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mercredi 19 février 2025

L'armée chinoise ne serait pas prête pour la guerre

 

Le couperet est tombé: malgré les efforts de Xi Jinping pour moderniser son armée depuis dix ans, la Chine n'est pas prête à faire face à un conflit. C'est du moins la conclusion du rapport controversé «La préparation douteuse au combat de l’armée chinoise», publié fin janvier par RAND Corp, un groupe de réflexion américain, rapporte CNN le 17 février.

Le principal problème de l'armée chinoise? Elle ne se développe pas en vue de combattre un ennemi étranger, mais pour assurer au régime communiste le maintien de son emprise sur la société. Des conclusions que plusieurs experts militaires contestent.

Trop centré sur la loyauté?

Avant l'arrivée au pouvoir de Xi Jinping, l'Armée populaire de libération (APL) ne figurait même pas parmi les forces les plus puissantes d'Asie. Pékin a depuis procédé à un renforcement militaire massif, lui permettant de rivaliser, voire de surpasser l’armée américaine dans certains domaines – cette dernière étant considérée comme la première puissance militaire mondiale.

Mais, «l'APL reste fondamentalement concentrée sur le maintien au pouvoir du Parti communiste chinois (PCC) plutôt que sur la préparation à la guerre», écrit Timothy Heath, expert de longue date de la Chine chez RAND. Le spécialiste cite notamment l’allocation de 40% du temps d’entraînement de l’armée à des objectifs politiques. Les commandants et commissaires de l'APL se focalisent davantage sur la loyauté des recrues envers le parti que sur leur efficacité au combat.

Des conclusions controversées

D'autres experts contestent ces conclusions, affirmant que Xi Jinping a clairement fixé pour priorité militaire la prise de Taïwan, y compris par la force. Selon eux, le renforcement de l'APL prouve que la Chine est prête à agir, malgré ses préoccupations de contrôle interne. Et l'utilisation de la force par Pékin peut prendre d'autres formes comme un blocus ou des pressions politiques incessantes.

John Culver, ancien officier du renseignement américain pour l'Asie de l'Est, a également émis des doutes sur le rapport. «La guerre n’est pas le plan A, mais elle reste le plan B si les circonstances l’imposent, d’autant plus que la capacité militaire de l’APL ne cesse de se renforcer», a-t-il écrit sur X. 

Comparaison avec l'Ukraine

Ces dernières années, Pékin a lancé un programme intensif de construction navale. Des efforts payant, vu que la Chine est devenue la plus grande force navale et maritime du monde. Le pays a également progressé dans le développement d'avions furtifs et d'armes hypersoniques. Mais Timothy Heath s'interroge sur l'efficacité réelle du nouvel arsenal chinois en cas de guerre.

Le rapport rappelle que des armées bien équipées ont déjà échoué à utiliser leurs armes avancées, en prenant pour exemple le conflit qui oppose la Russie à l'Ukraine. Ses détracteurs jugent cependant absurde d'appliquer ces mêmes doutes à l'armée chinoise. Selon Andrew Erickson, professeur au US Naval War College, Xi Jinping mène des réformes militaires drastiques pour améliorer les capacités de combat. Il souligne que la Chine progresse à la fois en effectifs et en technologie.

La corruption, le nerf de la guerre

Pendant ce temps, l'APL doit encore faire face à un problème majeur: la corruption. Un rapport du Pentagone publié en décembre souligne que la vaste campagne anti-corruption menée au sein des hautes sphères de l’armée et du gouvernement chinois freine les efforts de Xi Jinping pour renforcer la défense.

Entre ambitions stratégiques et défis internes, l’armée chinoise se trouve à un tournant. Mais si la Chine n’est peut-être pas encore prête à la guerre, ses adversaires feraient bien de ne pas sous-estimer sa progression.

Solène Monney

blick.ch