Des services secrets, nous ne savons que les échecs et rarement les succès. Si l'échec provoque l'anathème, l'ingratitude est fille de la victoire. Quand à la gloire, il faut l'oublier, elle est pour les autres...

mardi 22 octobre 2024

Rapport de situation du SRC 2024

 

Radar de situation


Au regard de la politique de sécurité, l’environnement de la Suisse continue de se dégrader. Le regroupement d’autocraties eurasiatiques qui coopèrent désormais plus étroitement, sur le plan militaire également, est l’un des schémas stratégiques les plus préoccupants parmi ceux qui se dessinent actuellement. Dans ce contexte, les capacités d’anticipation et d’identification précoce du Service de renseignement de la Confédération (SRC) sont essentielles. Il s’agit d’évaluer à temps les menaces et les changements importants dans l’environnement stratégique de la Suisse afin de prendre les mesures préventives nécessaires. Le nouveau rapport de situation « La Sécurité de la Suisse » du SRC présente les principales évolutions de la situation du point de vue du renseignement.

Nous nous trouvons dans une période de transition dangereuse et instable qui amènera un réordonnancement des relations de pouvoir à l’échelle planétaire. La durée de cette période est indéterminée. La Suisse est devenue considérablement moins sûre qu’il y a quelques années encore. Cette constatation s’explique par le contexte fortement polarisé dans lequel le pays évolue, un contexte fait de crises simultanées et multiples et marqué par des conflits armés en Europe comme à la périphérie de l’Europe. L’Europe précisément se trouve dans une situation qui la met au défi : la guerre d’agression de la Russie contre l’Ukraine jette en effet une lumière crue sur sa dépendance vis-à-vis des États-Unis.

Un regroupement d’autocraties eurasiatiques comprenant la Chine, la Russie, l’Iran et la Corée du Nord coopère désormais plus étroitement, sur le plan militaire également, avec les conséquences que cela implique pour les guerres et les crises régionales. Mus par une volonté de restreindre l’influence des États-Unis, ces États luttent contre les conceptions occidentales de l’ordre mondial. Ils cherchent à modifier le statu quo dans leur région respective et à établir leurs propres sphères d’influence. La Chine vise pour sa part à devenir une puissance mondiale d’ici le milieu du siècle. La collaboration militaire plus étroite entre ces États est l’un des schémas stratégiques les plus préoccupants parmi ceux qui se dessinent actuellement. Dans les mois à venir, plusieurs crises et conflits mettront particulièrement au défi les États occidentaux. Par ailleurs, la puissance occidentale dominante que sont les États-Unis sera absorbée sur le plan intérieur par l’élection présidentielle 2024 et la mise en place d’une nouvelle administration.

Guerre d’usure et risque d’embrasement

En Ukraine, la guerre d’agression de la Russie s’est transformée en guerre d’usure sans fin prévisible. La Russie reste fermement déterminée à poursuivre les hostilités et son potentiel militaire va aller en augmentant dans les mois à venir. À l’inverse, il est devenu politiquement plus difficile aux États-Unis de même qu’en Europe de maintenir l’aide à l’Ukraine, alors même que cette aide est existentielle pour elle. Actuellement, le temps joue donc en faveur de la Russie.

L’attaque terroriste de grande ampleur du Hamas contre Israël et la guerre qui en a résulté à Gaza ébranlent gravement le Proche-Orient. Depuis le 7 octobre 2023, l’intensité des échanges d’hostilités entre Israël et l’« axe de la résistance » n’a de cesse d’augmenter. Depuis mi-septembre 2024, Israël intensifie la lutte contre le Hezbollah au Liban et met ainsi l’Iran et sa stratégie régionale au défi.

Espionnage : antennes clandestines

En matière d’espionnage, la principale menace pour la Suisse émane actuellement des services de renseignement russes, mais les services de renseignement chinois font eux aussi peser une menace élevée. De nombreux services possèdent sur territoire helvétique des « résidences », soit des antennes clandestines. Celles-ci sont généralement exploitées au sein des représentations diplomatiques.

La guerre contre l’Ukraine et l’exacerbation des luttes de pouvoir dans le monde ont de surcroît aggravé la menace hybride, y compris pour la Suisse, et notamment celle posée par les activités d’influence russes.     S’agissant de la prolifération, les tentatives de la Russie de contourner les sanctions occidentales par le biais d’entreprises privées dans des États tiers constituent un défi de taille pour le contrôle suisse des exportations de biens à double usage soumis à autorisation.

Terrorisme : menace accentuée

La menace terroriste en Suisse reste élevée et s’est même accentuée en 2024. Elle est toujours marquée de manière déterminante par des individus isolés, inspirés par le djihadisme. Depuis janvier 2024, le SRC enregistre une dynamique qui va en s’intensifiant parmi les acteurs djihadistes au niveau international. Cela se reflète, entre autres, par une multiplication d’interventions policières en Europe pour cause de soupçons de terrorisme. Les intérêts juifs et israéliens restent exposés, en Suisse également.

Les milieux d’extrême droite et d’extrême gauche violents poursuivent leurs activités de manière habituelle. Les menaces qui émanent de l’extrémisme violent de droite et de gauche se sont stabilisées à un niveau élevé.

Dans le domaine du djihadisme en particulier, mais aussi dans celui de l’extrémisme de droite violent, une augmentation du nombre de cas de radicalisation de mineurs est constatée en Suisse. Cette radicalisation s’opère en ligne en peu de temps et peut conduire à la réalisation d’un attentat terroriste.


Rapport de situation SRC 
« La Sécurité de la Suisse 2024 » 
(PDF, 9 MB)