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samedi 9 novembre 2024

Des drones de surveillance maritime endurants : pour quoi faire ?

 

Initialement consacrés aux missions de renseignement, les drones aériens (ou UAV : Unmanned Aerial Vehicule) remplissent leurs premières missions offensives à partir de 2001, lors des opérations américaines en Irak puis en Afghanistan. Les forces israéliennes, quant à elles, utilisent des drones armés depuis 2010. Dix ans après, une quarantaine de pays exploitent ces nouveaux armements, et l’avantage conféré par ces systèmes d’armes ressort avec le second conflit du Haut-Karabagh et plus encore depuis l’invasion de l’Ukraine.

Parallèlement, le conflit du Yémen suivi des opérations de harcèlement du trafic maritime dans le golfe d’Aden et en mer Rouge met en évidence l’importance accordée aux drones armés dans la stratégie indirecte de l’Iran et la stratégie militaire des Houthis. En moins d’un quart de siècle, ces véhicules aériens autonomes sont devenus capables de mener des attaques suicides ou de regagner leur base après avoir mis en œuvre des munitions de tous types (missiles air-sol, bombes lisses ou guidées, mines antipersonnel…). Bien que les missions de renseignement aéroterrestres demeurent prépondérantes (1), les UAV sont désormais amenés à jouer un rôle déterminant dans le domaine aéromaritime.

Des drones pour la surveillance maritime

Le renforcement simultané des tensions dans les mers des périphéries continentales (Baltique, mer Noire, Méditerranée, mer Rouge, mers de Chine, mer du Japon…) ainsi que l’intensification des affrontements hybrides à travers le monde imposent aux nations qui disposent d’intérêts et d’espaces maritimes à protéger ou à défendre – aux premiers rangs desquels figure la France – de connaître le plus précisément possible la situation et la circulation maritimes, dans les trois dimensions, concernant de vastes domaines dont ils assument la souveraineté et où ils garantissent la liberté de navigation ou encore l’application du droit maritime international.

La révolution numérique, accélérée par l’arrivée à maturité de l’intelligence artificielle (IA), couplée à l’avènement de technologies innovantes dans le domaine des UAV, rend accessible une capacité de connaissance de la situation maritime, en temps quasi réel. Ne pas l’exploiter revient à concéder un avantage stratégique à un adversaire potentiel ainsi qu’à abandonner un pan de souveraineté maritime à des alliés ou à des partenaires mieux équipés, sur les plans opérationnel et industriel.

Aujourd’hui, les UAV de surveillance maritime endurants (USM (2)) en service comme en cours de développement dans le monde permettent d’améliorer la densité d’un dispositif de surveillance maritime national étendu de la mer territoriale jusqu’à la haute mer, dans lequel chaque acteur de l’État conserverait son rôle, tout en contribuant à alimenter la connaissance d’une situation maritime tridimensionnelle et souveraine.

Tour d’horizon mondial

Les États-Unis et l’US Navy ont fait le choix de consolider leur connaissance de la situation maritime mondiale au moyen d’un UAV HALE (haute altitude longue endurance), le Northrop Grumman MQ‑4C Triton, version adaptée aux exigences de l’environnement marin du RQ‑4 Global Hawk de l’USAF. Le programme BAMS (Broad Area Maritime Surveillance) prévoit un parc de 68 Triton. À terme, les MQ‑4C seront déployés à travers le monde : Hawaï, Diego Garcia, Guam, Jacksonville, Sigonella en Sicile et Kadena au Japon. À l’exportation, seule l’Australie a, à ce jour, fait l’acquisition du MQ‑4C.

Les autres pays disposant d’USM utilisent actuellement des MALE (moyenne altitude longue endurance) pour répondre à leurs besoins opérationnels. C’est le cas de la Chine avec le TB001 Scorpion et le WZ‑7 Soaring Dragon (3), d’Israël avec les IAI Heron/Heron TP, de la Turquie avec le TAI Aksungur ainsi que de pays d’Amérique du Sud qui ont opté pour l’acquisition de drones Heron ou Elbit Hermes 900 adaptés.

Une nouvelle offre a émergé ces dernières années avec le MQ‑9B SeaGuardian de General Atomics, mis en œuvre par les garde-­côtes du Japon et par l’US Navy, et qui vient de participer à « RIMPAC 2024 », le plus grand exercice maritime multilatéral, conduit tous les deux ans par le commandement des forces américaines pour l’Indopacifique.

Actuellement, il n’existe pas d’UAV MALE embarqué à bord de porte-­aéronefs (4). Cependant, General Atomics a réalisé en novembre 2023 des essais d’embarquement de son drone Mojave sur le porte-­avions Prince of Wales britannique, et propose depuis peu une version embarquée de son MQ‑9B. Privée de F‑35B, la Turquie entreprend également de développer son propre drone navalisé, le Bayraktar TB3, pour une utilisation depuis le porte-­aéronefs Anadolu. Toutefois, si Ankara désigne ce dérivé du TB2 comme un drone MALE léger, ses caractéristiques connues en font plutôt un drone tactique.

Définir les drones de surveillance maritime

Les UAV tactiques embarqués sur les navires de guerre ou de garde-­côtes contribuent à l’allongement de la portée de détection et d’engagement des systèmes d’armes de leurs porteurs. Ils ne sont pas conçus pour assurer la surveillance d’un théâtre aéromaritime. À ce jour, la majorité des USM en service est constituée d’UAV basés à terre, non armés, bien que certains constructeurs fassent étalage de ces capacités.

Dans ce contexte, un USM se caractérise par :

• un vecteur aérien adapté au milieu marin (anticorrosion, motorisation, endurance, énergie électrique, etc.) ainsi qu’à une vitesse de croisière élevée ;

• une charge utile composée d’un radar de détection aéromaritime (5), d’une tourelle d’imagerie électro-­optique et infrarouge, d’un système de guerre électronique, d’un AIS (Automatic Identification System) et d’un système permettant son intégration dans la circulation aérienne générale (SAA, Sense and avoid) ;

• des liaisons de données sécurisées permettant le contrôle du vecteur aérien et de sa charge utile à longue distance (BLOS (6)) ainsi que l’échange des informations collectées – au travers de stations de contrôle et d’exploitation opérationnelle – avec d’autres unités (navires, aéronefs, sous-­marins, autres UAV de tous types…).

Des charges optionnelles font progressivement leur apparition :

• système de largage de bouées et de relais des signaux acoustiques ;

• largage de charges : marqueurs, armes, munitions… ;

• système embarqué de traitement des signaux acoustiques et/ou électromagnétiques.


La capacité de traitement de signaux acoustiques ou électromagnétiques à bord de l’UAV constitue une option à examiner avec précaution. L’avantage conféré par un délai de réaction réduit doit être évalué au regard de la classification élevée qu’un tel système conférerait à un UAV susceptible de tomber aux mains d’un adversaire.

L’ensemble de ces caractéristiques font de ces drones des vecteurs aériens destinés aux opérations aéromaritimes. Certains constructeurs proposent l’adaptation de MALE aéroterrestres, tels que le MQ‑9A Reaper, pour des missions maritimes, mais les performances de tels systèmes demeurent limitées par rapport à des engins spécifiquement conçus ou adaptés pour de telles missions.

Comparaison entre le Triton et le SeaGuardian

Comparer les deux systèmes permet d’apprécier les différences séparant un UAV HALE d’un MALE, en termes de concept d’emploi et de performances, le tout appliqué à un emploi maritime. Lors de la compétition BAMS, le Northrop Grumman MQ‑4C Triton était en concurrence directe avec la première version du General Atomics SeaGuardian, à l’époque désignée Mariner. Pourtant, ces deux cellules opèrent dans des catégories très différentes.

Les différences principales entre le Triton et le SeaGuardian portent ainsi sur la masse de charge utile embarquée, bien plus importante sur le Triton que sur le SeaGuardian, sur la vitesse maximale plus élevée du Triton (320 nœuds vs 210 nœuds), ainsi que sur l’altitude opérationnelle supérieure pour le Triton (17 000 m environ, contre 8 000 à 12 000 m pour le MQ‑9). L’endurance annoncée de part et d’autre est proche (24 à 36 h) bien qu’aucun des constructeurs ne précise la masse de charge utile correspondant à cette durée de vol. La vitesse de croisière supérieure du Triton lui permet néanmoins d’opérer sur de plus longues distances. Outre ces performances, le Triton et le SeaGuardian diffèrent par :

• leur système de propulsion (réacteur pour Triton, turbopropulseur pour le SeaGuardian) ;

• leur masse maximale au décollage (14,6 t pour le Triton, 5,67 t pour le SeaGuardian) ;

• leur envergure (39,9 m pour le Triton, contre 24 m pour le SeaGuardian) ;

• leur longueur hors tout (14 m pour le Triton, contre 11,7 m pour le SeaGuardian).


Ces dimensions nécessitent des installations au sol bien plus importantes pour un HALE que pour un MALE, sans même parler du fait qu’un drone HALE ne peut pas être dérivé en version embarquée sur porte-­avions. Dès lors, un UAV HALE est intrinsèquement contraint d’opérer depuis un petit nombre de bases dispersées dans le monde. Pour autant, en raison notamment de ses performances dynamiques, de sa charge utile confortable et de sa capacité de génération électrique supérieure, le Triton a remporté le contrat de l’US Navy puis celui de la Royal Australian Air Force. Il est actuellement en service au sein des flottilles VX‑20, VUP‑11 et VUP‑19 de l’US Navy (respectivement dans le Maryland, dans l’État de Washington et en Floride) et le sera très prochainement dans la RAAF, au sein du Squadron 9, dans le sud de l’Australie.

Du côté des drones MALE, le modèle le plus représentatif du marché actuel est le MQ‑9B SeaGuardian, version maritime du MQ‑9B SkyGuardian

(Protector RG Mk1 dans la Royal Air Force), lui-­même dérivé du célèbre MQ‑9A Reaper. Avec la mise en œuvre du MQ‑9B SeaGuardian et la commande, en août, de deux appareils supplémentaires par les garde-­côtes du Japon, complétant les trois en service depuis 2022, General Atomics mène de nombreuses actions (démonstrations, expérimentations, exercices), notamment en Europe, pour promouvoir son système, mais n’a pas encore enregistré de contrat majeur, bien que l’acquisition de 15 vecteurs aériens soit en cours de négociation avec l’Inde et que Taïwan ait commandé quatre SeaGuardian, dont les deux premiers devraient être livrés en 2026.

Quel que soit le modèle considéré, l’investissement financier à consentir est important, bien qu’il soit difficile de connaître le prix réel d’un Triton ou d’un SeaGuardian. Les constructeurs diffusent peu d’informations sur les contrats et leurs périmètres (pièces de rechange, formation, maintenance…). De plus, le prix de vente aux États-Unis diffère sensiblement de celui proposé à l’exportation. En janvier 2020, l’Allemagne renonçait à acquérir le Triton, le budget étant jugé incontrôlable (7). Toutefois, la mise en sommeil du programme franco-­allemand MAWS (Maritime Airborne Warfare System) et la commande d’avions de patrouille maritime Boeing P‑8A Poseidon pourraient conduire à réviser cette décision. En effet, l’US Navy exploite déjà le Triton avec le P‑8A (contrôle à distance, échange de données). Alors que cet avion équipe également le Royaume-­Uni, la Norvège, l’Inde, l’Australie, la Nouvelle-­Zélande et prochainement l’Allemagne, le lien opérationnel avec le MQ‑4C pourrait relancer l’acquisition du Triton par certains de ces pays. Enfin, au coût élevé des systèmes d’USM il convient d’ajouter celui des liaisons satellites (contrôle et exploitation) associées ainsi que celui des infrastructures de mise en œuvre spécifiques (piste d’aérodrome, hangar, protection…).

EuroDrone : une solution USM pour l’Europe ?

Les constructeurs américains occupent une place dominante dans le marché naissant des USM. Mais qu’en est-il des productions ou des projets européens dans ce domaine ? Si le drone portugais Tekever AR‑5 est d’ores et déjà exploité par l’Agence européenne de sécurité maritime (8), il ne peut être considéré comme un drone MALE en raison d’une endurance et d’une charge utile réduites. Même chose pour le Patroller du français Safran qui, bien qu’il soit parfois exposé par l’industriel avec des charges utiles maritimes (radar, AIS, etc.), n’est pas à proprement parler un drone MALE. L’entreprise française Turgis & Gaillard pourrait proposer à la Marine nationale son MALE Aarok, présenté en 2023 au Bourget en version ISR armée, comme un futur USM. Dans l’attente d’un premier vol, ce projet prometteur comporte encore trop d’inconnues pour pouvoir être analysé dans ces lignes. En Italie, Piaggio a un temps cherché à commercialiser une version dronisée de l’avion d’affaire Avanti, l’Hammerhead, qui aurait été optimisé pour la surveillance côtière et maritime, mais le projet semble avoir été abandonné après le crash du prototype. Leonardo, de son côté, semble proposer son drone MALE léger Falco Xplorer avec quelques charges utiles adaptées au milieu maritime, mais sans que ce drone soit spécifiquement adapté à cette tâche. Indépendamment de l’état de leur développement, ces solutions nationales reposent sur des plateformes globalement moins performantes que le SeaGuardian américain, sans même parler du Triton. Dès lors, face aux productions américaines, il est sans doute nécessaire d’étendre notre comparaison à une version maritime de l’EuroDrone, dont la version aéroterrestre ISR est en cours de développement.

L’EuroDrone, aussi désigné MALE RPAS (Remotely Piloted Aircraft System), est développé conjointement par Airbus, qui assure le rôle de maître d’œuvre, Dassault Aviation et Leonardo. Le programme est géré par l’OCCAR (Organisation conjointe de coopération en matière d’armement) pour quatre pays (Allemagne, France, Italie et Espagne).

Il est difficile de comparer un système en service, adapté à la surveillance maritime, comme le Triton, et une version restant à définir d’un système en cours de développement, l’EuroDrone. Toutefois, la plateforme de ce dernier, ses performances (vitesse, charge utile…) et le choix d’une propulsion bimotrice en font une bonne base de développement pour un futur USM. De plus, l’Europe, dotée d’une BITD étoffée, dispose des industriels capables de concevoir et de produire un tel système équipé de capteurs et effecteurs performants et souverains (9).

L’EuroDrone, qui sera certifié en Europe, disposera d’une masse maximale de 11 t et de deux turbopropulseurs, ce qui devrait positionner ses performances générales entre celles du SeaGuardian et celles du Triton. Son premier vol est prévu en janvier 2027. Les premières livraisons sont destinées à l’Allemagne à partir de 2030, et au-delà pour les autres participants. Le programme prévoit un total de 20 à 24 systèmes, dotés chacun de trois vecteurs aériens, soit une flotte européenne de 60 à 72 vecteurs, à comparer aux 68 MQ‑4C de l’US Navy. Le coût du programme est estimé à 7 milliards d’euros.

Le développement d’une version maritime de l’EuroDrone – ou même de charges utiles optionnelles, mais spécifiques à cette mission – n’est actuellement pas entériné. Il pourrait intervenir après l’entrée en service de la version d’origine, ce qui supposerait une livraison à l’horizon 2040. Au-­delà des pays engagés avec l’OCCAR pour la version actuelle, il convient encore d’identifier les partenaires européens susceptibles d’être intéressés par une version aéromaritime, de s’accorder sur ses spécifications ainsi que sur une répartition des tâches industrielles (vecteurs aériens, capteurs, etc.). La définition d’un calendrier de production destiné à répondre aux enjeux stratégiques et de sécurité, ainsi que celle d’un budget adapté constituent des points cruciaux.

Les Européens ne peuvent faire l’économie d’un système de ce type. Les forces armées allemandes viennent d’ailleurs d’exprimer le besoin d’un système de systèmes, notamment capable d’assurer la gestion et l’échange d’informations maritimes pour épauler ses P‑8A Poseidon, et plus largement soutenir les opérations dévolues à la patrouille maritime. Dès lors, faut-il se résigner à acquérir des systèmes américains, voire israéliens, immédiatement disponibles ?

Le développement d’un système d’USM est-il adapté à l’Europe et à la France ?

L’Europe est une péninsule entourée de mers et d’océans. La majeure partie de ses échanges commerciaux transitent par les voies maritimes, système sanguin d’une mondialisation de l’économie en cours de révision, à la suite des bouleversements géopolitiques amorcés après la pandémie de Covid‑19 et l’invasion de l’Ukraine par la Russie.

De son côté, la France possède la deuxième ZEE maritime mondiale et des territoires ultramarins répartis sur tous les océans du globe. Elle demeure une puissance nucléaire, engagée dans la sécurité internationale et attachée au multilatéralisme efficace, en tant que membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU.

Dans un contexte où la mer et les océans font l’objet d’une contestation quotidienne et d’une appropriation décomplexée, il est essentiel pour la France de disposer d’un système lui donnant accès à une connaissance souveraine de la situation maritime des derniers espaces de liberté de la planète, qui constituent une nouvelle frontière technologique, environnementale et climatique dont dépend l’avenir de l’humanité.

De même que la révolution technologique des années 1980 a contribué à mettre un terme à la guerre froide par l’avènement, rendu possible, d’une « guerre des étoiles », la course engagée pour la connaissance, le contrôle et la maîtrise des espaces maritimes, dans les trois dimensions, constitue, avec la maîtrise de l’espace exoatmosphérique, le nouveau référentiel d’affirmation de la puissance mondiale. Il nous appartient de décider si nous voulons y participer au titre de modérateur ou demeurer spectateurs de choix opérés par d’autres et en accepter les conséquences.

Le recours à un système d’USM couplé à une aviation de patrouille maritime performante, au sein d’une Marine moderne, dimensionnée pour répondre à la menace d’un conflit de haute intensité, défendre des intérêts maritimes et stratégiques répartis à travers le monde et faire valoir le droit international, ne souffre pas d’alternative, sauf à y renoncer et à accepter le renversement de l’ordre international par la force.

Il n’entre pas dans la logique du stratège de se trouver dépourvu au moment de répondre à un défi majeur. Pourtant, c’est dans un contexte d’incertitude politique et budgétaire sans précédent qu’il va revenir à la représentation nationale de statuer sur les priorités immédiates du pays, sans s’exclure du règlement des enjeux globaux, sans hypothéquer l’avenir ni le bien commun, en période de profondes recompositions géopolitiques.

Compte tenu des ressources financières importantes en jeu, les options ouvertes à notre pays concernant le renforcement de la connaissance de la situation et de la surveillance maritimes se déclinent ainsi :

• modifier ou adapter le système actuel ;

• développer en propre un nouveau système ;

• contribuer au développement d’un système en coopération ;

• déléguer cette fonction à un partenaire ou à une alliance.


Si le détail de ces options pourra faire l’objet d’un prochain article, leur mise en œuvre repose sur des dispositions communes : la reconnaissance objective du besoin ; la nécessité d’une prise de décision rapide ; un esprit de cohésion et de transformation résolu ; la réalisation du projet incrémental retenu sur une période de trois à dix ans, afin de peser sur la compétition en cours ainsi que de répondre aux défis de sécurité et de souveraineté identifiés.

L’heure du choix

Dans ce domaine, l’absence de décision ne constitue pas une option, sauf à dépendre de l’achat sur étagère d’équipements étrangers et, à terme, à ne pas avoir d’autre choix que de déléguer la fonction de la surveillance maritime de l’Europe à l’OTAN. Cette option n’est pas critiquable en tant que telle, à condition qu’elle résulte d’un choix réfléchi au regard des conséquences qu’elle comporte en matière de souveraineté nationale, technologique et industrielle, et d’autonomie stratégique européenne.

Afin d’alimenter la réflexion, il pourrait être utile de tirer les enseignements du dispositif interministériel de sûreté maritime mis en place pour assurer la surveillance, la protection et l’intervention indispensables à la sécurisation du plan d’eau de Marseille – où viennent de se dérouler les compétitions de voile des Jeux olympiques de Paris 2024 – afin d’examiner s’il est possible de l’adapter et de le dimensionner en vue de l’exploiter à l’échelle d’un théâtre maritime.

Après trente ans d’une récolte anticipée des dividendes de la paix, non sans risque pour la sécurité de l’Europe, alors que l’ordre et le droit international sont menacés, l’importance de disposer d’une connaissance de la situation maritime mondiale constitue une nécessité pour garantir la sûreté maritime et la sécurité économique de notre pays. Tout nouveau délai fait le jeu de nos contradicteurs et nous expose à une mauvaise surprise stratégique. L’acquisition d’un système d’USM adapté aux besoins de la métropole et de nos outre-mer constitue un moyen d’y parvenir sans tarder.

Notes

(1) Missions ISR : Intelligence, surveillance and reconnaissance.

(2) Pour les besoins de cet article, nous baptiserons USM les UAV de surveillance maritime endurants (HALE et MALE).

(3) On notera d’ailleurs que si la Chine qualifie de HALE ces deux modèles, il s’agit davantage de MALE au regard des critères occidentaux.

(4) Christophe Pipolo et Marc Grozel, « Le bâtiment porte-drones : nouveau gadget, porte-avions low-cost ou future classe de bâtiments ? » (article paru simultanément dans La Vigie, Marine et Océans, Mer et Marine, daté du 12 juin 2024).

(5) Le radar AN/ZPY-3 du Triton, connu également sous l’appellation MFAS (Multi-Function Active Sensor) est très différent du radar aéroterrestre du Global Hawk, le MP-RTIP (Multi-Platform Radar Technology Insertion Program).

(6) BLOS : Beyond Line Of Sight (Satcom).

(7) Dépassant à l’époque 2,4 milliards de dollars pour quatre Triton, tandis que le contrat taïwanais est estimé à 555 millions de dollars pour quatre SeaGuardian.

(8) EMSA : European Maritime Safety Agency.

(9) Technologie ITAR Free.

Christophe Pipolo

Marc Grozel

areion24.news