La semaine passée, les câbles sous-marins de télécommunication C-Lion1 [reliant Helsinki à Rostock] et BCS [reliant l’ile suédoise de Gotland à la Lituanie] ont été rompus par une « force extérieure », dans la zone économique exclusive [ZEE] de la Suède. Très vite, l’hypothèse d’une action malveillante a été avancée.
« Personne ne croit que ces câbles ont été coupés par accident […]. Nous devons partir du principe […] qu’il s’agit d’un sabotage. Je ne crois pas aux versions des ancres qui auraient par hasard provoqué des dommages sur ces câbles », a en effet affirmé Boris Pistorius, le ministre allemand de la Défense, le 19 novembre.
Pour l’instant, la thèse d’un sabotage n’est pas confirmée. Cependant, l’analyse des données du trafic maritime dans la région de la Baltique a permis de mettre en lumière le comportement suspect du cargo chinois Yi Peng 3 [dont le commandant serait russe, ndlr] dans les zones où les deux câbles ont été coupés.
Ayant appareillé du port russe d’Oust-Louga [oblast de Leningrad] pour se rendre à Port-Saïd, en Égypte, le Yi Peng 3 a réduit sa vitesse à 3,4 nœuds au moment de croiser les câbles endommagés. En outre, a rapporté RFI, il s’était déjà fait remarquer par son comportement suspect en Méditerranée. Ainsi, entre le 24 et 31 octobre, il a effectué des « manœuvres inhabituelles pour un navire de commerce », effectuant des « zigzags » au-dessus de câbles sous-marins importants, aux abords du détroit de Gibraltar. Cependant, aucun dommage n’a depuis été constaté.
Quoi qu’il en soit, le 19 novembre au soir, suivi par le patrouilleur P525 de la marine royale danoise, le Yi Peng 3 s’est immobilisé dans le Cattégat [ou Kattegat], à la limite des eaux territoriales du Danemark [soit à un peu plus de 12 nautiques de la côte]. Et il n’a pas bougé depuis.
Évidemment, le cargo chinois fait l’objet d’une surveillance étroite, le patrouilleur danois ayant mis en panne à moins d’un nautique de sa position. Il a été ensuite rejoint par deux autres navires [un allemand et un suédois]. En outre, les soupçons de son implication dans le sabotage des deux câbles se sont renforcés après qu’il est apparu que l’une de ses ancres était endommagée.
Combien de temps le Yi Peng 3 va-t-il rester dans le Cattégat ? Le problème est que, pour le moment, il n’est pas possible de l’arraisonner étant donné qu’il ne se trouve pas dans les eaux territoriales de l’un des pays côtiers et qu’il n’a pas été surpris en train de commettre une infraction caractérisée.
Pour cela, il faudrait l’autorisation de l’État de son pavillon, c’est-à-dire la Chine. Et, comme l’a montré l’affaire du Newnew Polar Bear, un cargo chinois ayant endommagé le gazoduc Balticconnector avec son ancre en octobre 2023, les discussions avec Pékin pour obtenir un droit de visite à bord du Yi Peng 3 s’annoncent compliquées.
Le 25 novembre, étant donné que les câbles ont été coupés dans sa ZEE, la Suède a fait savoir, par la voix de son Premier ministre, Ulf Kristersson, qu’elle avait des « contacts » avec la Chine afin que le Yi Peng 3 se déplace dans ses eaux territoriales pour les besoins de l’enquête.
« Nous avons été en contact avec le navire comme avec la Chine et nous avons fait savoir que nous souhaitions que le bateau se dirige vers les eaux territoriales suédoises », a en effet déclaré M. Kristersson. « L’objectif n’est pas de lancer une accusation. Nous voulons que le navire gagne nos eaux territoriales pour que nous puissions comprendre ce qu’il s’est passé », a-t-il ajouté.
« La Chine a eu une communication fluide avec toutes les parties impliquées dans l’incident par la voie diplomatique. Au-delà de cela, je n’ai pas d’autres informations à partager concernant le navire chinois », a déclaré Mao Ning, la porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères.