« Je ne peux pas imaginer qu’une inflexion politique vienne fragiliser une coopération bilatérale qui remonte à la Seconde guerre mondiale, que rien n’est jamais parvenu à abîmer ou affaiblir », estime Nicolas Lerner
La coopération entre services de renseignement français et américains est solide et le restera après l’arrivée de Donald Trump à la Maison Blanche, assure vendredi Nicolas Lerner, chef du service de renseignement extérieur français (DGSE), dans une interview. « Les États-Unis sont nos alliés. Entre nos services de renseignement, la coopération est particulièrement intense », explique-t-il à l’hebdomadaire Le Point. « Je ne peux pas imaginer qu’une inflexion politique vienne fragiliser une coopération bilatérale qui remonte à la Seconde guerre mondiale, que rien n’est jamais parvenu à abîmer ou affaiblir ».
Depuis son élection, Donald Trump a annoncé plusieurs nominations sulfureuses. Parmi elles, la patronne du renseignement Tulsi Gabbard, ancienne militaire connue pour ses prises de position favorables à la Russie et au président syrien Bachar al-Assad, n’a aucune expérience dans le renseignement. Interrogé sur les tentations isolationnistes de la nouvelle administration américaine et sur un possible départ des Américains d’Irak et Syrie, Nicolas Lerner répond : « Ne crions pas avant d’avoir mal ».
« Discussion active »
« Personne n’a envie de voir ressurgir les phénomènes auxquels on a assisté entre 2012 et 2015 qui ont conduit aux drames que l’on connaît », ajoute-t-il, en référence notamment aux attentats en France en 2015 (Charlie Hebdo, Nice, 13 novembre notamment). « Nous serons, j’en suis persuadé, en discussion active avec la nouvelle administration américaine et avec ses services de renseignement pour définir les meilleures modalités afin que l’effort conduit par les pays de la région soit accompagné dans la durée ».
Nicolas Lerner exprime en revanche des doutes sur la pertinence de la création d’un service de renseignement européen. Fin octobre, l’ancien président finlandais Sauli Niinistö avait remis le sujet sur le tapis, dans un rapport remis à la Commission de l’Union européenne. « Nous devons nous faire confiance entre nous », avait-il même souligné devant la presse, laissant supposer de lourdes failles.
« Souveraineté » des États
« L’idée revient régulièrement. Elle est selon moi fondée sur un constat erroné qui voudrait que la coopération entre services européens ne fonctionne pas, ce qui n’est pas vrai », tempère le patron de la DGSE. « En outre, elle néglige la réalité, qui est que l’activité de renseignement est indissociable de la souveraineté de chaque État ».
L’ancien chef de la DGSI (service intérieur, contre-espionnage) assume enfin que la coopération avec les services russes demeure en matière d’antiterrorisme, malgré la guerre en Ukraine. « Lorsque les relations entre chefs d’État ou réseaux diplomatiques sont dégradées, la ligne des services de renseignement doit fonctionner en tout temps, à toute heure, en respectant les principes du secret et de la discrétion », fait valoir Nicolas Lerner.