours), ainsi que les coûts logistiques (de 15 %). Les exportations péruviennes de produits agro – industriels et de la pêche qui nécessitent une chaîne du froid devraient en bénéficier. Au niveau régional, le port de Chancay devrait faciliter l’intégration économique du Cône sud, y compris pour les rivaux chilien et équatorien, qui pourraient ainsi accéder directement aux marchés chinois et asiatiques (13).
Encore déterminée par les conséquences de la guerre du Pacifique il y a bientôt 150 ans, la dynamique entre le Pérou et le Chili repose sur un équilibre des forces et sur une intégration économique qui apaise progressivement les relations. Comme le montre l’historien péruvien José Ortiz – Sotelo, la blessure persiste au Pérou alors qu’elle s’est effacée au Chili (14). Redouté, le cap du centenaire de la guerre a été franchi pacifiquement. Cette dynamique favorise les industriels de défense, en particulier européens. Historiquement favorables au Pérou avant de se rapprocher du Chili quand le premier a acheté des armes à l’URSS, les États-Unis cherchent au contraire à limiter la course aux armements et l’accès aux meilleures technologies, tout en préservant un équilibre des forces. La diplomatie de l’administration Carter et l’action du Vatican ont été décisives en 1978-1979 pour prévenir une grande guerre dans le Cône sud, dont l’impact aurait été catastrophique.
Notes
(1) Jacinto López, Historia de la guerra del guano y el salitre, Editorial Universo, Lima, 1980 ; Jorge Ortiz Sotelo et Carlos López Urrutia, Monitor Huáscar: una historia compartida (1865-2005), Asociacion de Historia Marítima y Naval Iberoamericana, Lima, 2005, 192 p.
(2) Michel Laguerre Kleimann, Misión Naval Americana en el Perú (1920-1933/1938-1969), Marina de Guerra del Perú, Lima, 2020.
(3) Rafael Sagárnaga, « La guerra prevista para el 6 de agosto de 1975 », Los Tiempos, 31 juillet 2021.
(4) « Perú y Chile estuvieron a punto de ir a una guerra en los 70 », Diario Critico, 11 décembre 2006.
(5) Joaquín Fermandois et Hurtado-Torres Sebastián, « Hipótesis de conflicto en el cono sur: Chile ante Perú, 1968-1979 », 2022 (https://www.revistasmarcialpons.es/revistaayer/article/view/hipotesis-de-conflicto-en-el-cono-sur-chile-ante-peru-1968-1979/1407).
(6) Claudio Tapia Figueroa, « La política chilena en la postguerra del Pacífico: poder, influencia y relaciones con Ecuador », Historia Crítica, no 64, 2016.
(7) Jimmy López Contreras, Ecuador-Perú – Antagonísmos, negociación e intereses nacionales, Ediciones Abya-Yala, Quito, 2004.
(8) « Qué es el triángulo terrestre que vuelve a enfrentar a Perú y Chile », BBC Mundo, 21 août 2014.
(9) « La Marina de Guerra del Perú apuesta por el futuro: modernización y tecnología para afrontar nuevos desafíos », El Noticiero, 13 janvier 2025.
(10) Jordan Arce, « Nuevas patrulleras y poderosos buques: Así modernizará su flota la Marina de Guerra del Perú en 2025 », infobae.com, 13 janvier 2025.
(11) Javier Muñoz Romero, « La Armada de Chile moderniza y da una nueva vida a la Lancha de Acción Marítima Chipana », defensa.com, 26 mars 2025.
(12) « Los nuevos buques multipropósito de la Armada de Chile serán equipados con timones fabricados por Damen », Zona Militar, 13 août 2023.
(13) « Megapuerto de Chancay: la historia detrás de la expansión del hub comercial en Perú », Ojo Publico, 8 septembre 2024.
(14) Jorge Ortiz Sotelo, « Chile y Perú: cambios y continuidades historiográficas en torno a la Guerra del Pacífico », Instituto de Historia, conférence, avril 2017.
Alexandre Sheldon-Duplaix