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jeudi 6 juin 2024

La Russie envisage de livrer des missiles à d’autres pays susceptibles de menacer les intérêts occidentaux

 

La semaine passée, les États-Unis se sont alignés sur la position notamment défendue par le Royaume-Uni, la Suède et la France en autorisant les forces ukrainiennes à utiliser les armes qui leur ont été fournies pour frapper le territoire russe… mais avec toutefois des restrictions, seules des frappes susceptibles de contribuer à la défense du secteur de Kharkiv étant autorisées.

« Le président [Joe Biden] a donné pour mission à son équipe de faire en sorte que l’Ukraine puisse utiliser des armes américaines afin de contre-attaquer dans la région de Kharkiv, de manière à riposter lorsque les forces russes l’attaquent ou se préparent à l’attaquer », a en effet expliqué un haut responsable américain. « Notre position d’interdiction de l’utilisation de [missiles balistiques tactiques] ATACMS ou de frappes en profondeur à l’intérieur de la Russie n’a pas changé », a-t-il ajouté.

Cette décision est un revirement de la part de Washington. Récemment encore, le chef de la diplomatie américaine, Antony Blinken, s’était fait reprendre pour avoir justement évoqué un assouplissement des restrictions jusqu’alors imposées aux forces ukrainiennes, ces dernières n’étant autorisées à utiliser des armes livrées par les États-Unis que pour frapper des objectifs militaires situés sur le sol ukrainien occupé.

En outre, la décision américaine a fini par convaincre Berlin d’en faire autant. « L’Ukraine peut utiliser les armes fournies par l’Allemagne pour se défendre contre les attaques lancées depuis la Russie dans la région frontalière de Kharkiv », a ainsi déclaré un porte-parole du gouvernement allemand, le 31 mai. « Nous sommes tous convaincus que l’Ukraine a le droit, garanti par le droit international, de se défendre contre ces attaques » et « pour ce faire, elle peut également utiliser les armes fournies à cette fin conformément à ses obligations juridiques internationales, y compris celles que nous lui avons fournies », a-t-il précisé.

La réaction de la Russie à ces annonces a été étonnamment en retrait. Des « armes américaines sont déjà utilisées pour tenter de frapper le territoire russe », a seulement commenté Dmitri Peskov, le porte-parole du Kremlin, le 31 mai. La veille, Moscou avait accusé l’Otan de lancer un « nouveau cycle d’escalade ».

Il aura fallu attendre une semaine pour que le président russe, Vladimir Poutine, sorte de sa réserve. « Si quelqu’un considère possible de fournir de telles armes dans la zone de combats pour frapper notre territoire […], pourquoi n’aurions-nous pas le droit de fournir nos armes du même type dans des régions du monde où seront frappées les installations sensibles des pays qui agissent ainsi contre la Russie ? Nous y réfléchirons », a-t-il déclaré, en marge du Forum économique international annuel de Saint-Pétersbourg, après avoir estimé que les « récentes actions des Occidentaux » allaient « encore plus porter atteinte à la sécurité internationale » et pourraient engendrer des « problèmes très graves ».

« Fournir des armes à une zone de conflit est toujours une mauvaise chose. Surtout quand les fournisseurs ne se contentent pas de fournir des armes, mais qu’ils les contrôlent. C’est une mesure très grave et très dangereuse », a aussi déclaré M. Poutine, en laissant entendre que des instructeurs militaires occidentaux étaient déjà présents en Ukraine.

Cela étant, la Russie a déjà commencé à mettre en œuvre cette politique, en transférant des systèmes de missiles Iskander ainsi que des armes nucléaires « tactiques » en Biélorussie. Mais elle pourrait l’étendre à d’autres pays. La Libye, ou, du moins, la partie de ce pays contrôlée par la faction qu’elle soutient, pourrait en être. D’ailleurs, le ministre russe adjoint de la Défense, Iounous-Bek Evkourov, s’y est rendu à quatre reprises depuis août 2023 pour rencontrer le maréchal Haftar. A priori, Moscou aurait l’intention d’installer des bases navales à Tobrouk ou à Benghazi.

S’agissant des États-Unis, on pourrait revivre la crise des missiles à Cuba, comme en 1962. Mais la Russie pourrait prendre appui sur le Venezuela, pays avec lequel elle a noué une importante coopération militaire, comme en a témoigné l’envoi de deux bombardiers stratégiques Tu-160 « Blackjack » à Caracas, en 2019. La Péninsule de Paraguana pourrait, par exemple, accueillir des missiles ayant la portée suffisante pour menacer la Floride.

En outre, M. Poutine s’en est pris à Allemagne. « Les livraisons de chars allemands à l’Ukraine ont choqué de nombreuses personnes en Russie. […] Maintenant, s’ils [les Ukrainiens] utilisent des missiles [allemands] pour frapper des installations sur le territoire russe, cela ruinera complètement les relations russo-allemandes », a-t-il prévenu.

Enfin, le chef du Kremlin a de nouveau évoqué un éventuel recours à l’arme nucléaire. « Pour une raison quelconque, les Occidentaux croient que la Russie ne l’utilisera jamais », a-t-il dit. Or, a-t-il continué, en évoquant la doctrine nucléaire russe, « si les les actions de quelqu’un menacent notre souveraineté et notre intégrité territoriale, nous considérons qu’il est possible d’utiliser tous les moyens à notre disposition ».

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