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mercredi 26 juin 2024

Une troisième Intifada si loin, si proche ?

 

Les attaques palestiniennes contre les colons et les soldats israéliens se succèdent en Cisjordanie. Des jeunes, qui n’ont connu ni la première (1987-1993) ni la seconde (2000-2005) Intifada, entrent en clandestinité : ils défient l’armée israélienne (Tsahal) qui multiplie les incursions à Jénine et à Naplouse, ainsi que les services de sécurité de l’Autorité nationale palestinienne (ANP). Les racines du soulèvement actuel remontent à 2015 ; et la dynamique insurrectionnelle ne se limite pas aux frontières de la Cisjordanie. Cette Intifada rampante s’étend dans un contexte de crise de la société israélienne, mais bute sur les divisions du mouvement palestinien.

De 2005 à 2015, la Cisjordanie est comme glacée : la seconde Intifada s’est éteinte avec la disparition de Yasser Arafat (1929-2004) et l’élection de Mahmoud Abbas à la présidence de l’ANP en janvier 2005. Pendant dix ans, les Israéliens sont focalisés sur la bande de Gaza, tenue par le Hamas depuis 2007. En Cisjordanie, la coopération sécuritaire entre les Israéliens et l’ANP fonctionne : les principaux groupes armés palestiniens sont démantelés. En septembre 2015, la donne change : les Israéliens décident de réprimer les « sentinelles » (mourabitounes), ces Palestiniens surveillant l’esplanade des Mosquées à Jérusalem pour empêcher l’entrée de colons. La ville s’enflamme, la Cisjordanie également : à partir du mois d’octobre commence une courte « Intifada des couteaux ». C’est d’abord un phénomène générationnel, qui échappe aux partis politiques : des jeunes attaquent à l’arme blanche des soldats et des civils israéliens. En un mois, dix Israéliens sont tués, tandis qu’une cinquantaine de Palestiniens tombent sous les balles israéliennes.

Les Palestiniens à l’unisson

En juillet 2017, les Israéliens installent des portiques de sécurité à l’entrée des Lieux saints musulmans de la vieille ville de Jérusalem. De nouveau, des manifestations de masse secouent les Territoires occupés et culminent, en décembre, lorsque le président américain Donald Trump (2017-2021) reconnaît Jérusalem comme capitale d’Israël. À Gaza, des manifestations pour le droit au retour des réfugiés sont violemment réprimées par Tsahal en avril 2018. Une insurrection larvée s’installe dans le temps : parfois violente, sans leadership partisan et décentralisée, elle connecte malgré tout des jeunes de Jérusalem-Est, de Cisjordanie, de la bande de Gaza, mais aussi – fait inédit – des Palestiniens dits de 1948 détenteurs de la citoyenneté israélienne.

L’effet générationnel est patent : une partie de la jeunesse palestinienne s’est définitivement détournée du récit des accords d’Oslo de 1993 et d’un processus de paix échoué. La figure charismatique de Yasser Arafat pouvait encore imposer le respect à la jeunesse de la seconde Intifada des années 2000 ; la direction vieillissante d’une ANP isolée par les États-Unis de Donald Trump est, quant à elle, enferrée dans les rênes de la coopération sécuritaire avec Israël. Critique de l’ANP, Bassel al-Araj est un jeune intellectuel cisjordanien né en 1984 dont les écrits sur les mobilisations nationalistes palestiniennes passées – notamment armées – circulent sur les réseaux sociaux. Il est assassiné par les troupes israéliennes le 5 mars 2017 : son portrait orne alors les camps de réfugiés de Cisjordanie, de Gaza, mais aussi du Liban.

La centralité symbolique, politique et religieuse de Jérusalem est une autre caractéristique de cette atmosphère insurrectionnelle, qui franchit un nouveau seuil au printemps 2021 : le 10 mai, Abou Obeida, porte-parole des Brigades Ezzedine al-Qassam, branche armée du Hamas, annonce qu’une salve de roquettes sera lancée de la bande de Gaza sur Israël si les forces israéliennes et les colons ne se retirent pas de l’esplanade des Mosquées et du quartier de Cheikh Jarrah, à Jérusalem-Est. L’opération « Épée de Jérusalem » est soutenue par 11 autres factions palestiniennes, regroupées dans une « chambre d’opération commune » autour de la direction militaire du Hamas. C’est le début d’une insurrection généralisée qui ne se limite pas à un conflit autour de Gaza : les Palestiniens de 1948 manifestent non plus seulement pacifiquement, mais sous le registre de l’émeute. En Cisjordanie, le 17 mai 2021, pour la première fois depuis seize ans, des activistes des Brigades des martyrs d’Al-Aqsa, branche armée du Fatah, défilent dans les rues de Ramallah. Réfugiés palestiniens du Liban et de Jordanie assaillent les frontières avec Israël et la Cisjordanie. En un court moment insurrectionnel, les différentes composantes nationales palestiniennes sont à l’unisson.

Unité nationale par le bas 

Si la guerre de mai 2021 a enflammé l’ensemble de la rue palestinienne, l’idée d’une insurrection armée en Cisjordanie n’est pas, à l’époque, encore évidente. Certes, quelques attaques contre des colons ou des barrages militaires de Tsahal inquiètent Tel-Aviv. Mais la Cisjordanie morcelée par la colonisation est quadrillée non seulement par les forces d’occupation israéliennes, mais aussi par les services de sécurité de l’ANP, hostiles à une nouvelle Intifada. Mahmoud Abbas privilégie une « résistance populaire pacifique », surtout contrôlée par le Fatah, et compte sur l’administration Joe Biden (depuis 2021) pour relancer des négociations avec Israël. Il s’agit également pour la direction de Ramallah de ne laisser aucune marge de manœuvre politique ou militaire à ses opposants – Hamas, ­Djihad islamique, Front populaire de libération de la Palestine (FPLP). Mais la situation échappe aux services de sécurité palestiniens et même aux Israéliens. En juin 2021, Tsahal abat Jamil al-Amouri, un jeune activiste du Djihad islamique. Âgé de 25 ans, il est suspecté d’avoir organisé des attaques contre l’armée israélienne et les colons, et d’avoir structuré un groupe dans le camp de réfugiés de Jénine, dont il est originaire. Il faut cependant attendre le mois de septembre pour qu’une Brigade de Jénine émette son premier communiqué officiel, en soutien à six prisonniers palestiniens échappés du centre de détention de Gilboa, dans le nord d’Israël.

La Brigade de Jénine a ses jeunes partisans dans un camp de réfugiés, qui fut déjà le lieu d’une féroce bataille avec les Israéliens lors de la seconde Intifada, du 3 au 11 avril 2002. La Tanière des lions de Naplouse tire, quant à elle, sa force d’une implantation locale dans la partie ancienne de cette ville. Ce groupe publie son premier communiqué en septembre 2022. Il est cependant déjà actif à Naplouse : de février à août 2022, l’armée israélienne a assassiné plusieurs jeunes dirigeants des Brigades des martyrs d’Al-Aqsa. Parmi eux, Ibrahim al-Nabulsi, un homme de 18 ans. Ses funérailles, en août 2022, sont suivies par plusieurs dizaines de milliers de personnes. Depuis, la Brigade de Jénine et la Tanière des lions de Naplouse n’ont cessé de multiplier les actions contre les colons et l’armée israélienne, entraînant de nouvelles incursions de Tsahal. Surtout, le modèle de petites organisations fondées d’abord et avant tout sur une implantation locale, formées sur des réseaux d’interconnaissances de jeunes clandestins bénéficiant de la protection de la population et de leurs familles, a eu un effet domino en Cisjordanie : des groupes armés se sont créés à Tulkarem, à Tubas, dans les camps de réfugiés de Jalazon et d’Aqabat al-Jaber…

Ces mouvements, en plus de leur fort ancrage local, ont trois autres caractéristiques : générationnelle, transpartisane et de classe. La jeunesse d’abord : les combattants ont la vingtaine – parfois moins – et sont nés à la fin des années 1990 et au début de la décennie 2000. Ce n’est donc même plus une « génération Oslo ». Leur passage au politique, à la lutte armée et à la clandestinité s’est effectué dans un champ de ruines nationales : ils ont grandi dans un univers marqué par la colonisation et la division sanglante entre le Fatah et le Hamas, matérialisées par une séparation politique, et non plus seulement géographique, entre la bande de Gaza et la Cisjordanie, et par un décalage générationnel avec la direction actuelle de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) et de l’ANP.

D’où la dimension transpartisane de ces nouveaux groupes armés : la Brigade de Jénine et la Tanière des lions de Naplouse réunissent des jeunes du Hamas, du Fatah, du Djihad islamique et du FPLP. C’est en quelque sorte une unité nationale « par le bas » qui s’effectue, à défaut de par le haut – les factions palestiniennes sont encore incapables de s’accorder sur un programme de réforme de l’OLP. À Jénine, les cadres du Djihad islamique – très implanté dans le camp de réfugiés – peuvent travailler de concert avec des membres du Fatah. À Naplouse, les cadres fondateurs de la Tanière des lions sont majoritairement issus du Fatah, mais peuvent aussi venir de la gauche – Tamer al-Kilani, un membre du FPLP qui a cofondé le groupe armé, est assassiné par les Israéliens le 23 octobre 2022. C’est un modèle militaire unitaire qui diffère de celui de la seconde Intifada, fondé sur des mouvements partisans distincts (Hamas, Fatah, FPLP, Djihad islamique).

Le caractère de classe enfin : ces groupes armés émergent principalement dans des espaces urbains surpeuplés, et mobilisent surtout des jeunes issus de « familles prolétaires dont les membres travaillent comme ouvriers en Israël et ouvriers qualifiés et non qualifiés en Cisjordanie » (1), ce qui n’est pas sans créer des tensions avec les classes moyennes supérieures et commerçantes. Multipliant les attaques nocturnes, maîtrisant la géographie des ruelles sinueuses où ils sont implantés, ces groupes armés ont appris à construire des tunnels et à retarder l’entrée des chars israéliens à l’aide de barrières artisanales et d’engins explosifs improvisés.

« L’unité des places »

L’insurrection armée en Cisjordanie a des racines dans le temps qui remontent à 2015, avec des raisons palestiniennes, israéliennes et régionales. Tout d’abord, la tension s’accentue en Cisjordanie alors que la société israélienne apparaît, aux yeux des Palestiniens, comme de plus en plus divisée : depuis janvier 2023, les manifestations contre le gouvernement de Benyamin Netanyahou, tout juste revenu au pouvoir un mois auparavant, et le projet de réforme de la Cour suprême prennent une ampleur sans précédent. Des responsables sécuritaires israéliens s’inquiètent d’une Cisjordanie en feu, d’une bande de Gaza immaîtrisable, dans un contexte de crise politique interne israélienne – ce n’était pas le cas lors des première et seconde Intifadas.

Ensuite, un tournant stratégique s’est opéré chez les Palestiniens, notamment chez le Hamas, avec la guerre de mai 2021 : pour ce dernier, il ne s’agit plus seulement de tenir la bande de Gaza, mais de remettre au centre la question de Jérusalem et de favoriser des foyers armés en Cisjordanie – le Bataillon Ayyash revendique des tirs de roquettes artisanales sur des colonies à partir de Jénine en juin et en juillet 2023. Des militants affiliés au Hamas ont multiplié les attaques contre des colons et des soldats israéliens en Cisjordanie – le Mouvement de la résistance islamique défiant aussi les services de sécurité palestiniens, qui ne manquent pas d’incarcérer certains de ses activistes.

Enfin, les Territoires occupés ne sont pas isolés de la géopolitique régionale : la tension entre le Hezbollah libanais et Israël est à son comble depuis l’hiver 2023. Le mouvement chiite a été accusé par Tel-Aviv d’avoir planifié une opération armée à Megiddo (nord d’Israël), le 15 mars 2023. Le Hezbollah n’a depuis ni infirmé ni confirmé cette thèse. En avril, des roquettes ont été lancées du Sud-Liban sur Israël, alors que le président du Bureau politique du Hamas, Ismaïl Haniyeh, rencontrait le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, à Beyrouth. Les Israéliens ont multiplié les menaces sur Saleh al-Arouri, numéro deux du Hamas résidant au Liban, suspecté de planifier l’insurrection en cours en Cisjordanie.

L’armée israélienne craint des fronts régionaux interconnectés, qui iraient de la bande de Gaza au Sud-Liban et au plateau du Golan syrien (occupé par Israël depuis 1967 et annexé en 1981), en passant par la Cisjordanie. Et c’est cette nouvelle doctrine stratégique qui est prônée officiellement par les différentes factions palestiniennes, tout comme par le Hezbollah, sous le slogan « Unité des places ». C’est d’abord le nom donné par le Djihad islamique à une courte bataille qui l’a opposé à Israël à partir de la bande de Gaza en août 2022, à laquelle le Hamas n’a pas participé. Depuis, à chaque confrontation à l’œuvre en Cisjordanie, au Sud-Liban ou à Gaza, l’« unité des places » est un slogan qui apparaît autant sur les réseaux sociaux palestiniens que dans les communiqués des principaux groupes armés. Le principe est simple : toute attaque israélienne sur Jérusalem, Gaza ou la Cisjordanie peut entraîner une réponse militaire sur un autre front, selon une stratégie d’encerclement progressif des Israéliens.

Une Intifada rampante 

En dépit d’une situation insurrectionnelle dans les Territoires occupés qui s’inscrit dans un temps long, personne ne parle encore d’une « troisième Intifada », comme si le soulèvement attendait sa date de naissance. Pourquoi les acteurs politiques palestiniens tardent-ils à la déclarer, alors que certaines parties de la Cisjordanie deviennent un terrain militaire et politique de plus en plus ingérable pour les Israéliens ? C’est d’abord la division interpalestinienne qui bloque le passage à une troisième Intifada. Celle de décembre 1987 était soutenue par l’ensemble des forces de l’OLP, coordonnées dans un Commandement national unifié, tout comme par les islamistes. En septembre 2000, la dynamique du soulèvement était appuyée par Yasser ­Arafat. Unité nationale palestinienne et dynamique du soulèvement allaient de pair. Certes, dans la conjoncture actuelle, une unité nationale par le bas s’est opérée à Jénine, à Naplouse ou à Tulkarem, agrégeant de jeunes activistes clandestins venus d’horizons idéologiques divers. Mais l’unité par le haut tarde à se réaliser : les accords interpalestiniens d’Alger d’octobre 2022 devant paver la voie à de nouvelles élections du Conseil législatif palestinien et à une réforme de l’OLP n’ont jamais été appliqués. Fin juillet 2023, une conférence des secrétaires généraux des partis palestiniens tenue au Caire est boycottée par le Djihad islamique et le FPLP-Commandement général (FPLP-CG), et se déroule dans une atmosphère de tension extrême. Algérie, Égypte, Qatar, jusqu’au président turc Recep Tayyip Erdogan (depuis 2014), qui a accueilli le 26 juillet 2023 Mahmoud Abbas et Ismaïl Haniyeh à Ankara… Toutes les médiations régionales pour réconcilier Hamas et Fatah ont échoué.

Quant à un soutien arabe au soulèvement palestinien, il demeure plus qu’hypothétique. Certes, les « accords ­d’Abraham » de 2020 et la dynamique de reconnaissance d’Israël par des pays arabes (Émirats arabes unis, Bahreïn, Soudan, Maroc) semblent enrayés : les monarchies du Golfe ont pris des distances avec Israël, et l’Arabie saoudite écarte pour l’instant toute tentative de normalisation avec l’État hébreu. Mais les membres de la Ligue arabe préfèrent le statu quo et la logique de négociation à toute explosion de la Cisjordanie.

Il est un autre facteur qui bloque le passage à une troisième Intifada : le rapport des groupes armés à l’ANP. Certes, la Brigade de Jénine et la Tanière des lions de Naplouse ont exclu d’affronter militairement les membres des forces de sécurité palestiniennes – au nom de l’unité nationale et pour éviter une guerre civile. Mais la coopération sécuritaire entre l’ANP et l’armée israélienne entrave leurs mouvements. Surtout, nombre de jeunes activistes ont été incarcérés par la Sûreté préventive palestinienne. La colère contre l’exécutif de Mahmoud Abbas est patente. Lorsque les troupes israéliennes se retirent de Jénine, le 5 juillet 2023, après deux jours d’intenses combats, Mahmoud al-Aloul, vice-président du Fatah, et Azzam al-­Ahmad, membre du Comité exécutif de l’OLP, se rendent dans la ville pour rendre hommage aux victimes de l’incursion : ils sont expulsés par la foule. Une semaine plus tard, Mahmoud Abbas effectue son premier déplacement officiel à Jénine depuis onze ans : ses services de sécurité sont contraints de limiter dans le temps et l’espace une visite marquée par un accueil populaire froid.

Moins qu’une Intifada, plus qu’un simple soulèvement ? Tout le monde a les yeux fixés sur la Cisjordanie : l’Intifada n’y est pas ouverte, elle est « rampante », faite d’attaques quasi quotidiennes contre l’armée et les colons et où émergent de petites zones autonomes constamment insurgées. Les Israéliens craignent une interconnexion régionale des différents fronts palestiniens et libanais, tandis que l’ANP se demande justement comment rétablir… son autorité sur des morceaux de territoire échappant à son contrôle. La colère contre l’ANP atteint même les rangs des Brigades des martyrs d’Al-Aqsa : à Tulkarem, elles exigent la libération des jeunes Palestiniens emprisonnés par l’ANP et désobéissent explicitement aux consignes d’appel au calme de leur propre parti, le Fatah. Le huitième congrès du Fatah doit se tenir en décembre 2023 (le dernier date de 2016), mais les divisions sont nombreuses au sein du mouvement de Yasser Arafat depuis l’annulation des élections législatives et présidentielle palestiniennes de mai 2021, et de frondes animées par Nasser al-Qidwa, expulsé du comité central du mouvement, et par le député emprisonné Marwan Barghouti. C’est dire aussi que l’avenir de cette Intifada rampante se joue au sein même d’un parti à deux visages : il y a le Fatah intégré à l’appareil protoétatique de l’ANP, assurant salaires et stabilité de l’emploi aux membres des forces de sécurité et aux employés du service public, et il y a le Fatah insurgé et populaire des « jeunes lions ».

Note

(1) Lisa Taraki, « Sociologie de la situation révolutionnaire/rebelle en Palestine » (en arabe), in Revue des études palestiniennes, no 135, été 2023.

Nicolas Dot-Pouillard

areion24.news