C’est la rencontre qui ne passe pas. Celle qui fait remonter à la surface les cauchemars de la guerre d’Irak. Pour ces vétérans interviewés par les médias américains, Donald Trump est allé trop loin.
Pactiser avec le prince héritier d’Arabie saoudite ou l’Emir du Qatar passe si cela rapporte des centaines de milliards de dollars. Mais serrer la main d’un ex-terroriste islamiste passé par la prison irakienne d’Abu Ghraib, revient à insulter la mémoire de ceux qui se sont battus contre les insurgés islamistes dans les rues de Falloujah, de Mossoul, ou dans le désert irakien qui borde la Syrie.
Ahmed al-Charaa, un repenti?
La raison principale de la rencontre entre le président des Etats-Unis et l’actuel homme fort de Syrie est connue. «Donald Trump a expliqué à M. al-Charaa qu’il avait la possibilité de 'faire un excellent travail pour le peuple syrien' et l’a encouragé à signer les accords d’Abraham – une initiative dirigée par les Etats-Unis qui vise à normaliser les relations entre Israël et les pays arabes – et à «dire à tous les terroristes étrangers de quitter la Syrie» a tranché la porte-parole de la Maison Blanche, Karoline Leavitt.
Environ 2000 soldats américains restent positionnés en Syrie sur la base de Al-Tanf, dans la région de Homs. Des opérations militaires continuent d’être menées par l’US Air Force qui a encore revendiqué en février avoir tué un membre d’une organisation affiliée à Al-Qaïda lors d’une frappe aérienne de précision. Il s’agirait d’un haut responsable des finances et de la logistique de l’organisation terroriste Hurras al-Din (HaD), affiliée à Al-Qaïda, dont l’identité n’a pas été divulguée.
Lutte antiterroriste
Les vétérans de la guerre d’Irak ont donc beau jeu de dire que la lutte antiterroriste n’est pas terminée: «Je me demande combien de soldats américains en Irak ont été blessés ou n’ont pas survécu au nouveau partenaire commercial de Trump en Syrie? Une fois de plus, Trump insulte les vétérans», a aussitôt réagi Liz Cheney, l’une de ses opposantes en chef au sein du Parti républicain.
Honnie par Trump pour avoir dirigé les travaux de la Commission d’enquête du Congrès sur l’assaut du Capitole le 6 janvier 2021, Liz Cheney a, il est vrai, un patronyme à défendre. C’est son père, Dick Cheney, vice-président de George Bush, qui a conçu et défendu l’intervention américaine en Irak, entamée le 20 mars 2003, officiellement pour riposter à la menace nucléaire et chimique de Saddam Hussein (qui s’est révélée fausse).
Mais cette ex-parlementaire n’est pas seule. Elle est soutenue par d’anciens officiers supérieurs et d’ex-responsables de la CIA, pour qui Trump mise sur la Syrie pour satisfaire son allié à la fois le plus proche et le plus problématique: le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu.
Poignée de main pas ordinaire
«Il ne s’agissait pas d’une poignée de main ordinaire entre chefs d’Etat. L’homme qui a serré la main de Trump – et qui a reçu des promesses d’allègement des sanctions américaines – était autrefois mieux connu des services de renseignement sous un autre nom: Abu Mohammed al-Golani, une personnalité liée à Al-Qaïda et à l’insurrection irakienne au cours des années 2000», note l’Atlantic Council, un think tank respecté.
L’un des généraux les plus prudents est David Petraeus, connu pour avoir mené la contre insurrection en Irak en 2003-2004: «Nous avons appris à nos dépens que si vous laissez les ex-terroristes se regrouper, des forces comme celles-là peuvent se reconstituer. C’est ainsi que l’Etat islamique a pu se reconstruire après le retrait des forces de combat américaines fin 2011», déclarait-il en décembre 2024 lors d’une conférence à Singapour.
Richard Werly