Des services secrets, nous ne savons que les échecs et rarement les succès. Si l'échec provoque l'anathème, l'ingratitude est fille de la victoire. Quand à la gloire, il faut l'oublier, elle est pour les autres...

dimanche 30 juin 2024

Zelensky aurait tenté de s'opposer à l'élection de Berset à Strasbourg

 

Les relations entre l'Ukraine et la Suisse semblaient au beau fixe. Au Bürgenstock, le président ukrainien Volodymyr Zelensky avait vivement remercié la Suisse pour son rôle de «médiateur et de promoteur de la paix». La présidente de la Confédération Viola Amherd avait célébré la nouvelle amitié avec ce pays déchiré par la guerre.

L'harmonie a également été invoquée la semaine dernière à Strasbourg par Alain Berset: «L'Ukraine aura la priorité absolue», a promis l'ancien conseiller fédéral après son élection au poste de secrétaire général du Conseil de l'Europe.

Mais derrière cette façade brillante, les fissures entre Berne et Kiev commencent à se faire voir. Car mardi, l'élection d'Alain Berset ne s'est pas déroulée de manière aussi harmonieuse qu'il n'y paraît. Après le premier tour de scrutin, qui laissait présager la victoire du Suisse, les adversaires du Fribourgeois ont commencé à trembler. Les deux challengers de ce dernier étaient l'Estonien Indrek Saar et le Belge Didier Reynders, ainsi que Frank Schwabe, le chef du groupe parlementaire socialiste.

Une tentative d'intimidation soutenue par Kiev?

Puis soudain, un représentant de la délégation estonienne s'est précipité devant la tête du groupe libéral (Alde) et a prononcé un vibrant plaidoyer contre Alain Berset. Celui-ci prendrait des positions problématiques dans la guerre en Ukraine et serait donc suspecté d'être favorable à Poutine, a averti l'orateur. Il représenterait donc un «danger pour le Conseil de l'Europe». Plusieurs témoins ont confirmé ce choix de mots au SonntagsBlick. Mais cette tentative n'a pas suffit: Alain Berset a été élu avec 114 voix sur 245, l'Estonien a fait 85 voix, le Belge 46. Mais il reste trois constats amers pour le nouvel élu.

  1. Alain Berset n'a pas été majoritairement soutenu par ses camarades socialistes au Conseil de l'Europe – mais par les conservateurs, les représentants du centre et les partis de gauche. Le fait que cela ait finalement suffi est dû au travail de lobbying suisse assidu et interpartis sous la direction du chef de la délégation Alfred Heer.
  2. Deuxièmement, le Fribourgeois n'est pas en terre conquise auprès de la délégation ukrainienne. Selon nos recherches, les voix qui se sont exprimées en faveur du candidat provenaient du camp Petro Porochenko, c'est-à-dire des membres de l'opposition ukrainienne. En revanche, l'ex-conseiller fédéral devra encore gagner la confiance de l'aile Zelensky.
  3. La troisième constatation devrait faire réfléchir toute la Berne fédérale: à Strasbourg, une théorie plausible circule selon laquelle la manœuvre de perturbation contre l'élection d'Alain Berset n'aurait jamais pu avoir lieu sans le soutien de Kiev. A l'inverse, on peut se demander ce que vaut la mise en scène du Bürgenstock si, quelques jours plus tard, les Ukrainiens participent à une intrigue concernant l'une des plus importantes affaires personnelles de la Confédération. Une fois de plus, on constate que la politique étrangère est une politique d'intérêts – et non pas une démonstration d'amitié jonchée de belles paroles.
Reza Rafi