Selon les estimations du Service de renseignement de la Confédération (SRC), la menace terroriste, élevée depuis des années en Europe, s'est accentuée au cours des derniers mois. Dernières preuves en date: les attentats de Solingen en Allemagne et de La Grande-Motte dans le sud de la France le week-end dernier.
En Suisse aussi, le SRC voit une «nouvelle dynamique dans le mouvement djihadiste». Celle-ci favoriserait l'émergence de réseaux de sympathisants de l'organisation terroriste «Etat islamique» (EI) dans notre pays. Les jeunes sont particulièrement concernés:
«En Suisse, nous avons un nombre de cas de jeunes radicalisés supérieur à la moyenne par rapport à d'autres Etats européens»
Le directeur du SRC Christian Dussey
Certains d'entre eux finissent par franchir le seuil de la violence: par exemple le double national tunisien et suisse de quinze ans qui, début mars, a grièvement blessé un juif orthodoxe à Zurich lors d'une attaque au couteau au nom de l'EI.
Pour la conseillère nationale PLR Jacqueline de Quattro (VD), l'attentat de Zurich illustre le danger que peuvent représenter les jeunes terroristes radicalisés:
«Une force qui nous est hostile comme l'EI instrumentalise de manière ciblée des jeunes qui, au final, menacent notre sécurité publique en tant qu'auteurs d'actes de violence».
Le Conseil est fédéral satisfait du statu quo
Jacqueline De Quattro, ancienne directrice de la sécurité du canton de Vaud, estime qu'il est nécessaire d'agir. Dans une motion déposée en mai, elle avait demandé au Conseil fédéral «la création d'une autorité fédérale de poursuite pénale spécialisée dans la lutte contre le terrorisme». Dans son exposé des motifs, elle faisait notamment référence aux cas de jeunes délinquants terroristes radicalisés, dont la poursuite relève de la compétence des tribunaux cantonaux des mineurs. Or, ces derniers ne sont pas spécialisés dans les infractions terroristes.
Lors de sa séance de mercredi, le Conseil fédéral a répondu à sa motion et recommande de la rejeter. La collaboration entre les autorités et l'échange d'informations entre la Confédération et les cantons dans la lutte contre le terrorisme fonctionneraient bien, selon les sept sages.
Les divisions compétentes du Ministère public de la Confédération et de Fedpol disposent de connaissances spécialisées en la matière, rappelle le Conseil fédéral. Il estime que l'étroite coordination entre les autorités de poursuite pénale de la Confédération et les tribunaux cantonaux des mineurs a également fait ses preuves dans les procédures liées au terrorisme. En outre, le Conseil fédéral précise que le droit pénal des mineurs suisse repose en premier lieu sur des principes éducatifs. En d'autres termes, ce sont les mesures individuelles de resocialisation qui sont au premier plan, et non la punition et la répression.
Le fédéralisme versus la menace globale
La politicienne de la sécurité De Quattro se montre déçue par la réponse:
«Le Conseil fédéral est complètement naïf en ce qui concerne le danger que représentent les jeunes radicalisés»
Le procureur général de la Confédération ainsi que les commandants de police cantonaux ont pourtant souligné que la réglementation en vigueur était insuffisante.
Le SRC fait lui aussi explicitement référence à la menace terroriste venant de jeunes radicalisés. Celle-ci est l'expression d'une nouvelle situation de menace géopolitique à laquelle l'Etat doit réagir de manière adéquate, déclare Jacqueline de Quattro:
«Dans notre système fédéraliste, la défense de la sécurité contre les menaces globales ne fonctionne pas suffisamment»
Elle reconnaît que, bien entendu, l'échange entre les autorités fédérales et cantonales est important et fonctionne bien dans l'ensemble:
«Mais nous avons besoin, dans la poursuite pénale, d'une autorité antiterroriste spécialisée et centralisée»
Jacqueline de Quattro
Elle renvoie à des réformes similaires dans d'autres pays.
La Vaudoise entend défendre au Parlement la motion que le Conseil fédéral a recommandé de rejeter.