La version Block 4 prévoit de doter le F-35 de 66 fonctionnalités inscrites dans son cahier des charges. Et cela nécessitera de mettre aussi à jour la motorisation de l’avion. Celui-ci devant être plus lourd, il aura en effet besoin d’une meilleure gestion thermique et de davantage de puissance.
Deux options étaient en balance encore récemment. L’une consistait à modifier l’actuel moteur F-135, Pratt & Whitney ayant promis d’être en mesure de proposer une solution permettant d’accroître l’autonomie de 11 % et d’offrir une poussée améliorée de 10 % ainsi qu’une gestion thermique 50 % plus efficace. L’autre, qui avait les faveurs de Lockheed-Martin, reposait sur le réacteur à cycle adaptatif [ACE] « XA100 » conçu par General Electric.
Finalement, faute de certitude sur la possibilité d’adapter le XA100 sur toutes les variantes du F-35, en particulier sur celle dite STOVL [décollage court et atterrissage vertical], le Pentagone a privilégié la solution de Pratt & Whitney, par ailleurs moins coûteuse que celle de General Electric.
Cette question concerne évidemment tous les pays qui ont acquis des F-35. Dont la Suisse, qui a commandé 36 exemplaires [block 4] en septembre 2022, pour un peu plus de 6 milliards d’euros. Selon le calendrier, les livraisons commenceront en 2027 pour s’achever trois ans plus tard.
La modernisation du moteur F-135 sera-t-elle prête d’ici là ? Rien n’est moins sûr. En revanche, il est désormais acquis que Berne devra mettre la main au portefeuille pour la financer. C’est en effet ce qu’a admis Kaj-Gunnar Sievert, le porte-parole de l’Office fédéral de l’armement [ArmaSuisse], à l’antenne de la SRF, le 7 juillet. Le responsable a ainsi confirmé une information révélée plus tôt par le quotidien Blick.
« Ce que l’on ne savait pas jusqu’à présent, c’est que le rééquipement des jets doit être payé par le commanditaire, c’est-à-dire le Département de la défense [DDPS]. […] Pourtant, lors de la signature du contrat d’acquisition, on savait que le ministère américain de la Défense faisait examiner un développement du moteur », s’était en effet étonné le journal.
Quant à connaître le coût de la facture, M. Sievert s’est gardé de faire la moindre évaluation. Toutefois, il a assuré que le « F-35 ne représentait pas un risque financier ».
Cela étant, le DDPS a livré des explications un peu alambiquées sur son site Internet. Ainsi, selon lui, « avec le moteur actuel F-135, le F-35A dispose de la propulsion la plus moderne et la plus forte en poussée des avions de combat occidentaux ». Et d’ajouter : « Dans la configuration actuelle, ce moteur répond aux exigences de la ‘configuration Block‑4’ livrée à la Suisse ». Ce qui est discutable… car sinon, pourquoi le Pentagone voudrait-il un réacteur plus performant ?
Toutefois, le DDPS n’en démord pas. « Comme le moteur F-135 répond aux exigences de la configuration Block‑4, les avions peuvent être exploités, en l’état actuel des connaissances, en service de vol sans maintenance ou tout au plus avec une maintenance supplémentaire minime », a-t-il insisté. Or, en avril, dans les pages de la version suisse du quotidien 20 Minutes, M. Sievert avait expliqué qu’il faudrait « entretenir les moteurs un peu plus souvent » jusqu’à « ce que la mise à niveau soit installée », à cause d’une durée de vie réduite » de leurs turbines.
C’est d’ailleurs déjà le cas avec les F-35 actuels, un responsable du Pentagone ayant fait état d’une usure prématurée des aubes de turbine. « Ces fissures dans le revêtements ne constituent pas un problème pour la sécurité des vols mais elle réduisent la durée de vie utile d’un moteur », avait-il expliqué.
Quoi qu’il en soit, bien qu’ayant admis ne pas connaître les « coûts précis des futures mises à niveau », le DPPS se veut serein. « Les volumes importants ont un effet positif sur les coûts de tels développements pour chaque avion. 1000 F-35 ont déjà été livrés aujourd’hui et le nombre d’avions continuera d’augmenter », a-t-il souligné, après avoir d’abord expliqué que « l’actualisation des moteurs selon la planification actuelle n’aura lieu qu’au cours de la décennie 2030 et que cette installation s’étalera sur plusieurs années ».