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samedi 4 janvier 2025

Les forces américaines sont soupçonnées de construire une base dans le nord de la Syrie

 

Le 20 décembre, soit dix jours après que le régime de Bachar el-Assad a été renversé au terme d’une offensive fulgurante menée par le groupe Hayat Tahrir al-Cham [HTS, ex-Front al-Nosra, autrefois lié à al-Qaïda] et des formations rebelles pro-turques fédérées au sein de l’Armée nationale syrienne, le Pentagone a reconnu qu’il avait renforcé ses troupes déployées en Syrie, en portant leurs effectifs à 2 000 soldats. Et cela, « depuis quelques mois ».

« Ces effectifs supplémentaires […] sont considérés comme des forces temporaires pour soutenir la mission [contre l’État islamique] et les forces qui sont déployées là-bas à plus long terme », a alors expliqué le général Pat Ryder, le porte-parole du Pentagone.

Depuis une décision prise durant le premier mandat du président Trump, en 2019, les États-Unis disposaient jusqu’alors d’environ 900 soldats en Syrie. Répartis dans deux bases, à savoir celle de Green Village, située près du champ pétrolier d’al-Omar, dans la province de Deir ez-Zor, et celle d’At Tanf, près des frontières avec la Jordanie et l’Irak, leurs missions consistaient à empêcher une résurgence de l’État islamique et à appuyer les Forces démocratiques syriennes [FDS, majoritairement constituées de combattants kurdes] ainsi que le groupe rebelle syrien « Maghaweir al-Thowra » [« Les commandos de la Révolution »].

Alors que la chute de Bachar el-Assad a encouragé les désormais ex-rebelles syriens soutenus par la Turquie à attaquer les FDS, il semblerait que les forces américaines aient l’intention d’établir à nouveau une base dans les environs de Kobané, ville qui fut le symbole de la résistance kurde face à l’État islamique, en 2014.

En effet, ces derniers jours, des camions chargés de matériaux de construction ont été vus en train de se diriger vers Kobané, sous l’escorte des FDS. Selon des sources citées par l’Observatoire syrien des droits de l’Homme [OSDH], les forces américaines auraient l’intention d’établir une « nouvelle base militaire à Ain Al-Arab [nom arabe de Kobané, ndlr], à la lumière des tensions sécuritaires et militaires croissantes dans cette région ».

Entre 2015 et 2019, la coalition anti-jihadiste dirigée par les États-Unis [Operation Inherent Resolve – OIR] avait déjà occupé une base à Kobané, dans le cadre de ses opérations contre l’État islamique. Puis celle-ci fut abandonnée et récupérée par les troupes russes, qui viennent à leur tour de la quitter.

Pour le moment, le Pentagone n’a pas confirmé les informations de l’OSDH. Reste que la poursuite [voire le renforcement] du soutien américain aux FDS risque fort de déplaire à la Turquie, qui considère cette organisation comme terroriste en raison de ses liens avec le Parti des travailleurs du Kurdistan [PKK].

Le 24 décembre, le secrétaire américain à la Défense, Lloyd Austin, a eu un entretien téléphonique avec son homologue turc, Yaşar Güler, pour discuter de la situation en Syrie. À cette occasion, il a fait valoir qu’une « coordination étroite et continue était essentielle » pour maintenir la pression sur l’État islamique et qu’il était important de « mettre en place les conditions permettant de rendre la Syrie plus sûre et plus stable ».

Puis, six jours plus tard, la porte-parole adjointe du Pentagone, Sabrina Singh, a indiqué que le « partenariat » avec les FDS n’avait « pas changé ».

D’ailleurs, le 31 décembre, Kurdistan24 a relevé que « la coalition internationale dirigée par les États-Unis avait renforcé ses patrouilles » dans les environs de Kobané, maintenait ainsi une « présence militaire continue dans la ville stratégiquement importante au milieu des tensions entre les FDS et la Turquie ».

Dans le même temps, le nouvel homme fort de la Syrie [et ancien chef de Hayat Tahrir al-Cham], Ahmad el-Chareh [alias Abou Mohammed al-Joulani], a fait savoir que des négociations étaient en cours avec les FDS pour « résoudre la crise dans le nord-est de la Syrie » et les « intégrer au sein des forces armées nationales ». Écartant toute idée de partition, il a affirmé que les Kurdes « faisaient partie intégrante de la Syrie. Et d’ajouter qu’il ne permettrait pas que le Kurdistan syrien puisse servir de base arrière au PKK pour lancer des attaques en Turquie.

Au passage, la tête d’Ahmad el-Chareh n’est plus mise à prix par les États-Unis, son avis de recherche ayant été retiré du site « Reward for Justice ».

Quoi qu’il en soit, si elle est confirmée, la construction d’une nouvelle base [ou la réhabilitation de l’ancienne] à Kobané par les forces américaines peut sembler étonnante alors que le président Biden s’apprête à passer le témoin à Donald Trump. Le 7 décembre, ce dernier avait tenu des propos sans ambiguïté au sujet de la situation en Syrie.

« La Syrie est un bordel, mais elle n’est pas notre amie, et les Etats-Unis ne devraient pas avoir affaire avec cela. Ce n’est pas notre combat. Laissons [la situation] se développer. Ne nous en mêlons pas ! », avait-il dit, via le réseau Truth Social. Puis, une semaine plus tard, il avait accusé la Turquie d’avoir « fait une prise de contrôle inamicale [de la Syrie] sans que beaucoup de vies ne soient perdues ». Et d’ajouter : « Je peux dire qu’Assad était un boucher ».

Cela étant, une récente note de l’Institut des relations internationales et stratégiques estime que les États-Unis ne sont pas près de quitter la Syrie.

« Pour le moment, un retrait des troupes américaines serait précipité et le vide laissé entraînerait vraisemblablement des affrontements entre les différentes factions se disputant le contrôle du territoire et de ses ressources. Les divergences d’intérêts entre les deux membres de l’Otan refont surface et nécessitent une présence au sol pour préserver les intérêts états-uniens et ceux de ses alliés », avance-t-elle.

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