Des services secrets, nous ne savons que les échecs et rarement les succès. Si l'échec provoque l'anathème, l'ingratitude est fille de la victoire. Quand à la gloire, il faut l'oublier, elle est pour les autres...

mardi 3 septembre 2024

Les informations des renseignements français avant l'attaque du 7 octobre

 

Grâce à leurs informateurs dans la bande de Gaza, les services de renseignements français avaient repéré, longtemps avant le 7 octobre, des indices d’une attaque du Hamas en Israël. Les remontées d’informations en provenance de l’enclave palestinienne indiquaient qu’une catastrophe se préparait sous la forme d’une invasion terrestre du territoire israélien.

Selon nos informations, le renseignement avait été obtenu deux ans auparavant de la bouche même de Yahya Sinwar, chef du Hamas, mais les services français ignoraient les détails et la date précise de cette attaque terroriste inédite qui fit plus de onze cents morts dans l’État hébreu.

Alors quels sont ces indices transmis à Paris ? Entre autres, que Sinwar projetait d’envoyer plusieurs milliers d’hommes en Israël. Par ailleurs, au cours de l’été 2023, des rivaux salafistes habituellement surveillés par le Hamas avaient reçu de sa part des armes et s’entraînaient avec lui. Enfin, de nombreux jeunes n’étaient pas rentrés d’un soi-disant pèlerinage à la Mecque, alors qu’en réalité, ils s’entraînaient au Liban et en Syrie. Le fait que les services français aient pu détenir ce type d’information est démenti par les autorités : le ministère des Armées tient à clarifier que les services de renseignement du ministère des Armées n'avaient recueilli aucun renseignement faisant état du projet d'attaque conduit par le Hamas.

La question sensible du partage de renseignement entre États dans les zones disputées

La France connaît bien Gaza. Elle y a officiellement ouvert un poste pour un de ses agents en 2000. Et puis comme en Ukraine, Paris – nous pouvons le révéler – y dispose de membres du Service Action, des agents infiltrés, agissant dans le plus grand secret. L’un de ces agents, opérant sous couverture humanitaire, en fut exfiltré au printemps dernier, ce que dément le Ministère : le ministère des Armées nie la présence d'un agent infiltré du service action sous couverture humanitaire qui aurait été exfiltré au printemps.

Est-ce en raison du travail et des informations détenues par les Services français dans la zone que quelques jours après le raid terroriste, le chef des renseignements militaires israéliens, le général Aharon Haliva vint à Paris sonder les Français ?

Que lui dit-on à la DGSE, les services extérieurs ? Mystère. On touche en effet à la question sensible du partage du renseignement entre États dans une zone disputée. Jusqu’au 7 octobre, en vertu d’un accord entre Jacques Chirac et Yasser Arafat en 1995, le renseignement glané par les agents de la France à Gaza n’était pas partagé avec Israël, nous a assuré un ancien patron de la DGSE. Mais qu’en est-il depuis les massacres ? Il est très probable que les services français aient ouvert leurs dossiers au général Haliva. Le ministère des Armées affirme ne pas avoir connaissance de cette visite.

Peu après le 7 octobre, Emmanuel Macron avait plaidé pour un tel partage du renseignement. On se souvient de son idée de création d’une vaste coalition internationale anti-Hamas qui fit pshiit.

Les diplomates français n'étaient pas au courant

Si les services de renseignements avaient eu connaissance de certains préparatifs d’une éventuelle attaque contre Israël, nos diplomates, eux, n’étaient pas au courant. Et lorsque l’un d’eux demanda aux grandes oreilles ce qu’elles savaient, on ne lui répondit point. Ainsi va le fonctionnement de l’État : le cloisonnement prévaut en cas de situations sensibles. Emmanuel Macron avait-il été mis au parfum par ses services d’un projet d’attaque en Israël ? "Ce n’est pas impossible compte tenu de la qualité et de la gravité du renseignement recueilli", estime un espion français.

10 mois après, alors que la guerre continue de faire rage à Gaza où 40.000 Palestiniens sont morts, selon le Hamas, la France va y reprendre pied. Elle enverra le 3 septembre un nouveau directeur de l’Institut français de Gaza. Mais dans l’attente d’un cessez-le-feu, il sera posté au consulat de France à Jérusalem. Ironie de l’histoire, en novembre dernier, Israël s’emparait de certains dossiers de cet institut après avoir bombardé ce haut-lieu de l’influence française à Gaza. Ce n’était certainement pas un hasard.

Le ministère des Armées précise à RTL que comme c'est le cas avec la plupart des services de renseignement étrangers, les services de renseignement français entretiennent des relations très denses et régulières avec leurs homologues israéliens. Le Ministère précise que s’ils avaient été informés d'une attaque possible contre Israël le 7 octobre 2023, les services français auraient évidemment transmis ces informations aux services israéliens et aux autorités françaises. 

Enfin, le Ministère des Armées affirme ne pas avoir connaissance d'une visite en France du général Aharon Haliva, chef du renseignement militaire israélien, depuis l'attaque du 7 octobre 2023.

Georges Malbrunot

rtl.fr